Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) compte parmi les causes les plus fréquentes des pathologies du sommeil. Sa prévalence est estimée à 8 % de la population générale adulte, il est considéré comme « cliniquement significatif » (au moins deux fois par semaine et de degré modéré ou sévère) chez environ 2,7 % de la population et est quotidien chez 1,9 %.
Le SJSR, deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes, augmente avec l’âge, avec une nette aggravation après 50 ans (1). L’âge moyen de survenue est de 35 ans. Les enfants ne sont pas épargnés, 2 à 4 % seraient atteints, surtout ceux ayant aussi un TDHA.
deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes, ce syndrome augmente avec l’âge, avec une nette aggravation après 50 ans
UN DIAGNOSTIC EXCLUSIVEMENT CLINIQUE
De quoi se plaint le patient ?
► D’abord, d’un besoin impérieux de bouger les jambes.
Le SJRS est caractérisé par des sensations désagréables, localisées préférentiellement dans les mollets mais pouvant s’étendre aux pieds, aux cuisses, parfais aux avant-bras. Ces sensations souvent profondes, uni ou bilatérales sont variées et difficiles à décrire : décharges électriques, picotements, impatiences, brûlures, démangeaisons, énervantes, agaçantes… parfois douloureuses (6).
► Ces symptômes surviennent ou s’aggravent le soir (41 % après 18 heures, 45 % au coucher), pendant les périodes de repos ou d’inactivité (assis devant la télé ou avec un livre, au cinéma, en voiture, en position allongée…) et s’accompagnent d’un besoin irrépressible de bouger avec un soulagement partiel et temporaire durant l’activité : piétiner, secouer les jambes, passer de l’eau froide, marcher sur un sol froid… (2, 3).
► L’interrogatoire fera préciser l’histoire de la maladie ainsi que la description, la localisation des symptômes, leur évolution sur le nycthémère, leur retentissement clinique (sur le sommeil, la cognition, l’humeur, l’attention, l’hyperactivité motrice), la fréquence de survenue (chronique ou intermittente).
Critères diagnostiques du syndrome des jambes sans repos
Le diagnostic repose sur les critères définis par l’IRLSSG (International Restless Legs Syndrome Study Group) en 2014.
► Cinq critères sont obligatoires :
1. Besoin impérieux de bouger les jambes avec des paresthésies
2. survenant ou exacerbé au repos (assis ou allongé)
3. survenant ou aggravé le soir ou la nuit
4. amélioré transitoirement par un mouvement
5. absence de troubles (crampes, myalgie, inconfort…) pouvant mimer le SJRS.
Le diagnostic est souvent clinique, potentiellement simple mais souvent tardif.
► Il s’agit ensuite de déterminer la fréquence (intermittent ou quotidien) et la gravité des symptômes. Une échelle de sévérité de l’IRLSSG, permet d’évaluer la sévérité, de « léger » à « très sévère ». (Tableau 1)
► Aucun examen complémentaire n’est le plus souvent nécessaire pour les formes typiques.
L’existence d’antécédents familiaux de SJSR, et l’existence de mouvements périodiques des jambes pendant l’éveil et le sommeil (MPJS) constituent des critères de support du diagnostic. Les MPJS sont des mouvements répétés et fortement stéréotypés (extension du gros orteil, flexion du pied, parfois genou voire hanche) souvent non perçus par le patient alors que le SJRS désigne une sensation anormale, perçue par le patient. Environ 80 % des patients qui souffrent de SJRS ont des MPJS (4).
► Diagnostic différentiel
Simple en règle générale, il consiste à éliminer :
– une neuropathie : les douleurs neuropathiques sont plutôt continues sur les 24 heures,
– des crampes musculaires nocturnes,
– des douleurs articulaires,
– une artériopathie (claudication intermittente diurne), une insuffisance veineuse - ces pathologies sont soulagées par le repos,
– une fibromyalgie, des troubles psychiatriques…
Demander un bilan ferrique
Une fois le diagnostic posé ou suspecté, on demande :
– un bilan ferrique (NFS, ferritine, transferrine, coefficient de saturation de la transferrine) associés à une glycémie, créatinine et CRP. La ferritine, plus fiable que le fer sérique, doit être > 50 ng/ml (attention aux donneurs de sang réguliers, 30 % auraient un SJSR) ;
– un EMG en cas de doute avec une neuropathie ;
– la polysomnographie n’est pas justifiée, sauf cas particuliers.
RETENTISSEMENT SUR LE SOMMEIL ET LA QUALITÉ DE VIE
Le syndrome des jambes sans repos perturbe le sommeil et peut affecter gravement la qualité de vie.
► La conséquence la plus gênante est l’insomnie : 90 % des patients éprouvent des difficultés à s’endormir, d’autres se réveillant la nuit ressentent des impatiences qui les empêchent de se rendormir. La plainte “insomnie” doit alerter, d’autant que de nombreux patients ne font pas le lien entre leur syndrome et leur trouble du sommeil. La plainte “fatigue diurne”, plus souvent utilisée que somnolence diurne, conséquence d’un mauvais sommeil de nuit, doit aussi attirer l’attention.
► La qualité de vie est impactée, avec une altération de l’énergie et de la vitalité, une anxiété, des troubles de l’humeur. La vie sociale, familiale, professionnelle peut être perturbée, non seulement par le manque de sommeil, mais aussi par la difficulté à rester au repos pour les longs dîners assis, les sorties au spectacle, etc. Trop souvent, cette humeur altérée a induit la prescription d’antidépresseurs qui aggravent la symptomatologie.
► Des comorbidités sont décrites, avec une association à des affections cardiovasculaires, à confirmer cependant.
PHYSIOPATHOLOGIE
La localisation précise du dysfonctionnement reste encore inconnue, mais plusieurs facteurs sont identifiés. Dans le SJRS, il y a une augmentation de la dopamine secondaire à une carence en fer au niveau du système nerveux central chez des sujets prédisposés génétiquement.
► Génétique : près de la moitié des patients ont des antécédents familiaux, 83 % des jumeaux homozygotes sont concordants pour le phénotype. La transmission est autosomique récessive ou dominante selon les familles. Plusieurs gènes clefs ont été identifiés, comme Meis1 et BTBD9, impliqué dans le développement et la régulation du fer et de la dopamine (5).
► Fer : la réserve en fer a un rôle essentiel. Plus la ferritine est basse, plus la prévalence et la sévérité du syndrome augmentent. La correction des réserves en fer améliore inconstamment les symptômes, mais c’est un prérequis pour un traitement efficace, dopaminergique notamment. Toutefois, même si les taux de ferritine sont normaux dans le sang, ils peuvent être bas dans le liquide céphalorachidien, traduisant un transfert déficient du fer vers le système nerveux central.
► Dopamine : l’hypothèse d’un dysfonctionnement du système dopaminergique est renforcée par le fait que 75 % à 85 % des patients sont améliorés par les agonistes dopaminergiques. Il ne s’agirait pas d’une perte des neurones à dopamine comme dans la maladie de Parkinson, mais d’une augmentation de la production de dopamine en lien avec une carence en fer qui induit une perte des récepteurs dopaminergiques au niveau du système nerveux central. Le fer permet un bon fonctionnement des récepteurs de la dopamine.
FORMES PRIMAIRES OU SECONDAIRES
Lors du diagnostic du SJRS, il est essentiel de rechercher s’il s’agit d’une forme primaire ou secondaire.
► Forme primaire idiopathique : son début est précoce (< 45 ans), et l’évolution lente. L’existence d’antécédents familiaux est un facteur qui aide au diagnostic.
► Forme secondaire à des facteurs favorisants
Le début est plus tardif, l’évolution plus rapide. Il s'agit de :
– carence martiale (ferritinémie < 50 mcg/l)
– grossesse (7 % de formes sévères, surtout au troisième trimestre avec disparition un mois après l’accouchement)
– insuffisance rénale, avec des patients souvent très invalidés par leur SJRS, diabète
– médicaments (neuroleptiques, antidépresseurs (surtout ISRS) antihistaminiques sédatifs, lithium…)
– Maladies neurologiques : neuropathies, maladie de Parkinson, ataxies spinocérébelleuses…
► Forme des enfants
Mal connue, certainement sous-diagnostiquée et parfois interprétée comme des douleurs de croissance, elle peut se manifester comme une agitation vespérale et est responsable de troubles du sommeil. Environ 40 % des enfants ayant un TDHA seraient atteints (8).
PRISE EN CHARGE
Le traitement ne doit être envisagé que si le diagnostic est certain, après recherche et traitement des causes éventuelles, en particulier la carence en fer, et l’identification des facteurs aggravants (7). Cette première étape est menée par le médecin généraliste avant d’orienter vers un spécialiste du sommeil ou un neurologue.
Traitements non spécifiques d’abord
Sevrage – si possible – des médicaments inducteurs d’impatiences tels que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.
♦ Diminuer les risques d’insomnie (nicotine, café, alcool) qui favorisent le SJRS, avoir une bonne hygiène de sommeil (couchers à heure régulière, éviter les activités excitantes le soir, etc.). Favoriser une activité intellectuelle minutieuse, les impatiences diminuant pendant les tâches nécessitant une forte concentration mentale.
♦ Traiter la cause identifiée dans la mesure du possible.
Traitement par fer PO ; voire, dans des cas précis, en particulier après dialyse, par fer intraveineux. La correction du fer doit viser à obtenir un taux de ferritinémie > 50 voire > 75 mcg/l. Chez la femme enceinte, seul le fer oral peut être utilisé en traitement du SJRS.
Traitement pharmacologique spécifique
Il n’y a pas de traitement pharmacologique systématique, son indication repose sur sa sévérité et relève du spécialiste.
► Trois classes de médicaments peuvent être utilisées, mais seule la première a une AMM dans cette indication :
♦ Les agonistes dopaminergiques : ropinirol, pramipexol et rotigotine (dispositif transdermique). Environ 90 % des patients sont répondeurs. La première prescription doit être faite par un médecin du sommeil ou un neurologue. Ils sont prescrits à la dose la plus faible possible pour éviter leurs éventuels effets indésirables (trouble du contrôle des impulsions, phénomènes d’augmentation) (9, 10, 11).
♦ Les antiépileptiques de type alpha 2 delta ligands : gabapentine, prégabaline, notamment dans les formes douloureuses et insomniantes.
♦ Les opioïdes : tramadol, codéine, et plus rarement l’oxycontin.
♦ Les benzodiazépines n’ont aucune efficacité sur le SJSR mais favorisent l’endormissement
♦ Le traitement dépend de la fréquence et de la sévérité des symptômes.
♦ Dans les formes sévères à très sévères, d’emblée avec dépression ou insuffisance rénale, le consensus recommande de prescrire un agoniste dopaminergique voire un opioïde ou les deux ensembles.
♦ Dans les formes modérées à sévères, un traitement quotidien avec un agoniste dopaminergique à faible dose ou un alpha 2 delta ligands est le plus souvent efficace, auquel ou peut associer si nécessaire du tramadol ou de la codéine.
♦ Dans les formes légères à modérées, le traitement doit être proposé à la demande, en privilégiant les codéinergiques. Un usage sporadique est adapté pour les formes légères, occasionnelles (en particulier lorsqu’il y a un voyage en avion prévu, ou si le patient en souffre une fois par semaine).♦ Les SJSR pharmacorésistants sont des SJSR sévères à très sévères depuis plus d’un mois, après échec de deux thérapeutiques de classe différente. La prise en charge relève du seul expert du SJSR (12, 13).
Bibliographie
1- Ohayon M.M. et col. Epidemiology of Restless Legs Syndrome: A Synthesis of the Literatur Sleep. Medicine Rev. 2012 Aug; 16(4): 283–295.
2- Allen RP, Picchietti DL, Garcia-Borreguero D, Ondo WG, Walters AS, Winkelman JW, Zucconi M, Ferri R, Trenkwalder C, Lee HB. International Restless legs syndrome study group. Restless legs syndrome/Willis-Ekbom disease diagnostic criteria: updated International Restless Legs Syndrome Study Group (IRLSSG) consensus criteria--history, rationale, description, and significance. Sleep Med. 2014 Aug;15(8):860-73. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25023924
3-Trenkwalder C, Paulus W, Walters AS. The restless legs syndrome. Lancet Neurol. 2005 Aug;4(8):465-75. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16033689
4- Haba-Rubio J, Heinzer R, Tafti M, Krieger J. Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris) – Neurologie. 2012;17-009-A-15.
5- V. Cochen De Cock, Y. Dauvilliers. Syndrome des jambes sans repos : une maladie génétique ? La Presse Médicale, Volume 39, n° 5, pages 579-586 (mai 2010) Doi : 10.1016/j.lpm.2009.11.015
6- M-F. Vecchierini, Damien Léger. Syndrome des jambes sans repos et ses formes cliniques : bilan diagnostique. Presse Med 2010, 39 : 556-563
7- DiegoGarcia-Borregueroa, Michael H.Silberb John W.Winkelman and all. Guidelines for the first-line treatment of restless legs syndrome/Willis–Ekbom disease, prevention and treatment of dopaminergic augmentation: a combined task force of the IRLSSG, EURLSSG, and the RLS-foundation. Sleep Medicine, Volume 21, May 2016 : 1-11
8- Eric Konofal. Syndrome des Jambes Sans Repos chez l'enfant - SFRMS https://www.sfrms-sommeil.org/IMG/pdf/DIU_enfant_SJSR09.pdf
9- Hornyak M, Scholz H, Kohnen R, Bengel J, Kassubek J, Trenkwalder C. What treatment works best for restless legs syndrome? Meta-analyses of dopaminergic and non-dopaminergic medications. Sleep Med Rev. 2014 Apr; 18(2): 153-64.
10- HAS. Quelle place pour les agonistes dopaminergiques dans le syndrome des jambes sans repos ? Fiche BUM. Avril 2014
11- Zhang W et coll., Efficacy and tolerability of pramipexole for the treatment of primary restless leg syndrome: a meta-analysis of randomized placebo-controlled trials. Neuropsychiatr Dis Treat. 2013; 9: 1035–1043.
12- Claudia Trenkwalder,Juliane Winkelmann, Yuichi Inoue & Walter Paulus. Restless legs syndrome-current therapies and management of augmentation. Nature Reviews Neurology 11, 434–445(2015)
13- Y Dauvilliers et co. Quelle stratégie face à un syndrome des jambes sans repos ? Table ronde SFRMS. 7 mars 2017. www.sfrms-sommeil.org/articles-a-la-une/table-ronde-sjsr/
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