Jean-Philippe, 72 ans, consulte car il est intrigué par les résultats d’un prélèvement sanguin effectué dans le cadre d'un bilan réalisé pour des troubles de la mémoire. Cet examen sanguin comportait un ionogramme, NFS, CRP, et un dosage de vitamine B12. La valeur du dosage de cette vitamine était élevée : 14 539 pmol/l (N entre 150 et 853).
Par ailleurs, notre interrogatoire met en évidence un problème de transit depuis 6 mois, que le patient a minimisé car il lui a permis de perdre 5 kg, élément d’importance en raison d’un surpoids.
En effectuant notre examen clinique, nous identifions l’existence d’une hépatalgie, mais aussi de douleurs épigastriques. Compte tenu de ces éléments, nous avons prescrit un scanner abdominal qui objective la présence d’un syndrome de masse tissulaire des segments VI et VII du foie, et un épaississement du sigmoïde avec adénomégalie (cliché 1). Ces résultats sont fortement évocateurs d’une néoplasie colique avec métastases secondaires hépatiques ; diagnostic confirmé par la coloscopie. L’hypervitaminose B12 est donc liée aux métastases hépatiques.
INTRODUCTION
Le dosage de la vitamine B12 est effectué le plus souvent lors d’un bilan de troubles mnésiques chez un patient, à la recherche d’un déficit vitaminique, car c’est une cause de démence curable. Cependant, une hypervitaminose B12 se révèle assez fréquente (plus même qu’une carence) dans le cas d’une recherche liée à un trouble mnésique.
Ainsi, dans une étude, 12 % des cas sur une série de patients hospitalisés pour des troubles mnésiques présentaient une hypervitaminose B12, alors qu’un déficit n’avait été objectivé que dans 10 % des cas.
On parle généralement d’hypervitaminose B12 quand la valeur est supérieure à 950 pmol/ml.
ÉTIOLOGIES
Plusieurs situations cliniques sont en relation avec une hypervitaminose B12 :
➔ Secondaire à un excès d’apport. On l’observe chez des patients ayant une supplémentation du fait d’un déficit, ou dans le cas d’automédication (compléments vitaminiques). Cette situation est rarement observée par le clinicien car les patients sont souvent conscients de leurs erreurs et les corrigent sans consulter leur médecin généraliste.
➔ En cas de pathologies hépatiques. Il peut s’agir d’hépatites aiguës ou chroniques (alcoolique le plus souvent), de métastases hépatiques, d’un hépatocarcinome. Dans le cas d’une cirrhose alcoolique, la gravité de l’atteinte hépatique est proportionnelle à l’importance de l’hypervitaminose. Dans ces situations, on met en évidence une libération de cobalamine par le foie, et en parallèle une réduction de la synthèse hépatique de transcobalamines (elles assurent le transport de la vitamine B12 vers les tissus).
➔ En cas de pathologies néoplasiques. Une hypervitaminose B12 peut avoir une origine carcinologique primitive (carcinome hépatocellulaire) ou secondaire (cancer du sein, du colon, du pancréas, de l’estomac). Une élévation très importante est un facteur péjoratif de la pathologie néoplasique en cause.
➔ En cas de pathologies hématologiques. Le plus souvent, il s’agit de syndromes myélodysplasiques, de leucémies aiguës ou de syndromes myéloprolifératifs. Dans ce dernier cas, l’élévation de la vitamine B12 est à mettre en relation avec une libération d’haptocorrines (les transcobalamines appartiennent à cette famille) par les granulocytes tumoraux.
➔ Autres étiologies. L’insuffisance rénale peut être associée à des valeurs importantes de vitamine B12. Dans ce cas, l’augmentation du taux plasmatique des transcobalamines est secondaire à une clairance trop faible.
On retrouve parfois cette anomalie biologique chez les femmes enceintes (surtout celles qui accouchent prématurément).
Enfin, d’autres causes auto-immunes ou inflammatoires peuvent être responsables d’une hypervitaminose B12 : maladie de Still de l’adulte, lupus érythémateux, histiocytose, syndrome d'hypersensibilité médicamenteuse (DRESS), polyarthrite rhumatoïde, maladies inflammatoires intestinales.
Toutes ces pathologies inflammatoires génèrent une augmentation des transcobalamines à l’origine de l’élévation du taux de vitamine B12.
CONCLUSION
La prise en charge de cette hypervitaminose est avant tout étiologique.
Deux points importants sont à souligner :
• Une élévation du taux de vitamine B12 est fréquente, et malheureusement souvent mal estimée par le clinicien.
• Des valeurs très élevées de vitamine B12 doivent faire rechercher une pathologie néoplasique, qui est parfois peu symptomatique.
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Aïda Tall (interne en médecine générale à Montpellier), Charlotte Cordier (externe à Montpellier), Alexandra Frey (externe à Strasbourg)
BIBLIOGRAPHIE
1. Cosma Rochat M, Vollenweider P, Waeber G. Hypervitaminémie B12 : implications cliniques et prise en charge. Revue Médicale Suisse 2012 ; 8 : 2072-2077.
2. Serraj K, Mecili M, Housni I, Andrès E. Hypervitaminémie B12 : physiopathologie et intérêt en pratique clinique. La Presse Médicale 2011 ; 40 : 1120-1127.
3. Zulfiqar AA, Sui Seng X, Duhamel E, et al. Conduite à tenir devant une hypervitaminémie B12 chez le sujet âgé. Soins Gérontologie 2017 ; 22 (124) : 41-43.
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
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