Dans cet article de mise au point, nous préciserons les critères diagnostiques du trouble panique, ses complications, ses comorbidités ainsi que son traitement.
DÉFINITION ET DIAGNOSTIC
Dans la nosographie psychiatrique, le trouble panique est classé parmi les troubles anxieux (1). Des modifications ont néanmoins été apportées dans le DSM-V par rapport au DSM-IV R : principalement, le trouble panique et l’agoraphobie ont été distingués comme des entités autonomes (2).
Le trouble panique est défini par l’association d’attaques de panique récurrentes et inattendues (3) et d’une inquiétude de la survenue d’une prochaine attaque et/ou de l’évitement de potentiels facteurs déclenchant une nouvelle attaque de panique (3).
Les attaques de panique sont une recrudescence anxieuse accompagnée de malaises intenses, de survenue brutale, atteignant son acmé en quelques minutes, et durant le plus souvent quelques dizaines de minutes. On parle d’attaque de panique si au moins quatre des symptômes suivants sont présents (3) :
• palpitations, battements de cœur sensibles ou accélération du rythme cardiaque,
• transpiration,
• tremblements ou secousses musculaires,
• sensation de « souffle coupé » ou impression d’étouffement,
• sensation d’étranglement,
• douleur ou gêne thoracique,
• nausée ou gêne abdominale,
• sensation de vertige, d’instabilité, de tête vide ou impression d’évanouissement,
• frissons ou bouffées de chaleur,
• paresthésies (sensations d’engourdissement ou de picotements),
• déréalisation (sentiment d’irréalité) ou dépersonnalisation (être détaché de soi),
• peur de perdre le contrôle de soi ou de « devenir fou »,
• peur de mourir.
L’attaque de panique est donc un symptôme très bien caractérisé et s’intègre dans un trouble panique si elle est récurrente, inattendue et associée à des modifications de comportement sus-décrites. Nous pouvons préciser que les patients ayant un trouble panique ont, pour la moitié d’entre eux, également des attaques de panique attendues (3) : le diagnostic de trouble panique n’est alors pas remis en question. En outre, il est intéressant de noter que des attaques de panique nocturnes, c'est-à-dire se réveiller dans un état de panique, peuvent survenir de manière fréquente, en plus d’attaques de panique diurnes. Enfin, les attaques de panique peuvent varier en termes de fréquence et de sévérité, dans le temps et selon les individus.
Pour diagnostiquer le trouble panique, il faut en outre éliminer un autre éventuel problème médical non psychiatrique : pathologie endocrinienne (hyperthyroïdie, phéochromocytome), pathologie cardiaque (arythmie, angor…) ou pulmonaire (asthme, BPCO…), trouble vestibulaire, ou l’imputabilité à la prise d’une substance (3). Il faut également vérifier que l’attaque de panique n’est pas mieux expliquée par une autre pathologie psychiatrique (3). En effet, une attaque de panique peut survenir dans le cadre d’un autre trouble anxieux (exemple : lors d’une exposition sociale (parler en public) chez un patient ayant un trouble d’anxiété sociale) ou d’un épisode dépressif avec des caractéristiques anxieuses.
PRÉVALENCE
La prévalence du trouble panique est de 2,1 % sur un an et de 6 % sur la vie entière (4). Les femmes sont deux fois plus fréquemment atteintes que les hommes (3). Le trouble panique est plus courant après l’adolescence et culmine à l’âge adulte ; il débute rarement après l’âge de 45 ans (3). La prévalence des symptômes anxieux a considérablement augmenté pendant la pandémie de Covid-19 (5) dans un contexte de confinement, de couvre-feu et de la maladie.
COMORBIDITÉ ET COMPLICATIONS
Le trouble panique est souvent comorbide d’un autre trouble anxieux, d’un trouble de l’humeur (dépressif récurrent ou bipolaire) ou d’un trouble de l’usage de l’alcool. Ces pathologies sont donc à rechercher. L’agoraphobie est également une complication possible du trouble panique (2, 6). Elle est caractérisée, selon le DSM-V, par (3) :
➔ Peur ou anxiété marquée concernant deux (ou plus) des cinq situations suivantes :
• utiliser les transports (exemples : automobiles, autobus, trains, navires, avions),
• être dans des espaces ouverts (exemples : parcs de stationnement, marchés, ponts),
• être dans des endroits fermés (exemples : magasins, théâtres, cinémas),
• faire la file ou être dans une foule,
• être à l'extérieur de la maison seul(e).
➔ La personne craint ou évite ces situations car elle pense/appréhende que s'échapper de ces situations soit difficile ou que de l'aide ne soit pas disponible en cas de symptômes de panique ou d'autres symptômes incapacitants ou embarrassants (par exemple, la peur de tomber pour les personnes âgées, la peur de l'incontinence).
➔ Les situations agoraphobes provoquent presque toujours de la peur ou de l'anxiété.
➔ Les situations agoraphobes sont activement évitées, nécessitent la présence d'un compagnon, ou sont vécues avec une peur ou une anxiété intense.
➔ La peur ou l'anxiété est disproportionnée par rapport au danger réel que représentent les situations agoraphobes et le contexte socioculturel.
➔ La peur, l'anxiété ou l'évitement est persistant, généralement pendant 6 mois ou plus.
➔ La peur, l'anxiété ou l'évitement cause une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou autres.
La symptomatologie n’est pas mieux expliquée par un autre trouble psychiatrique ou médical non psychiatrique.
Le risque suicidaire est majoré chez un patient présentant un trouble panique, toute chose étant égale par ailleurs, c'est-à-dire en prenant compte des comorbidités (7).
FACTEURS DE RISQUE
Les facteurs de risque de développer un trouble panique sont de trois types : génétique, lié au tempérament et environnemental.
Sur le plan génétique, plusieurs gènes pourraient avoir un rôle dans le développement d’un trouble panique sans que l’on puisse véritablement les identifier à ce jour (3). Sur le plan cérébral, le rôle de l’amygdale est clairement identifié, comme dans les autres troubles anxieux (3).
Le tempérament de type névrosisme (c’est-à-dire la tendance à éprouver facilement des émotions désagréables comme la colère, l'inquiétude…) et une sensibilité à l’anxiété jouent également un rôle dans le risque de développer un trouble panique (3).
Enfin, la consommation tabagique, les antécédents d’abus physiques ou sexuels, des facteurs de stress prédisposent au développement d’un trouble panique (3).
TRAITEMENT
Le trouble panique doit être rapidement pris en charge afin d’éviter les complications médicales (agoraphobie, épisode dépressif caractérisé…) et socioprofessionnelles.
Une fois le diagnostic posé, il est primordial d’expliquer au patient ce qu’est le trouble panique, comment il se caractérise, comment il évolue et de préciser ce qu’est une attaque de panique en revenant sur les inquiétudes liées à ces dernières. Le patient doit être informé de l’absence de risque médical non psychiatrique. C’est l’étape importante de la psycho-éducation.
Ensuite, plusieurs traitements de fond du trouble panique peuvent être mis en place (4) :
➔ La psychothérapie, de type cognitivo-comportementale (TCC),
➔ Le traitement médicamenteux, de type antidépresseur, principalement :
• les ISRS (inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine) : la sertraline, le citalopram/l’escitalopram (intérêt de réaliser un électrocardiogramme pour vérifier le QT corrigé qui peut être allongé), la paroxétine,
• un IRNa (inhibiteur de la recapture de la noradrénaline) : la venlafaxine,
• un tricyclique : la clomipramine.
➔ Autres interventions non médicamenteuses : la régulation ventilatoire (contrôle du rythme et de l’amplitude ventilatoire pour réguler l’hyperventilation de l’attaque de panique), la relaxation, la gestion par soi-même (utilisation de manuels) basée sur les principes de la thérapie cognitivo-comportementale (8) et l’exercice physique.
Les TCC et les traitements antidépresseurs ont montré une efficacité similaire dans le trouble panique (4). Donc, le choix de l’option thérapeutique dépendra de la réponse aux prises en charge antérieures, de la sévérité du trouble panique, des comorbidités et des préférences du patient.
En cas d’échec des prises en charge initiales après 12 semaines, un avis spécialisé du psychiatre est recommandé. Un changement d’antidépresseur et/ou une association (TCC + antidépresseur) pourront être discutées.
Au début de la prise en charge, en l’absence de contre-indication, il est possible de prescrire des anxiolytiques de type benzodiazépine à visée symptomatique des attaques de panique. Il faut informer le patient que c’est un traitement symptomatique, avec risque de dépendance en cas d’utilisation abusive et non surveillée et donc une prescription limitée dans le temps.
Si un traitement médicamenteux de type antidépresseur a été instauré avec efficacité, il devra être poursuivi un an avant d’être interrompu progressivement.
Enfin, il s’agira de traiter les comorbidités et d’évaluer un potentiel risque suicidaire.
Dr Nicolas Bonfils (psychiatre et addictologue, docteur en neurosciences, ancien chef de clinique des Hôpitaux de Paris - Cabinet médical : 4, rue Chomel 75007 Paris)
BIBLIOGRAPHIE
1. Park, S.-C., & Kim, Y.-K. (2020). Anxiety Disorders in the DSM-5: Changes, Controversies, and Future Directions. Advances in Experimental Medicine and Biology, 1191, 187–196.
https://doi.org/10.1007/
978-981-32-9705-0_12
2. Asmundson, G. J. G., Taylor, S., & Smits, J. A. J. (2014). Panic disorder and agoraphobia: an overview and commentary on DSM-5 changes. Depression and Anxiety, 31(6), 480–486. https://doi.org/10.1002/da.22277
3. DSM-5. (n.d.). Retrieved November 4, 2021, from https://www.psychiatry.org/psychiatrists/practice/dsm
4. HAS. (2007). Troubles anxieux graves.
5. Tang, W., Hu, T., Hu, B., Jin, C., Wang, G., Xie, C.,… Xu, J. (2020). Prevalence and correlates of PTSD and depressive symptoms one month after the outbreak of the COVID-19 epidemic in a sample of home-quarantined Chinese university students. Journal of Affective Disorders, 274, 1–7. https://doi.org/10.1016/j.jad.2020.05.009
6. Shin, J., Park, D.-H., Ryu, S.-H., Ha, J. H., Kim, S. M., & Jeon, H. J. (2020). Clinical implications of agoraphobia in patients with panic disorder. Medicine, 99(30), e21414. https://doi.org/10.1097/MD.0000000000021414
7. Noyes, R. (1991).
Suicide and panic disorder: a review. Journal of Affective Disorders, 22(1–2), 1–11. https://doi.org/10.1016/0165-0327(91)90077-6
8. Peyre, F. (2009). Faire face aux paniques : comment vaincre les crises et l’agoraphobie.
Étude et pratique
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Cas clinique
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