Survie des patients cancéreux entre 1995 et 2009 : analyse des données individuelles de 25 676 887 patients dans 279 registres populationnels de 67 pays.
Allemani C, Weir HK, Carreira H et al.Global surveillance of cancer survival 1995-2009: analysis of individual data for 25 676 887 patients from 279 population-based registries in 67 countries (CONCORD-2) Lancet 2015;385:977-1010.
CONTEXTE
En 2008, cette équipe internationale d’épidémiologistes (1) a publié un état des lieux de la survie à 5 ans pour trois cancers (sein, côlon-rectum et prostate), basé sur 1,9 million d’adultes diagnostiqués dans 31 pays des 5 continents entre 1990 et 1994 et suivis jusqu’en 1999. Cette synthèse montrait d’importantes variations de survie selon les pays. Une autre étude strictement européenne sur la période 1999-2007 a observé des résultats similaires avec des différences notables entre pays de l’est de l’Europe et ceux de l’ouest, du sud et du nord (2).
OBJECTIF
Étendre la mesure de l’évolution de la survie de 10 cancers sur le plus grand nombre de patients envisageable et dans le plus grand nombre de pays possible.
MÉTHODE
Analyse des registres de 67 pays (y compris 15 registres français) sur la survie des cancers, 5 ans après le diagnostic depuis 1995 jusqu’au 31 décembre 2009 ou postérieurement. Dix cancers ont été sélectionnés, représentant 2/3 de tous les cancers quels que soient les pays.
Tous les registres éligibles ont bénéficié d’un contrôle de qualité standardisé. L’analyse statistique a porté sur la survie à 5 ans, avec la date du diagnostic comme moment index. Pour calculer la survie, l’analyse a utilisé le « Pohar Perme Estimator of net survival » (3).
RÉSULTATS
Sur 395 registres sollicités dans le monde, 306 ont accepté de participer. 27 ont été écartés de l’analyse en raison de la qualité insuffisante des données ou pour d’autres motifs (politiques religieux, etc.). L’analyse a porté sur 25 676 887 patients (dont 226 234 Français) issus de 279 registres dans 67 pays.
La survie à 5 ans variait considérablement d’un cancer à l’autre et d’un continent à l’autre :
• Pour le cancer du sein, entre 43,1 % en Jordanie et 90,6 % à Chypre (France = 86,9%).
• Pour le cancer de la prostate, entre 27,4 % en Jordanie et 97,7 % à Porto Rico (France = 90,5%).
• Pour le cancer du côlon, entre 28,1 % en Indonésie et 69,4 % en Israël (France = 59,8%).
• Les deux cancers ayant le taux de survie à 5 ans le plus faible étaient le cancer bronchique : 6,3% en Bulgarie, 30,1 % au Japon et 13,6 % en France et le cancer du foie : 4,3% en Inde, 27,0 % au Japon et 14,4 % en France.
• Globalement la survie à 5 ans a augmenté pour tous les cancers entre 1995 et 2009, sauf dans les pays en cours de développement.
COMMENTAIRES
L’auteur de ces lignes n’a jamais lu un travail aussi monumental : 34 pages dans le Lancet, ce qui est exceptionnel, et 176 pages de supplément, téléchargeables gratuitement sur le site de la revue. Même si le recueil de données était un peu hétérogène selon les pays, la masse permet une approche assez précise de la réalité.
Les quatre faits les plus marquants à tirer de cette somme épidémiologique sont :
• La nette augmentation de la survie des cancers au cours des 15 dernières années dans les pays développés, sauf pour le cancer du poumon et du foie.
• Les différences de survie selon les continents et les pays, attribuables aux différences en termes d’accès aux soins (diagnostic), et de traitements modernes efficaces ; le tout lié au produit intérieur brut des pays et à l’organisation ou désorganisation des systèmes de soins.
• La place de la France, toujours dans le top 10 de la survie à 5 ans quel que soit le cancer avec cette particularité que la survie à 5 ans du cancer du col de l’utérus est passée de 66 % dans la période 1995-99, à 61 % dans la période 2000-04 dans les 9 registres qui recueillent ces données. Ce résultat est probablement attribuable à l’ablation de tumeurs moins agressives grâce un dépistage de masse plus intense (4).
• La parfois surprenante disparité entre les régions (ou états) d’un même pays. Par exemple, la survie à 5 ans du cancer du sein était de 84,9 % à Pékin et de 39,9 % dans la région du Cixian.
Pour la médecine générale ce travail gigantesque est intéressant à titre informatif. Au-delà de la légitime satisfaction hexagonale, il souligne surtout les deux domaines dans lesquels la recherche et les investissements sont urgents et indispensables, en plus d’une politique plus agressive de lutte contre le tabagisme et la consommation excessive d’alcool, ce qui est aussi la mission quotidienne de cette spécialité médicale.
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