Cette femme de 48 ans, diabétique, obèse, a laissé depuis deux mois évoluer des ulcérations des faces antéroexternes de ses deux jambes, elle a enfin consulté devant l’aggravation locale et l’accentuation des douleurs. Les lésions se sont étendues, elles sont profondes, à fond fibrineux, nauséabondes.
COMMENT DÉTERMINER QU’UNE PLAIE CHRONIQUE EST INFECTÉE ?
Dès qu’il y a effraction de la peau, il y a forcément contamination et colonisation par une flore bactérienne extérieure, celle-ci peut, dans quelques cas, évoluer vers une « colonisation dite critique » avec une quantité de germes importante responsable des signes cliniques sans forcement nécessiter une antibiothérapie, voire vers une infection qui va la nécessiter. Une surveillance étroite de la plaie au cours du temps permet de déceler des modifications cliniques mêmes minimes de la réponse inflammatoire pour identifier les signes de surinfection. La survenue d’une surinfection d’une plaie dépend du pouvoir pathogène et de la virulence des germes ainsi que de l’immunocompétence de l’hôte. L’infection et sans doute la colonisation critique sont des obstacles à la cicatrisation. Toute la difficulté est donc de faire la différence entre colonisation bactérienne normale à respecter et infection à être traitée.
-› Un certain nombre de critères cliniques ont été déterminés pour aider au diagnostic d’infection, ceux de Cutting et Harding ayant supplanté ceux du CDC d’Atlanta ; aucun n’est formel, tous n'ont pas la même valeur et c'est souvent la conjonction de plusieurs d'entre eux qui fera évoquer l'infection de la plaie et en particulier :
- la douleur (en se méfiant de possibles troubles de la sensibilité chez les diabétiques),
- une augmentation des exsudats,
- l’apparition d’une zone inflammatoire en périphérie,
- la survenue d’une petite plaie satellite ou d’une extension en surface ou en profondeur de la plaie,
- parfois une odeur nauséabonde…
L’évolution des plaies de cette femme, de surcroît diabétique, correspond à plusieurs de ces critères, et fait suspecter une infection.
FAUT-IL DEMANDER DES EXAMENS ?
-› Un prélèvement bactériologique par écouvillonage n’est pas systématique devant toutes les plaies ;
l’examen microbiologique n’est pas à lui seul une méthode fiable de diagnostic d’infection. Dans toutes les plaies chroniques, on trouve plusieurs germes, habituellement deux ou trois, sans savoir lequel est responsable de l’infection, le laboratoire fournit souvent plusieurs antibiogrammes et le médecin va se sentir obliger de traiter en fonction du résultat. Le prélèvement bactériologique a un intérêt seulement quand derrière il y a un enjeu fonctionnel ou épidémiologique par exemple (greffe par exemple ou pour identifier des germes BMR en milieu hospitalier). En ville il n’y a que rarement indication à faire un prélèvement – excepté souvent le cas particulier des plaies des diabétiques, où le prélèvement devrait être une biopsie et non un écouvillonnage simple.
-› Une NFS est utile pour identifier une hyperleucytose, la CRP aussi.
COMMENT TRAITER ?
-› Le traitement local doit comprendre lavage et détersion de la plaie, qui constituent la meilleure prévention des infections loco-régionales :
- Le nettoyage à l'eau et au savon doux est recommandé (douche, bain)..
Les recommandations HAS comme la revue Cochrane ne recommandent pas d’utiliser des antiseptiques, considérés comme allergisants et peu efficaces sur les germes du fait de la présence de protéines dans les exsudats.
- Il est essentiel de déterger la plaie de la fibrine et de la nécrose en évitant de faire mal et de faire saigner le patient. Pour éviter la douleur, une prémédication est nécessaire (ne pas hésiter à utiliser l’EMLA qui a l’indication dans les ulcères de jambe).
-› Puis on utilise les pansements modernes qui vont aider à la cicatrisation : hydrogel pour les plaies sèches, alginate ou hydrofibre pour les plaies humides. Les pansements à l’argent sont utiles dans les plaies colonisées de façon critique, leur action antibactérienne et anti-inflammatoire peut permettre d’éviter d’avoir recours aux antibiotiques par voie générale.
-› Quand une plaie est infectée, le rythme des pansements doit devenir quotidien.
-› L’antibiothérapie locale n'a pas démontré d’intérêt ni dans la prévention ni dans le traitement des complications infectieuses. Les antibiotiques locaux sélectionnent les germes, sont allergisants et peu efficaces.
-› Si une antibiothérapie systémique est jugée nécessaire, elle est probabiliste : en présence de fibrine, de nécrose - ce qui est le cas de notre patiente - on choisit plutôt un antibiotique actif sur les gram - et les anaérobies (amoxiciline- acide clavulanique généralement), en présence de plaies plutôt bourgeonnantes, rouges, la probabilité d’un streptocoque ou d’un staphylocoque est élevée et le choix se porte alors sur la pristinamycine ou l’amoxicilline. La durée de traitement est d’environ 10 jours.
-› Attention, la prévalence croissante de souches bactériennes résistantes doit amener à éviter un emploi inconsidéré des antibiotiques.
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)