À la demande d’une consœur, nous voyons en consultation Irène, 79 ans, qui présente depuis quelques mois des placards circulaires papuleux érythémato-squameux au niveau de la région sous-mammaire.
Ces lésions demeurent asymptomatiques mais la patiente constate qu’elles tendent à se multiplier. Par ailleurs, elle a consulté différents confrères, quelque peu déstabilisés par cette dermatose, qui lui ont administré des traitements antihistaminiques et dermocorticoïdes de faible puissance sans obtenir de réelle efficacité.
Sur le plan clinique, nous objectivons plusieurs formations maculeuses très légèrement squameuses dont les limites restent clairement définies (cliché 1). Par ailleurs, leur taille est variable mais on peut objectiver des éléments ayant plus de 5 cm de diamètre.
Compte tenu de l’absence d’efficacité des traitements précédents et de l’âge de la patiente, nous pensons en premier lieu à une hématodermie.
Aussi, afin d’avoir une certitude de diagnostic, nous avons effectué une biopsie. L’analyse anatomopathologique montre qu’il s’agit d’un parapsoriasis en grandes plaques.
INTRODUCTION
Le terme de parapsoriasis a été utilisé pour la première fois en 1902 par Louis Brocq, dermatologue. Cette dénomination regroupait plusieurs variétés de dermatoses érythémato-squameuses différentes par certains aspects mais ayant des similitudes avec le psoriasis.
À cette époque, trois types ont été identifiés : parapsoriasis en goutte, parapsoriasis lichénoïde ou parapsoriasis en plaques.
En 1994, la classification de Brocq a été modifiée (basée essentiellement sur l’aspect clinique) avec deux types actuellement individualisés :
– le parapsoriasis digitiforme ou en petites plaques,
– le parapsoriasis poïkilodermique ou en grandes plaques.
SYMPTOMATOLOGIE
Le parapsoriasis poïkilodermique se caractérise par la présence de placards arrondis ou en forme géométrique (quadrilatère), qui sont asymptomatiques (absence de prurit).
Leur taille est supérieure à 5 cm, avec une atrophie superficielle qui confère à cette structure un aspect « froissé ».
Les plaques sont fines et ont une couleur chair ou discrètement érythémateuse avec des squames au centre souvent peu épaisses. Il est parfois possible d’observer au sein de certaines de ces unités des télangiectasies.
Ce parapsoriasis est objectivé au niveau du dos, de la région sous-mammaire, des cuisses, des bras et au niveau de la partie inférieure du tronc.
Sur un plan histologique Par une analyse anatomopathologique, on objective des éléments caractéristiques comme une exocytose de cellules lymphocytaires en flammèches ou organisées en thèques à proximité des vaisseaux. Au niveau du derme, il existe un infiltrat lymphohistiocytaire en bande ou en regroupement sur plusieurs sites. Il existe enfin une atrophie cutanée dermo-épidermique avec des télangiectasies.
ÉVOLUTION
Le plus souvent, le parapsoriasis en grandes plaques demeure bénin. Cependant, si un patient développe tardivement une telle dermatose, il faut penser à une autre pathologie pouvant débuter de cette manière : le mycosis fongoïde, qui est un lymphome cutané T.
Cette évolution en un stade agressif d’une hématodermie est observée dans 10 à 50 % des cas.
À noter que, sur l’ensemble des mycosis fongoïdes diagnostiqués, seuls 15 % d’entre eux présenteraient en phase initiale un parapsoriasis poïkilodermique.
TRAITEMENT
Il repose sur l’utilisation d’émollients ou de corticostéroïdes topiques. En cas d’inefficacité de ces traitements, il est possible de recourir à la photothérapie.
Cependant, il ne faut pas méconnaître une évolution possible de ce type de parapsoriasis en mycosis fongoïde, surtout si les lésions observées deviennent plus infiltrées ou se développent de manière importante chez les patients pour qui l’apparition est tardive, élément qui conduit à des traitements plus agressifs (chimiothérapie locale ou générale, radiothérapie par exemple).
Un suivi très régulier de tout parapsoriasis en grandes plaques est donc indispensable.
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-mer), Aïda Tall (interne en médecine générale à Montpellier), Soleiman Abokassem et Guilhem Mauret (externes à Montpellier).
BIBLIOGRAPHIE
1. Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Ed. Elsevier Masson 2017.
2. Bolognia JL, Schaffer JV, Duncan KO, Ko CJ.
Dermatologie l’essentiel. Ed. Elsevier Masson 2018.
3. Bessis D. Manifestations dermatologiques des maladies du système hématopoïétique et oncologie dermatologique. Ed. Springer 2009.
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