Marie-Josée, 56 ans, consulte car elle présente depuis quelques mois des douleurs cervicales droites et une odynophagie.
Très inquiète par cette symptomatologie, elle a consulté différents praticiens qui ont posé différents diagnostics : reflux gastro-œsophagien, otite séromuqueuse, pharyngite chronique. Et différentes thérapeutiques ont été administrées sans réel succès : inhibiteurs de la pompe à protons, anti-inflammatoires, pulvérisations nasales de corticoïdes. Un rhumatologue consulté secondairement lui a prescrit des séances de rééducation. Malheureusement, le kinésithérapeute n’a pas permis une amélioration de la symptomatologie.
Notre examen clinique se révèle très pauvre : l’examen ORL est tout à fait normal (oropharynx, oreilles), les aires ganglionnaires n’objectivent aucune anomalie.
Compte tenu de cette symptomatologie déroutante et centrée sur la sphère cervico-faciale, nous avons prescrit un scanner de la face (cliché 1).
Ce dernier a permis de mettre en évidence une apophyse styloïde longue du côté droit (flèche rouge), anomalie à l’origine des manifestations cliniques observées.
Marie-Josée présente en fait un syndrome d’Eagle.
INTRODUCTION
Le syndrome d’Eagle ou syndrome stylocarotidien a été décrit en 1937 pour la première fois. Il est en rapport avec la présence d’une apophyse styloïde longue (supérieure à 30 mm).
Environ 4 % de la population générale serait porteuse d’une apophyse styloïde longue, mais seuls 10 % des patients ayant cette anomalie anatomique sont symptomatiques.
On observe ce syndrome plus fréquemment chez les patients ayant plus de 40 ans, et le plus souvent elle est mise en évidence chez les femmes.
ORIGINES
Trois hypothèses ont été formulées pour expliquer l’origine de ce syndrome :
• le fait qu’une anomalie embryonnaire soit à l’origine d’un maintien du cartilage précurseur des apophyses styloïdes,
• une ossification du ligament stylo-hyoïdien d’origine inconnue,
• un développement d’un processus d’ossification au niveau de la zone d’insertion du ligament stylo-hyoïdien.
SYMPTOMATOLOGIE
Trois formes cliniques sont généralement décrites.
La forme classique
Elle se caractérise par une symptomatologie en rapport avec une compression des nerfs crâniens du voisinage : V, VII, IX et X.
On met en évidence, dans ce cas, une sensation d’encombrement pharyngé, des douleurs cervico-faciales, des otalgies ou des odynophagies, des douleurs centrées sur l’articulation temporo-mandibulaire secondairement à la pression exercée par l’apophyse styloïde sur les nerfs crâniens.
La forme carotidienne
Dans ce cas, il existe une compression de l’artère carotide interne qui se manifeste par une céphalée unilatérale, des douleurs périorbitaires, des manifestations cliniques en rapport avec une dissection carotidienne avec le classique signe de Claude Bernard-Horner. Il associe : ptosis, myosis, pseudo-énophtalmie, anhidrose.
La forme stylo-hyoïdienne
Cette forme a été définie plus tardivement (en 1989) et se caractérise par les éléments cliniques de la forme classique sans avoir des manifestations pharyngées.
DIAGNOSTIC
La clinique peut contribuer à poser le diagnostic. Cependant, il est nécessaire de recourir à des examens d’imagerie pour avoir une certitude diagnostique.
La radiologie standard
Le cliché du crâne de profil et le panoramique dentaire sont souvent suffisants pour objectiver l’apophyse styloïde longue (une apophyse styloïde normale mesure 25 mm).
Le scanner et angioscanner avec résolution spatiale
Ces deux examens permettent de mieux apprécier les rapports de l’apophyse styloïde avec les structures du voisinage, mais aussi d’objectiver l’importance de la calcification du ligament stylo-hyoïdien et l’existence d’une éventuelle dissection carotidienne.
PRISE EN CHARGE
Elle repose dans un premier temps sur l’administration de traitements antalgiques ou anti-inflammatoires par voie orale. En cas d’inefficacité, il est possible d’effectuer une infiltration locale de corticoïdes. Enfin, si la symptomatologie est trop importante, un traitement chirurgical peut être proposé : exérèse de l’apophyse styloïde par voie transorale (les risques infectieux sont majeurs) ou exérèse par voie externe (elle doit avoir la préférence du chirurgien).
Dr Pierre Francès (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Tara Chalaye (interne en médecine générale à Montpellier), Julie Aguilar, Asmae Bomourra (externes à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
1. Bouguila J, Khonsari RH, Pierrefeu A, Corre P. Le syndrome d’Eagle : une douleur mal connue et mal reconnue. Revue de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale 2011 ; 112 (6) : 348-352.
2. Zamboni P, Scerrati A, Menegatti E, et al. The Eagle jugular syndrome. BMC Neurology 2019; 19: 333.
3. Jouan R, Faure F, Robin O. Eagle syndrome: from neck pain to vagal episode: report of two cases. Médecine Buccale Chirurgie Buccale 2017; 23: 169-171.
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