LA PELADE
Une jeune femme de 35 ans consulte en urgence car sa coiffeuse a constaté qu’il lui manquait une zone de cheveux. Elle ne se gratte pas et ne le savait pas. Elle traverse une période personnelle difficile, panique à l’idée de tous les perdre et que ça ne repousse pas. Elle est sous lévothyroxine suite à une thyroïdite de Hashimoto. à l’examen clinique, vous constatez une alopécie occipitale bien circonscrite, avec un cuir chevelu sans squame, non érythémateux. Certains cheveux sont en point d’exclamation, d’autres sont cadavérisés (photo 1). Il s’agit d’une pelade.
→ La pelade touche 2,1 % de la population. Elle est multifactorielle (génétique, auto-immunitaire, psychogène…). Elle se manifeste généralement de façon brutale, par une alopécie en plaque unique, multiple ou totale (photo 2). Dans ce dernier cas, on parle de pelade décalvante. Elle est "universalis" si les poils corporels sont aussi concernés.
→ Les plaques sont bien circonscrites et évoluent de façon centrifuge pour devenir diffuses dans 3 % des cas. La peau est non lésionnelle, parsemée de cheveux en points d’exclamation, cassés avec une base amincie, dépigmentés (photo 3). Certains cheveux cadavérisés sont observés, comme un point noir dans l’orifice folliculaire.
→ L’évolution est fluctuante, avec 2/3 de guérisons spontanées et 1/3 de rechutes. Les cheveux en repousse sont initialement dépigmentés (photo 4). On connaît certains facteurs de risque tel l’âge (l’enfance et le jeune adulte), la trisomie 21, l’atopie cutanée, la maladie cœliaque, le vitiligo, la thyroïdite… mais pas le diabète.
→ Certains facteurs sont de mauvais pronostic : une progression rapide, une atteinte de plus de 25 % de la surface du cuir chevelu, une durée supérieure à deux ans, la topographie ophiasique, l’atteinte des ongles, l’atopie et la trisomie 21.
→ Le traitement doit être fonction de la demande du patient et il n’est de toute façon que suspensif. Ce peut être l’abstention thérapeutique avec seulement une prothèse capillaire. Classiquement, on propose une corticothérapie locale ou intralésionnelle, voire des bolus, parfois associée à des applications de minoxidil, ou d'immunothérapie de contact (DBCP, dioxyanthranol…) ou à de la photothérapie. D’autres traitements plus lourds tels le méthotrexate ou l’imurel sont proposés en milieu hospitalier. à suivre, les anti-JAK et anti-IL2. Seule la pelade au stade cicatriciel ne justifie pas de traitement.
DERMITE SÉBORRHÉIQUE
Une jeune fille de 25 ans consulte pour de grosses pellicules du cuir chevelu associées à une odeur de rance qu’elle traîne depuis l’adolescence (photo 5). Il s’agit d’une dermite séborrhéique (DS).
Elle est caractérisée par des squames grasses et jaunâtres qui définissent le pityriasis stéatoïde et différent de celles du pityriasis simplex, lequel se caractérise par des squames fines, sèches et grisâtres. Cette dermite est volontiers associée à du prurit, voire à une sensation de brûlure. La DS a une prédilection pour les zones séborrhéiques (front, sourcils, sillons nasogéniens, région pré-sternale) sans que le rôle su sébum soit clairement démontré.
→ Le rôle de la levure Malassezia est lui fortement suspecté, en raison de la topographie de la DS où elle se trouve en forte concentration et de l’efficacité des antifongiques. Le cuir chevelu sous-jacent est habituellement normal, non érythémateux, sauf en lisière où le cuir chevelu est rosé. La frontière avec le sébopsoriasis est alors difficile, puisqu’il a les mêmes topographies, mais généralement on retrouve des lésions de psoriasis, parfois minimes, dans les zones bastions. La DS est fréquente au cours d’affections neurologiques comme le Parkinson. Son caractère profus, acquis voire atypique doit faire contrôler la sérologie VIH.
→ Le traitement repose avant tout sur une bonne compréhension par le patient de la chronicité de sa pathologie, qu'aucune thérapie ne peut guérir. Le traitement stabilise les lésions, avec des phases d’échappement. Il reste local, avec un objectif de réduire la séborrhée et la colonisation par le Malassezia. On utilise des shampooings antifongiques, au pyrithione zinc ou au sulfure de sélénium à laisser poser. Les dermocorticoïdes sont à réserver uniquement contre la lutte de certains épisodes inflammatoires, ou dans le sébopsoriasis.
LE PSORIASIS
Une jeune femme de 22 ans consulte car elle a une éruption très prurigineuse du cuir chevelu, rythmée par ses études et récemment aggravée par décès de sa grand-mère. à l’examen, elle a une éruption érythémato-squameuse à bords bien limités (photo 6), sans alopécie mais touchant aussi les coudes, le pli interfessier et le pubis. Il s’agit d’un psoriasis.
Le psoriasis du cuir chevelu se rencontre chez 50 à 80 % des patients psoriasiques. Il peut être isolé. Il touche avec prédilection les zones rétro-auriculaires, la nuque, le front, sous forme de quelques plaques érythémato-squameuses, qui peuvent confluer jusqu’à une présentation en casque. Il diffère donc de la DS par ce fond érythémateux. Le prurit est fréquent, aggravant la maladie par effet Koebner. Il est non alopéciant excepté lors de grattages intenses, de présentation très kératosique ou à type pseudo-teigne amiantacée (qui n’est pas spécifique au psoriasis). Il faut penser à rechercher des lésions cutanées à distance (coudes, genoux, nombril, conduits auditifs externes, pli interfessier, sacrum, génital…) et à traquer des signes articulaires. En effet, le psoriasis du cuir chevelu, tout comme le psoriasis inversé (atteinte des plis) et le psoriasis unguéal, sont classiquement associés à un risque accru de rhumatisme psoriasique, avec une fréquence évaluée à 20 % des cas.
→ Pour le traitement :
– Comme pour la DS, insister sur la chronicité de la maladie, la stabilisation mais pas la guérison.
– Penser à rechercher des traitements inducteurs tels que les bétabloquants, les inhibiteurs calciques, le lithium, etc.
– Lutter contre le syndrome métabolique, scientifiquement corrélé à un psoriasis plus sévère et résistant.
– Insister sur le fait de ne pas gratter, puisque le Koebner déclenche la maladie.
– Application de dipropionate de béthamétasone, propionate de clobetasole +/- Calcipotriol. Et si épais, utilisation de shampooings ou de préparations réductrices.
LES FOLLICULITES
Un patient de 35 ans consulte car il a depuis 4 ans une alopécie sensible sans repousse, associant des croutes permanentes, du pus et du sang sur son oreiller (photo 7). Ce patient a une folliculite décalvante.
→ Les folliculites du cuir chevelu correspondent à une inflammation du follicule pilo-sébacé. Cette inflammation passe par une phase aiguë où on observe un érythème et une pustule (photo 8), puis une phase chronique avec hyperkératose, bouchon et croutes. Ces folliculites se regroupent en plusieurs entités. Certaines sont dites primitives et d’autres secondaires (cf tableau 1).
→ La folliculite décalvante de Quinquaud est plus fréquemment observée avec des cheveux crépus et se localise préférentiellement au vertex. Une hyperkératose engaine les cheveux qui s’horizontalisent dans la peau, sous une croute. Le cuir chevelu est érythémateux, avec des plaques mal limitées (photo 9). Cette folliculite évolue, par crise, en alopécie cicatricielle parsemée de touffes. L’étiopathogénie semble être un déséquilibre du microbiote.
Le traitement repose sur une antibiothérapie locale et générale prolongée. Des cures de zinc peuvent être proposées. Il n’y a pas de traitement curatif.
→ La cellulite disséquante se manifeste par des abcès douloureux qui communiquent entre eux. Quand on appuie sur l’un, un autre se met à gonfler. Elle touche préférentiellement l’homme entre 20 et 40 ans et est souvent associée à une acné conglobata, une hidrosadénite suppurée ou un sinus pilonidal. Les NAAS (nodules alopéciants aseptiques du scalp) (photo 10) constituent une entité dont l’autonomie est actuellement controversée : forme frustre de cellulite disséquante ? Forme débutante ? Elle évolue vers une fistulisation avant régression. Le traitement le plus efficace semble être le drainage chirurgical et celui par isotrétinoïne à dose de 0,5 à 1 mg/Kg/J. Certains proposent une antibiothérapie, une corticothérapie, du zinc, etc.
→ La folliculite en touffes est rarement primaire, il s’agit alors d’une rétention de cheveux en phase télogène. Elle est le plus souvent secondaire aux alopécies cicatricielles. Les cheveux sont regroupés en gerbes (photo 11). Il y a un risque de surinfection par élargissement du follicule pileux.
→ La folliculite fibrosante de la nuque ou acné chéloïdienne touche essentiellement le sujet de phototype foncé. Elle se manifeste par des papulo-pustules inflammatoires folliculaires (photo 12) qui évoluent en cicatrices hypertrophiques puis chéloïdiennes (photo 13), et finalement provoquent une alopécie. L’étiopathogénie reste mystérieuse et il est probable que le traumatisme local (rasage, casque, défrisage…) joue un rôle. Le traitement repose sur la corticothérapie intra-chéloïdienne, les cyclines. On peut essayer de proposer de l’isotrétinoïne.
→ Enfin, la pustulose érosive du sujet âgé, qui peut aussi se voir sur les membres inférieurs, apparaît sur des crânes fortement insolés, en post-zona ou post radiothérapie. Les pustules folliculaires confluent en vastes placards érosifs. Le traitement repose sur la corticothérapie locale associée à du gluconate de zinc.
→ En conclusion, plusieurs entités “folliculites” sont rapportées, mais il est probable que certaines soient des formes frontières. Ne pas hésiter à faire des prélèvements bactériologiques et mycologiques devant toute alopécie, d’autant plus si elle est squameuse, croûteuse, pustuleuse. Ces pathologies évoluent par poussées, les traitements sont difficiles et souvent décevants.
Photos : Dr Marie-Hélène Jegou-Penouil
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