Le myélome multiple (MM) ou maladie de Kahler est une prolifération maligne d’un clone plasmocytaire produisant de manière inadaptée et exagérée une immunoglobine ou l’un de ses fragments. Le MM représente 10 % des hémopathies malignes, son incidence augmente avec l’âge (5 pour 10 000 habitants à 50 ans, 20 à 80 ans). Il est légèrement plus fréquent chez l’homme que chez la femme et l’âge moyen du diagnostic est de 64 ans. Environ 3 à 4 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année en France.
Si l'évolution de la maladie demeure souvent malheureusement fatale, l'espérance de vie des patients à compter du diagnostic, grâce aux techniques de greffe de moelle et aux nouveaux médicaments, a plus que doublé en une quinzaine d'années.
DES CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE DIVERSES
Les symptômes du MM sont très peu spécifiques et polymorphes. Si classiquement des douleurs osseuses intenses et des lésions osseuses permettaient d’évoquer le diagnostic, de plus en plus souvent, ce diagnostic est effectué de façon fortuite, à l’occasion notamment d’un bilan biologique demandé à titre systématique ou devant une asthénie.
Les douleurs osseuses, le plus souvent localisées au niveau de la colonne vertébrales sont permanentes et peu calmées par le repos. Toute fracture spontanée doit faire évoquer un myélome. En pratique, il n’est pas toujours simple de différencier un tassement vertébral d'origine ostéoporotique ou liée à un myélome.
En pratique, il faut penser à un myélome multiple et demander une électrophorèse des protéines (EPP) devant des symptômes tels que des douleurs osseuses, une anémie, une hypercalcémie, un dysfonctionnement des reins ou des infections à répétition chez un patient de plus de 50 ans (1).
LE DIAGNOSTIC DE MYELOME
Mise en évidence de la gammapathie monoclonale (sang et urines)
Le myélome est caractérisé par la présence d'un pic monoclonal à base étroite dans la région des gammaglobulines. Pour mettre en évidence ce composant monoclonal sont demandés :
- L’électrophorèse des protéines ;
- L’immunoélectrophorèse des protéines sériques qui permet de caractériser l’isotype de l’immunoglobuline et de différencier les différents types de myélome;
- Une protéinurie des 24 heures avec électrophorèse et immunofixation des urines – qui remplace la classique demande de recherche de la protéinurie de Bence Jones. Cet examen permet de mettre en évidence une possible élimination par le rein de chaînes légères.
- Le dosage des chaines légères libres dans le sang avec le test Freelite®, examen pratiqué dans des laboratoires spécialisés et est non remboursé par la sécurité sociale .
Que le myélome soit à Ig G, A, D, E ou à chaines légères - Ig G (55 %), IgA, (26%) chaines légères (14%) - les symptômes sont les mêmes et la gravité de la maladie n’en dépend pas. Dans les myélomes à chaines légères sans sécrétion de chaines lourdes, le pic peut être absent mais il existe une hypogammaglobulinémie sévère et présence de chaines légères dans les urines et dans le sang. Le dosage des chaînes légères libres est utile pour suivre l’évolution et la réponse au traitement
- Tout pic monoclonal n’est pas un myélome, ils peuvent se voir dans certaines maladies auto-immunes ou cancers ou leucémie lymphoïde chronioque. Une place à part doit être faite au pic monoclonal isolé MGUS (monoclonal gammapathie of undetermined signifiance ou gammapathie d’origine indéterminé) dont les critères sont stricts : absence de signe clinique, CRP normale (la VS peut être augmentée du fait de l’immonoglobuline monoclonale), Hb normale, créatinine normale, absence de lésion osseuse, protéinurie < 2g/l, composant monoclonal < 30 g et absence d’infiltration médullaire par des plasmocytes anormaux. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination justifiant une simple surveillance par EPP tous les ans, le risque de transformation d'un MGUS en un myélome actif étant très faible, 1 % par année.
Un myélogramme avec caryotype
Le myélogramme doit être réalisé en première intention et systématiquement en cas de suspicion de MM. Il met en évidence la présence de plasmocytes dystrophiques et un excès de plasmocytes (plus de 10 % alors qu’ils sont inférieurs à 5 % dans une moelle normale). Ces plasmocytes sont monotypiques c'est-à-dire qu’ils portent la même chaîne légère témoignant de leur appartenance au même clone). Le myélogramme permet aussi de réaliser des analyses génétiques à la recherche d’anomalies chromosomiques sur les cellules tumorales qui peuvent influer sur le pronostic et le traitement de la maladie
LE BILAN COMPLEMENTAIRE INITIAL
Un bilan radiologique osseux
Toute suspicion de myélome doit conduire à la réalisation systématique de radiographies standards du crane, du rachis dorsolombaire, du bassin, des fémurs, des humérus et du grill costal. On recherche des lésions lytiques dites « géodes à l’emporte pièce », lacune ronde ou ovalaire bien limitées ; elles sont multiples dans 80 % des cas mais il faut savoir que 20 % des myélomes ne présente aucune lésion osseuse en imagerie standard. L’IRM est nécessaire en cas de suspicion de myélome avec radios normales, la découverte d'une lésion pouvant modifier la prise en charge (les résultats de l’IRM ne sont pas pris en compte si les radios sont normales en revanche la progression du myélome d’un stade I vers un stade II sera plus rapide)
L’IRM est aussi indispensable pour rechercher une épidurite avec compression médullaire. La scintigraphie osseuse n’a aucun intérêt.
Les lésions osseuses concernent prés de 70% des malades au stade du diagnostic.
L’ostéopathie de myélome multiple provient d’interactions entre les plasmocytes tumoraux et le microenvironnement osseux et se caractérise par une augmentation de la résorption osseuse ostéoclastique et une diminution de la formation osseuse ostéoblastique (7).
Un bilan biologique
Il comporte :
- une NFS : l’anémie est souvent le premier signe de MM, elle peut être due à l'atteinte des autres cellules de la moelle osseuse par envahissement des espaces médullaires mais le plus souvent elle est liée à des anomalies cytokiniques qui modifient l’érythropoïèse, elle est aggravée par l’insuffisance rénale et le déficit en érythropoïétine
- une VS constamment accélérée en raison de l’immunoglobuline monoclonale (indépendamment de tout syndrome inflammatoire) sauf dans les myélomes à chaînes légères ou elle est normale.
- un dosage de l’urée et et de la créatinine pour évaluer la fonction rénale, le MM étant responsable d’une tubulopathie par obstruction tubulaire liée à la présence de cylindres composés de l’agrégation de chaines légères néphrotoxiques. Le myélome à chaines légères est le plus susceptible de provoquer des lésions rénales.
- une calcémie qui peut être trop élevée du fait des lésions osseuses
L’ensemble de ces résultats permet de définir le stade du myélome selon la classification de Durie et Salmon (voir tableau1).
TRAITEMENT DU MYELOME : AUTOGREFFES, NOUVELLES STRATEGIES MEDICAMENTEUSES
La gravite du myélome dépend d’un certain nombre de facteurs :
- la masse tumorale évaluée par la classification de Durie et Salmon
- la fonction rénale au moment du diagnostic, (l’insuffisance rénale complique les traitements)
- le taux de beta2-microglobuline sanguin, les taux les plus élevés étant associés à une survie plus courte
- l’existence d’anomalies cytogénétiques, c'est-à-dire des chromosomes à l’intérieur des plasmocytes anormaux (translocation, délétion,…)
Face à un diagnostic de myélome, la première question est de déterminer s’il relève d’un traitement ou d’une simple surveillance. Ainsi, les patients du stade 1 ne nécessitent pas de traitement, bien que la progression vers un myélome symptomatique soit inéluctable mais elle ne peut être prévenue à l’heure actuelle. Une surveillance semestrielle est nécessaire. Cependant certains stades I peuvent avoir des critères évolutifs qui vont justifier une prise en charge thérapeutique (augmentation du pic monoclonal, etc.…).
Pour les stades II et III, un traitement est entrepris, l’âge du patient étant pris en compte dans la décision thérapeutique, puisqu’un âge limite de 65 ans a été déterminé en France pour pouvoir bénéficier des autogreffes.
« Après les traitements intensifs avec autogreffe, pratiqués dans les années 90, qui ont amélioré le pronostic des patients les plus jeunes, l’introduction de trois nouvelles molécules, Thalidomide, Bortézomib et plus récemment Lénalidomide, a bouleversé les stratégies tant pour les rechutes que pour les traitements de première ligne. » souligne Véronique Leblond. Le myélome devient presque une maladie chronique pouvant être traitée 2, 3,4, 5 fois permettant ainsi d’augmenter de façon significative la survie. Un essai en ce sens va être débuté en 2010 par L’IFM (Intergroupe français du Myélome qui fédère 150 centres en France, Suisse et Belgique partageant les mêmes stratégies thérapeutiques).
L'autogreffe
La greffe des propres cellules souches hématopoïétiques du patient, permet d’intensifier le traitement par chimiothérapie du patient. Meilleure sera la réponse du patient avant le greffe, meilleur sera le résultat de celle-ci.
Elle est réalisée en trois étapes : traitement d'induction par chimiothérapie - bortezomib + dexamethasone seul ou associé à de la chimiothérapie ( melphalan, adriamycine) - puis, après injection de facteurs de croissance, prélèvement des cellules souches par cytaphérèse suivie de l'administration de fortes doses de chimiothérapie (melphalan) puis réinjection des cellules souches prélevées.
La récupération hématopoïétique s’effectue en 2 semaines, l'hospitalisation dure habituellement 2 à 4 semaines. Une deuxième autogreffe peut être réalisée pour les patients en réponse partielle.
« Si l’autogreffe est encore considérée comme le traitement le plus répandu en cas de myélome du sujet jeune, elle est de plus en plus remise en question par les résultats des études impliquant les nouveaux traitements du myélome. Les progrès obtenus permettraient d’envisager de repousser l’autogreffe après un premier traitement par ces nouvelles molécules et de ne la pratiquer qu’en cas de rechute ».
Les nouvelles molécules
Elles ont un certain nombre d’effets secondaires qu’il est nécessaire de connaître (tableau 2) mais dans l’ensemble leur tolérance est meilleure que celle des chimiothérapies (traitements réalisés en ambulatoire, pas d'alopécie,…).
- Thalidomide (Celgene®) : gélules à prendre le soir en raion du risque de somnolence. Le thalidomide a principalement un effet antiangiogène et immunomodulateur. Il présente un risque de neuropathie dose dépendante et de thrombose veineuse précoce au cours du traitement.
- Bortezomib (Velcade®) : chaque cycle thérapeutique dure 3 semaines et comporte 4 injections IV/ 2 semaines avec un intervalle libre de 10 jours entre 2 cycles, (huit cycle maximum). Le bortézomib est un inhibiteur du protéasome dont l’action est potentialisée par l’adjonction de dexaméthasone. Les neuropathies sont plus précoces et douloureuses que celles du thalidomide mais sont réversibles en 3-4 mois.
- Lenalidomide (Revlimid®) est un analogue structurel du thalidomide. avec l’avantage de ne pas induire de neuropathie mais ayant une toxicité hématologique (neutropénie et thrombopénie).
Le traitement est évalué par la surveillance du pic monoclonal
Une electrophorèse des protéines est réalisée après chaque phase de traitement. Pour les myélomes à chaînes légères, la surveillance est réalisée sur le dosage des chaines légères (test Freelite).
- La réponse est dite complète (RC) si le pic n’est plus détectable en immunofixation,
- elle est dite très bonne réponse partielle (TBRP) si le pic est réduit d’au moins 90 %, et de réponse partielle (RP) s’il est réduit de plus de 50%.
- Un pic monoclonal qui augmente de plus de 25 %, une réapparition de symptômes cliniques ou la survenue de nouvelles lésions osseuses signe une rechute et la nécessité d’un autre protocole thérapeutique.
Avec l’introduction des traitements intensifs, les patients présentant une RC ont une survie globale supérieure à celle des patients en réponse partielle. La rémission permet la disparition de l'asthénie, des douleurs osseuses, de l'anorexie, une stabilité du poids,
Le traitement des sujets jeunes (< 65 ans)
Il repose sur les nouvelles thérapies et les autogreffes. Le traitement d’induction de référence, le VAD (Vincristine, Adriamycine et dexaméthasone) a disparu au profit des nouvelles drogues en induction comme le bortézomib qui ont permis d’augmenter le nombre de patients en réponse avant la greffe.
La combinaison des drogues avec le melphalan, l’adriamycine, le thalidomide ou le lénalidomide semble augmenter encore le taux de rémission complète et effacer certains facteurs de mauvais pronostic (translocation) (4).
Traitement des sujets âgés de plus de 65 ans
Pas d’autogreffe après 65 ans mais un traitement médicamenteux réalisé en ambulatoire. La classique combinaison melphalan-prednisone (MP) a perdu son statut de traitement de référence au profit de la combinaison MP- thalidomide, en veillant à l’apparition d’une neuropathie périphérique (2, 6). Le taux de thrombose, est peu élevé, beaucoup de patients en raison de leur âge prenant soit de l’aspirine soit des AVK. Le bortézomib et le lénalidomide donnent également des résultats très encourageants.
Myélome en rechute ou réfractaire
Le choix des traitements en rechute dépend de leur profil de tolérance et des traitements antérieurement reçus.(3) Si un premier traitement a permis une réponse complète et longue, il sera réinstauré, par contre si la réponse a été de courte durée, le choix se fera sur une autre stratégie médicamenteuse.
Traitement de consolidation ou d’entretien
Le lenalidomide ou le thalidomide est de plus en plus utilisé en traitement de consolidation autorisant une augmentation de la survie et de la survie sans maladie. De nombreux essais sont en cours pour tester l’intérêt d’un traitement d’entretien dans cette hémopathie.
LES TRAITEMENTS COMPLEMENTAIRES
Le traitement du MM s’accompagne de la prise en charge de ses complications :
- radiothérapie locale ou cyphoplastie par ballonnets ou vertebroplastie qui permettent, en cas de tassement vertébral important, de redonner à la vertèbre une taille normale
- administration systématique de biphosphonates pour réduire l'incidence des complications osseuses. Ils sont essentiels s’il existe une hypercalcémie. Attention, rappelle Véronique Leblond « L’existence de nécrose de la mâchoire secondaire aux biphosphonates nécessite une collaboration étroite avec les stomatologues en cas de prescription initiale pour vérifier l’absence de contre indication. Tout geste (avulsion dentaire etc..) doit être discuté avec le chirurgien dentiste. »
- transfusion ou érythropoïétine en cas d'anémie en veillant à ne jamais dépasser un taux d’hémoglobine de 13 g/l.
- antalgiques
- prise en charge de l’insuffisance rénale, en se souvenant du risque majeur des produits de contraste pour les examens d’imagerie
- vigilance devant toute fièvre : il faut avoir l’antibiothérapie facile en pensant aux infections à germe encapsulés s’il y a une hypogammaglobulinémie. Une vaccination anti penumococcique doit être effectuée.
- en cas d’infections à répétition et d’hypogammaglobulinémie, on peut proposer des perfusions d’immunoglobulines
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
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