Dermatologie

LE PRURIGO DE L’ADULTE

Publié le 01/03/2019
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Le prurigo est le plus souvent une lésion secondaire à du grattage. Il est plus rarement primitif. Sa forme chronique idiopathique doit être surveillée régulièrement, car elle peut révéler au bout de plusieurs mois ou années une pathologie systémique sous-jacente.

Le prurigo est une dermatose caractérisée par des papules prurigineuses, parfois bulleuses, qui sont excoriées, associées à des stries de grattage. Mais en pratique, le terme est souvent banalisé à toute dermatose prurigineuse excoriée. On distingue les prurigos aigus, qui sont le plus souvent de cause parasitaire, des prurigos chroniques qui sont associés à des maladies cutanées mais aussi à des maladies internes. Dans ce cas, le prurigo doit être considéré comme signe d’appel car aucune lésion élémentaire spécifique n’est objectivable. Il est dû à un prurit nu encore appelé sine materia. Des examens complémentaires à visée étiologique sont alors proposés. Le terme de prurigo strophulus est essentiellement utilisé chez l’enfant et correspond à un prurigo souvent bulleux, réactionnel à une hypersensibilité aux acariens.

LE PRURIGO AIGU

Depuis quelques mois, Elsa se plaint de lésions très prurigineuses (photo 1) constatées au réveil, lorsqu’elle va dormir dans le vieil appartement de son ami. Elle a des papules érythémateuses à disposition linéaire, centrées par un point purpurique. C’est un prurigo aigu. Il s’agit de piqûres de punaises de lit.

Dans les prurigos aigus, de nombreux ectoparasites sont impliqués, avec parfois des aspects très évocateurs comme la seabather’s eruption qui survient sous le maillot après une baignade en eau de mer et se déclenche lors de la douche. Elle se différencie de la dermite des nageurs qui survient plutôt en eau douce et sur les parties non couvertes. Le prurigo aigu de la scabiose évolue souvent dans un contexte de prurit de l’entourage, au niveau des zones bastions pour les cas typiques (poignet, nombril, aisselle, mamelons, fesses). Le prurigo est associé à des sillons de vésicules perlées. Enfin, tout parasite piqueur ou mordeur peut être responsable (morpion, puce, moustique…).

LE PRURIGO DE LA FEMME ENCEINTE

Marine, enceinte de huit mois, G1P1, a depuis une semaine une éruption isolée très prurigineuse à type d’exanthème et de prurigo, touchant l’abdomen et les membres inférieurs (photo 2).

Devant un prurit/prurigo chez une femme enceinte, une question est à poser : s'agit-il d’une dermatose spécifique de la grossesse ou s’agit-il d’une dermatose intercurrente ?
La véritable urgence est d’éliminer une cholestase, qui se présente comme un prurigo nu, par un bilan biologique : NFS plaquettes transaminases, acides biliaires (non remboursés en milieu libéral). Le prurigo de la femme enceinte nécessite un avis dermatologique pour réaliser éventuellement une biopsie avec immunofluorescence. Le dosage des Ac Anti BP 180-NC 16 A (marqueurs de la pemphigoïde gestationnelle) n’est pas de pratique courante en ville (hors nomenclature). Dans les dermatoses spécifiques de la grossesse, on retrouve la pemphigoïde gestationnelle (ex-herpès gestationis), les dermatoses polymorphes de la grossesse (ex-PUPPP, folliculite…) et la dermatite atopique. La cholestase est une des maladies secondaires à la grossesse.

LE PRURIGO CHRONIQUE… SINE MATERIA

Robert, 60 ans, a un prurigo depuis des mois, sans aucune lésion cutanée spécifique. Il n’a pas voyagé, n'a pas d’animal et ne prend pas de médicament. Il a perdu du poids et se sent assez fatigué, d’autant que ça l’empêche de dormir. Vivement la retraite.



Devant ce prurit sans lésion spécifique, il est nécessaire de réaliser un bilan à la recherche d’une affection générale (encadré 1).
– Le prurit paranéoplasique est souvent précoce par rapport aux autres signes cliniques, nocturne et insomniant. Les hémopathies de type lymphome sont les plus fréquentes, suivies des tumeurs malignes (foie, sein…).
– Les autres étiologies sont endocriniennes (dysthyroïdie, diabète), rénales (insuffisance, dialyse), infectieuses (HIV, amibe, douve, toxocarose…), médicamenteuses (par effet pharmacologique comme les opiacés ou par induction de cholestase), hépato-pancréatiques (cirrhose biliaire primitive, cancer du pancréas…), carentielles. Ne pas oublier la consommation de cannabis en cas de prurit profus et intense (figure 1).

→ Le prurigo peut accompagner certains états anxio-dépressifs (secondaires à la xérose cutanée, ou psychiatriques/pathomimiques).

LES PRURIGOS CHRONIQUES DERMATOLOGIQUES

Les prurigos précèdent très souvent des dermatoses bulleuses (groupe des pemphigoïdes, pemphigus…) et nécessitent une biopsie avec immunofluorescence.

→ Ne pas oublier qu’un lymphome peut se révéler par un prurigo, ou peut lui ressembler.

→ Le prurigo pigmentosa est rencontré essentiellement chez la jeune femme asiatique et touche de façon symétrique le tronc ainsi que la nuque. Il évolue par poussées et laisse des séquelles pigmentées réticulées. Il est nécessaire de rechercher une cétonémie, car il se déclenche assez souvent dans un contexte de jeûne, d’anorexie, de diabète de type 1, de grossesse avec vomissements majeurs.

→ Le prurigo nodulaire de Hyde (photo 3) est le prurigo typique, évoluant souvent dans un contexte d’atopie ancienne. Le risque sur le long terme est de développer un carcinome.

→ Enfin, n'oublions pas la dermatite atopique, dont l’ancien nom était le prurigo de Besnier !

THÉRAPEUTIQUE

Le traitement du prurigo non surinfecté est :

→ Avant tout, étiologique quand une cause est retrouvée ;

→ Symptomatique :
– Émollients : proposer des huiles lavantes, syndets, surgras et des baumes hydratants.
– Dermocorticoïdes forts pour le corps, faible pour le visage : 1 fois par jour jusqu’à amélioration des lésions puis un entretien à 2 fois par semaine sur 1 mois
– Anti-histaminiques, plus pour son effet sédatif que pharmacologique.

→ En cas d'échec de ces prises en charge, d'autres traitements sont discutés, en concertation avec le spécialiste : inhibiteur de la recapture de la sérotonine, neuroleptique, thalidomide, photothérapie…Les risques du prurigo sont secondaires au grattage (surinfection, lichénification, dyschromie) et à la chronicité (cancérisation). 
 

Encadré 1- Quel bilan devant un prurigo sine materia ?

NFS, plaquettes
• Ferritinémie
• VS
Électrophorèse des protéines sanguines
• LDH
• Bêta-2-microglobulinémie
• TSH us
• Glycémie
• Bilan hépatique (>sérologies hépatites B et C)
• Fonction rénale
• Bilan phosphocalcique
• Sérologie VIH
• Radio pulmonaire
• Échographie abdomino-pelvienne

Liens d'intérêts

Les auteures déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts relatif au contenu de cet article.

Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil (dermatologue, Blanquefort) et Dr Anne Bottet (généraliste, Romagnat)D'après leur présentation lors du Forum des médecins généralistes aux journées dermatologiques de Paris (11 décembre 2018, Porte Maillot, Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr