Si la ménopause n'est pas une maladie, puisqu’il s’agit d’un processus physiologique naturel, elle entraîne chez certaines femmes une nette détérioration du bien-être et des altérations de la santé à différents degrés. Au-delà de la prise en charge des symptômes, l’objectif consiste à repérer en début de ménopause les femmes ayant des facteurs de risque significatifs au plan osseux ou cardio-vasculaire, dont on sait qu’ils seront aggravés par une carence œstrogénique.
CONSÉQUENCES DE L’ÉTUDE WHI
Depuis la publication de l’étude WHI en 2002, les prescriptions du traitement hormonal de ménopause (THM) ont beaucoup chuté. Cette étude était fondée sur la prise d’estrogènes équins par voie orale associés à un progestatif de synthèse (l’acétate de médroxyprogestérone) qui augmente les risques cardio-vasculaire et mammaire, et ce d’autant que le traitement avait été débuté tardivement, plus de 10 ans après la ménopause. L'étude américaine ne reflète pas la réalité de la prise en charge à la française, qui repose sur des hormones naturelles, avec, en outre, une administration des œstrogènes en percutané qui réduit les risques cardio-vasculaires et thromboemboliques.
Des études moins médiatisées sont parues par la suite, montrant qu'un traitement hors contre-indication, donné dès le début de la ménopause, est associé à plus de bénéfices que de risques et, en 2016, toutes les sociétés savantes confirment une balance bénéfices/risques positive pour le THM chez les femmes de 50 à 60 ans (ou de moins de 10 ans de ménopause) (8, 12, 16). Les réticences demeurent et actuellement 8 à 10 % de femmes sont traitées en début de ménopause contre 50 à 60 % avant 2002 avec une chute des THM de plus de 75 %.
LA MÉNOPAUSE
→ La chute de la production des hormones ovariennes s’accompagne de plusieurs symptômes, d’intensité variable selon les femmes, désignés par l'appellation « syndrome climatérique ». Environ 70 % des femmes souffrent de ces manifestations dont les plus spécifiques sont :
– vaso-motrices (bouffées de chaleur, sueurs nocturnes) ;
– sécheresse vulvo-vaginale qui s’aggrave avec la durée de la ménopause et occasionne une dyspareunie et des troubles urinaires (infections, dysurie, impériosités). C’est le syndrome uro-génital ;
– douleurs articulaires pouvant toucher toutes les articulations, souvent fluctuantes dans le temps, plus marquées le matin avec un « dérouillage » associé à la mise en charge.
→ À cela, peut s’ajouter un effet dit « domino » secondaire aux réveils nocturnes ou aux autres conséquences de la carence hormonale : troubles du sommeil, asthénie, perte d'attention, pertes de mémoire, troubles de l’humeur, irritabilité, baisse de la libido…
→ La fréquence et la sévérité de ces troubles diminuent avec le temps mais sont encore présents chez environ un quart des femmes, 10 ans après la ménopause.
Plus les manifestations climatériques commencent tôt, avant même l’arrêt définitif des règles, plus elles vont durer longtemps. Elles peuvent ainsi survenir aussi précocement, 2-3 ans avant l’arrêt définitif des règles, en périménopause. Leur prise en charge est alors délicate, le traitement hormonal étant mal toléré compte tenu de l’anarchie hormonale de cette période avec un risque de mastodynies et de ménorragies lié aux périodes transitoires d’hyperœstrogénie.
Les risques à long terme
Chez certaines femmes, à plus long terme, la carence en œstrogènes induit :
• une ostéoporose post-ménopausique qui touche une femme sur trois à une femme sur quatre après la ménopause. De plus, l’allongement de la durée de vie majore le risque de fractures ;
• les maladies cardio-vasculaires. En post-ménopause, la femme perd son avantage, son risque rattrapant celui de l’homme. Cette augmentation est sous-tendue par un certain nombre de perturbations liées à la carence œstrogénique : majoration du cholestérol total et de la fraction LDL, augmentation de la résistance à l’insuline et des triglycérides, modifications de la résistance artérielle avec augmentation de la pression sanguine artérielle, dysfonctionnements endothéliaux...
la responsabilité de la ménopause dans l’altération des fonctions cognitives est discutée. Il n’y a pas de preuves d’un effet bénéfique d’un traitement mais on sait qu’une ménopause précoce s’accompagne d’un risque majoré de déclin cognitif et qu’un traitement substitutif au moins jusqu’à l’âge de 50 ans annule dans les études épidémiologiques ce sur-risque (3).
LA PRISE EN CHARGE DE LA MÉNOPAUSE
Des conseils hygiéno-diététiques
Ces conseils sont essentiels :
• arrêter le tabac, modérer les boissons alcoolisées ;
• surveiller la prise de poids, alléger graisses et sucre d’absorption rapide ;
• avoir un apport suffisant en calcium (1 000 à 1 200 mg/j), en privilégiant la prise alimentaire et en vitamine D avec, compte tenu de la fréquence des déficits, un apport de 800-1 000 UI de vitamine D3 par jour ou de 100 000 UI par trimestre durant les mois d’hiver ;
• pratiquer une activité physique régulière : 30 à 45 minutes de marche rapide, 3 à 4 fois par semaine ou 2-3 h d’exercice physique/semaine, pour limiter les risques cardio-vasculaires, l’ostéoporose, la prise de poids et maintenir la qualité musculaire.
Peu d’alternatives au THM
→ Pour le syndrome climatérique, seul la bêta-alanine a une AMM, mais elle est non remboursée et peu efficace. Un traitement homéopathique ou des compléments alimentaires à base d’extraits de pollen peuvent être proposés. La HAS a mis en garde contre les phyto-œstrogènes insuffisamment évalués. D’autres thérapeutiques sont envisageables hors AMM, en particulier les IRS ou les IRSN (pour les femmes sous tamoxifène, seule la venlafaxine, qui perturbe moins le métabolisme hépatique, doit être préférée). La gabapentine est parfois utilisée. Quoi qu’il en soit, pour toutes ces thérapeutiques, l’effet reste moindre que celui d’une supplémentation œstrogénique et elles ne devraient être proposées qu’à des femmes ne pouvant bénéficier d’une thérapeutique hormonale (2).
→ En periménopause, en ménopause en cas de contre-indication vasculaire au THM ou pour les femmes ménopausées de plus de 10 ans ayant des bouffées de chaleur réfractaires, la progestérone naturelle micronisée à la dose de 300 mg tous les soirs a une efficacité supérieure à celle du placebo dans les études randomisées.
→ Pour la sècheresse vaginale, les hydratants et lubrifiants vaginaux peuvent améliorer le confort sexuel. Un effet systémique de ces œstrogènes faibles par voie vaginale n’est pas à craindre bien qu’ils soient déconseillés, voire contre-indiqués pour certaines lors du traitement adjuvant des cancers du sein par anti-aromatases.
À qui proposer un THM ?
→ Aux femmes qui en ont besoin et n’ont pas de contre-indication. C'est-à-dire à celles qui souffrent d’un syndrome climatérique au sens large (dont la sécheresse vaginale) et à celles qui présentent des facteurs de risque d’ostéoporose. Florence Tremollières insiste : « Cela signifie qu’il faut aller au-delà des symptômes que décrivent les femmes et, dès le début de la ménopause, rechercher les facteurs de risque au plan osseux et cardio-vasculaire susceptibles d’être impactés par la carence œstrogénique de la ménopause en recherchant les antécédents personnels et familiaux et en prescrivant un bilan métabolique et une densitomètrie osseuse (DMO). L’objectif est de pouvoir proposer une prévention primaire dont le bénéfice est important »
→ Décider de prendre un THM est une décision personnelle issue de la balance individuelle bénéfices/risques. La patiente doit être volontaire et recevoir une information adaptée et claire. Pour cela, on peut avoir recours aux recommandations de la HAS en 2014 et à la très complète « Fiche d’information aux patientes », éditée par le GEMVI. (1) (5)
→ Avant de mettre en place un THM, un examen clinique et gynécologique, incluant une mammographie de moins de 12 mois, est nécessaire. En cas de facteurs de risque cardio-vasculaires significatifs, une exploration vasculaire complémentaire (échographie-Doppler carotidienne et fémorale, scanner coronarien calcique) et un avis cardio peuvent se justifier.
→ Le THM doit être débuté tôt après le début de la ménopause, idéalement dans les 5 ans et pas au-delà de 10 ans.
Les contre-indications au THM
Un antécédent de cancer du sein ou de l’endomètre (hors stade 1), un antécédent artériel (infarctus du myocarde, AVC) ou thromboembolique veineux grave (embolie plumonaire) ou récent (de moins de 5 ans) sont des contre-indications absolues.
Un antécédent familial au 1er degré de cancer du sein est associé à une augmentation du risque absolu de cancer du sein. Le THM ne potentialise pas ce risque, mais la décision du THM doit être prise en fonction des particularités de la patiente : son état mammaire propre, l’âge de sa mère lors du diagnostic, l’existence de facteurs de risque additionnels…Un antécédent de cancer du col ne contre-indique pas le THM.
Les facteurs de risque vasculaires ne sont pas une contre-indication en tant que tels, mais peuvent justifier un bilan cardio-vasculaire complémentaire, le plus délétère étant une HTA récente.
Le choix des molécules est très consensuel
L’association du 17 bêta-estradiol de préférence par voie cutanée (gel, patch) à la progestérone naturelle ou la dihydrogestérone doit être privilégiée. En cas d’hystérectomie, un traitement par l’estradiol seul suffit, la prise de progestérone visant seulement à diminuer le risque de cancer de l’endomètre.
– La très grande majorité des femmes ne souhaitant pas une réapparition des règles, les traitements combinés soit en discontinu sur 25 jours soit en continu. Pour les plus jeunes qui souhaitent avoir des règles, on proposera un traitement séquentiel avec 12 à 14 jours de progestérone en deuxième partie de mois.
– La posologie dépend de chaque personne, de l’âge, de la nature des symptômes et éventuellement du risque osseux. La dose choisie est habituellement la plus faible permettant de réduire les symptômes. Pour les symptômes climatériques, une faible dose suffit souvent (1 dose de gel ou un patch à 25 ug par jour). Après 3 mois, la posologie sera adaptée si nécessaire. En cas de risque osseux, si les CTX restent élevés après 1 an de THM et sous réserve de la tolérance mammaire, la posologie peut être augmentée. Le THM est, dans tous les cas, à adapter à chaque femme.
→ La surveillance est essentiellement clinique : examen clinique et gynécologique au moins annuel, mammographie tous les deux ans (absence de surveillance spécifique recommandée), frottis tous les trois ans.(1) En cas d’ostéoporose, un contrôle par DMO est recommandé, en moyenne 2 à 3 ans après le début du THM, de manière à s’asurer de l’absence de perte osseuse évolutive.
> La durée dépend de la balance bénéfices/risques. Il n’y a pas en théorie de durée maximale de prise d’un THM, qui doit, selon les recommandations de la HAS, être prescrit tant que durent les symptômes avec une adaptation de la dose minimale efficace qui peut varier avec le temps.
→ Une réévaluation annuelle de la balance bénéfice/risque doit être faite régulièrement, notamment après 5 ans de traitement en raison de la possible augmentation du risque de cancer du sein au-delà de cette durée. Une suspension temporaire permet de verifier la persistance ou non du syndrome climatérique.
→ Un nouveau traitement, associant SERM et estrogène conjugués équins, avec un possible effet protecteur de cancer du sein, est encore en cours d’étude.
Associer un traitement estrogénique local
« Le traitement ostrogénique local a aussi été trop abandonné, regrette le docteur Trémollieres. La sécheresse vaginale, l’atrophie vulvaire, la dyspareunie, les troubles urinaires sont parfois insuffisamment soulagées par le traitement systémique, notamment lorsqu’il est prescrit à faible dose ou surtout chez les femmes non traitées, et il ne faut pas hésiter à proposer ou à associer un traitement local au THM systémique. »
Le mieux est de prescrire deux fois par semaine un traitement ostrogénique intra-vaginal associé à une application externe ou vulvaire, cette dernière en alternance avec un soin local à base d’acide hyaluronique. L’anneau vaginal, laissé en place pendant 3 mois représente une autre option mais il n’est pas remboursé.
BÉNÉFICES ET RISQUES DU THM
Les bénéfices
Le traitement hormonal de la ménopause est le traitement le plus efficace sur la symptomatologie climatérique, la prévention du syndrome uro-génital, la prévention de la perte osseuse post-ménopausique et des fractures ostéoporotiques. Il s’agit du seul traitement ayant prouvé son efficacité dans la prévention de l’ostéoporose chez des femmes à faible risque de fracture. Un certain nombre d’études récentes confirment l’effet favorable du THM chez la femme ménopausée en prévention de l’athérosclérose si ce traitement est donné précocement, dans la période dite de « fenêtre d’intervention thérapeutique», c’est à dire dans les 10 premières années de la ménopause entre 50 et 60 ans (10, 14).
Les risques
Ces risques sont variables selon le type du THM, sa voie d’administration et en fonction de l’âge et de l’ancienneté de ménopause ainsi que de l’état de santé propre à chaque femme. Il faut rappeler que le THM ne doit pas être introduit trop à distance de la ménopause.
→ En privilégiant la progestérone naturelle ou à un dérivé proche (rétro-progestérone ou dydrogestérone) et en appliquant l’estrogène par voie transdermique, on réduit, voire on annule le risque thrombo-embolique veineux et d’accident vasculaire cérébral. Les progestatifs de synthèse seraient eux impliqués dans l’augmentation de ce risque (7, 13, 15).
→ C’est surtout le risque de cancer du sein qui conditionne la balance bénéfices/risques du THM. On considère que le THM a un effet promoteur des cellules cancéreuses mammaires, mais non inducteur. Si l’étude américaine WHI, tout comme une vaste étude de cohorte, la Million Women Study (MWS), ont confirmé un sur-risque de cancer du sein associé au THM en 2002, celui-ci n’a pas été retrouvé avec l'association de l’estradiol à la progestérone naturelle ou à son isomère (étude française E3N, étude européenne EPIC) pour des durées de traitement de 5 à 7 ans (6, 9, 10). Les autres traitements œstro-progestatifs augmentent le risque de cancer du sein pour ces mêmes durées de traitement.
→ Pour éviter les cancers de l’endomètre, la progestérone doit être prise au minimum 12 jours par mois. Il peut être conseillé une échographie de surveillance de l’endomètre après 5 ans de THM, plus particulièremenr en cas d’association à l’estradiol de la progestérone micronisée.
→ Une augmentation modérée de risque du cancer de l’ovaire a été mise en évidence, surtout pour les THMs prolongés (11). Les études épidémiologiques montrent une diminution de l’incidence des cancers du sein entre 50 et 70 ans parallèlement à la baisse des THMs observés depuis 2005, mais le Dr Trémollieres explique : « Il serait beaucoup trop simpliste d’attribuer la baisse de l’incidence des cancers du sein à la seule diminution des THM même si elle a très certainement été associée à une diminution transitoire des cancers, ce qui correspondant à l’effet promoteur des THM sur des cancers infra-cliniques mais qui risquent d’apparaitre quelques années plus tard en l’absence de THM. De plus et c’est particulièrement vrai pour la France, la saturation des campagnes de dépistage du cancer du sein à une période où le THM était moins utilisé a incontestablement contribué à la diminution de l’incidence du cancer du sein » (11,16).
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