CONTEXTE
Selon un sondage Harris mené en 2017, environ 5 % des Français sont végétariens et 10 % d’entre eux songeraient à le devenir pour trois raisons : le maintien en bonne santé, le bien-être animal et la préservation de l’environnement. En matière d’alimentation végétarienne, deux travaux de thèse de 2017 pointent une certaine méconnaissance de la part des médecins généralistes, tant en ce qui concerne les effets sur la santé que pour les conseils nutritionnels.
« À ce jour, on ne dispose d’aucune recommandation, notamment du programme national nutrition santé (PNNS), sur ce sujet. Or, plus on exclut des aliments, plus on augmente le risque de carences », a rappelé le Dr Loïc Blanchet-Mazuel (Saint-Genis-les-Ollières) dont le travail de thèse présenté au CMGF avait pour but de créer et de valider un support d’informations pour les médecins généralistes. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments) a entrepris fin 2016 une révision des recommandations du PNNS pour les régimes d’exclusion, dont les conclusions sont toujours en attente.
MÉTHODE
L’objectif principal du travail de recherche était d’aboutir à la création d’un document validé en s’appuyant sur une revue narrative de la littérature des effets du régime végétarien sur la santé et sur les conseils nutritionnels associés. Les items retenus ont été soumis à une ronde Delphi d’experts en nutrition. Le support d’informations, constitué selon une méthodologie de la HAS, a été validé par un panel de généralistes.
RÉSULTATS
Quarante items ont été évalués au cours de trois tours de ronde Delphi, réalisés entre décembre 2017 et mars 2018.
→ Concernant les effets sur la santé, seulement 17 items sur 40 ont été retenus par les experts.
L'incidence et le contrôle du risque cardiovasculaire, à savoir la dyslipidémie acquise, l’hypertension et le diabète de type 2, sont améliorés par le régime végétarien. En revanche, le panel a estimé que le niveau de preuve était insuffisant pour affirmer un effet sur l’incidence des cancers, sur la mortalité (totale ou spécifique), sur les AVC et les cardiopathies ischémiques.
Enfin, il n’y a pas eu de consensus sur l’impact du régime sur le poids. On peut s’étonner de l’absence d’effet validé sur la baisse de l’incidence du cancer colorectal.
→ Les 3 carences à redouter sont celle en fer, notamment chez la femme non ménopausée, en vitamine B12 et en protéines chez les personnes âgées. Elles résultent en partie de la difficulté à réaliser des apports équilibrés sur le long cours.
→ La fiche finale comporte quatre parties : conseils nutritionnels généraux, âges spécifiques de la vie, effets sur la santé et ressources documentaires.
Les principaux messages destinés aux patients végétariens
• Anticiper la carence en fer, dans la mesure où sa forme végétale est moins absorbée que son homologue héminique. Y penser spécifiquement chez les gros buveurs de thé et de café qui en freinent l'absorbtion. Il est conseillé, au cours d’un repas riche en fer, de consommer de la vitamine C (des fruits par exemple) pour favoriser son absorption. Le taux de ferritine est généralement bas chez les végétariens, tout en restant dans les limites de la normale. Chez la femme enceinte, une supplémentation peut être nécessaire. Les aliments qui en contiennent sont les légumineuses (lentilles, haricots secs, etc.), œufs, légumes verts feuillus, oléagineux (fruits à coque), fruits secs, graines (lin, chia, sésame, pavot, tournesol, céréales complètes).
• Veiller à la vitamine B12, ou cobalamine, seule vitamine sans source fiable dans les végétaux. Sa présence dans la spiruline et les algues est sous la forme d’un analogue inactif. Les végétaliens et les personnes qui consomment peu de produits laitiers et d’œufs doivent donc se supplémenter (vit B12, compléments alimentaires, aliments enrichis tels que boissons végétales, céréales). Les personnes âgées ont aussi une moindre absorption de la vitamine B12 et la femme enceinte est supplémentée du fait d’une augmentation des besoins.
• Assurer un bon apport protéique. Il importe d’avoir une source variée et en quantité suffisante de protéines, contenant méthionine (céréales) et lysine (légumineuses) afin d’assurer un apport complet en acides aminés essentiels (légumineuses, oléagineux, œufs, produits laitiers céréales complètes, graines (sésame, lin, chia…), seitan (protéines du blé), soja et dérivés. Chez la personne âgée, il faut surveiller le poids et l’albuminémie si les apports sont jugés insuffisants.
• Surveiller les oméga-3. Les végétaux sont des acides à chaines courtes qui doivent être transformés par l’organisme en acides à chaines longues (DHA, EPA). Pour favoriser cette transformation qui est faible, il faut consommer des aliments et huiles végétales riches en oméga-3 (huile de colza, de noix, de lin, de soja, de germe de blé) en limitant les graisses saturées comme l’huile de palme et les produits transformés contenant des graisses trans. Le but étant de compenser l’absence d’apports en oméga-3 par le poisson.
• Calcium. Les apports proviennent principalement des produits laitiers, mais on en trouve dans les eaux riches en calcium, le chou, les légumineuses, les fruits secs. On peut aussi suggérer de consommer des aliments enrichis en calcium.
• Cas particulier des nourrissons et des enfants. Les conseils à l’égard des nourrissons sont fermes : jusqu’à 12 mois, aucun lait d’origine animale ni boisson végétale autres que spécifiquement conçus pour les nourrissons (préparations pour nourrisson entre 0 et 6 mois et préparations de suite entre 6 et 12 mois) ne doivent être consommés, sous peine de grave carence nutritionnelle. Chez l’enfant végétarien, il faut porter une attention particulière à la courbe de croissance, surveiller la ferritine (couplée au dosage de CRP) lors des périodes de croissance rapide si les apports en fer semblent insuffisants.
Référence
1- Blanchet-Mazuel L. Quand le patient végétarien rencontre le médecin généraliste, session orale comportement santé CMGF 2019, Paris Porte Maillot, 5 avril 2019.
Pour en savoir plus
La fiche pratique de 4 pages est disponible sur demande, en écrivant à alimentationvegetarienne@gmail.com
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