1. Combien de produits laitiers sont conseillés par jour dans le but d’améliorer la densité minérale osseuse ?
Chez les patients atteints d’ostéoporose ou en prévention, les recommandations de la Société française de rhumatologie (SFR) et du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO) conseillent deux à trois produits laitiers différents par jour. Cette quantité permet d’atteindre les apports quotidiens recommandés en calcium (soit 150 à 200 mg de calcium/portion) (1), en sachant que la biodisponibilité du calcium des produits laitiers est bien meilleure que celle des sources végétales (2).
La consommation de produits laitiers s’avère bénéfique sur la densité minérale osseuse (DMO) : dans une méta-analyse d’essais randomisés (3) menés chez des femmes ménopausées plus ou moins consommatrices, la différence moyenne standardisée (DMS) était de 0,21 g/cm2 au niveau du rachis lombaire (effet significatif d’un point de vue statistique), de 0,36 g/cm2 au col fémoral et de 0,37 g/cm2 au niveau de la hanche. Une étude d’intervention prospective randomisée menée dans des maisons de retraite a constaté une réduction de 33 % de l’incidence des fractures, une réduction de 46 % de celles de la hanche lorsque le nombre de produits laitiers passait de 2 à 3,5 par jour en moyenne en association avec des apports protéiques optimisés, comparativement à une alimentation inchangée (4).
Des associations encore plus importantes ont été remarquées avec des produits laitiers fermentés (yaourt, fromage). Pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas consommer de produits laitiers, les experts les encouragent à se tourner vers les eaux minérales sources de calcium alimentaire, dont la biodisponibilité équivaut à celle du calcium des produits laitiers. Les eaux riches en calcium (> 250-300 mg Ca/L) et en bicarbonate et pauvres en sulfates sont à privilégier. Attention, aucune donnée ne démontre une équivalence entre les boissons à base de plantes (« laits végétaux ») et les laits animaux en tant que source de calcium.
Enfin, contrairement à une idée reçue, la consommation de produits laitiers (à l’exception du beurre) est associée à une évolution favorable du profil lipidique (triglycérides, cholestérol total, cholestérol LDL et HDL), avec un risque réduit de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2 (5). À noter, un faible apport en calcium est préjudiciable chez les patients ayant des antécédents de lithiase urinaire. En effet, cela favorise les lithiases oxaliques en augmentant l’absorption digestive des oxalates en réponse à la diminution des complexes calcium-oxalate.
2. Quel régime alimentaire est le plus bénéfique pour la santé osseuse ?
Un régime de type méditerranéen (fruits et légumes, légumineuses, céréales, huile d’olive ; plusieurs produits laitiers fermentés par jour ; du poisson deux fois par semaine ; de la viande occasionnellement) est associé à une meilleure santé osseuse. Le régime méditerranéen est riche en micronutriments antioxydants, en vitamines C et E, en caroténoïdes et polyphénols, et parfois en acides gras oméga-3. Il est recommandé pour les patients souffrant d’ostéoporose, ou dans la prévention de l’ostéoporose (6). D’après une méta-analyse, plus l’adhésion au régime méditerranéen est élevée et plus la DMO aux niveaux du rachis lombaire et du col fémoral, chez les hommes et les femmes âgés de 20 à 79 ans, est importante (7). Des publications récentes ont toutes observé une association positive entre les scores d’observance au régime méditerranéen et un risque plus faible de fractures de la hanche.
Les phyto-œstrogènes, dont la teneur est élevée dans certains végétaux (soja notamment), semblent produire un effet bénéfique sur la santé osseuse des femmes asiatiques, dans des conditions alimentaires conformes aux pratiques de ces populations. Les données manquent pour recommander un régime à base de soja ou des compléments alimentaires à base de soja chez les femmes occidentales atteintes d’ostéoporose ou dans une optique de prévention. Quant aux prébiotiques (ce sont des fibres alimentaires), ils ont un effet bénéfique modeste sur l’absorption intestinale du calcium. Certaines souches de probiotiques (ce sont des bactéries) seraient associées à une réduction modeste de la perte osseuse. Cependant, trop d’inconnues persistent pour les populations cibles vis-à-vis des souches bactériennes optimales et des modes de délivrance pour émettre une recommandation.
3. Les régimes végétariens et végétaliens sont-ils nocifs pour la santé osseuse ?
Les régimes végétaliens, et dans une moindre mesure les régimes végétariens, sont associés à une moins bonne santé osseuse et, de ce fait, déconseillé sur ce sujet. Les régimes végétaliens sont pauvres en calcium, en protéines et en micronutriments, tels que les vitamines B2, B3, B12 et D, l’iode, le zinc, le potassium et le sélénium (8). Les régimes végétariens excluent toute chair animale (viande, poisson), mais ni les œufs ni les produits laitiers. Dans une méta-analyse, des valeurs de DMO moindres au niveau du rachis lombaire inférieur et du col fémoral ont été constatées chez les végétariens et les végétaliens par rapport aux omnivores (8).
Les DMO au rachis lombaire et au col fémoral étaient plus faibles chez les végétaliens que chez les végétariens. Enfin, le risque de fracture était de 44 % plus élevé chez les végétaliens que chez les omnivores. Les études de cohortes sont également consensuelles (9). Dans Epic-Oxford, seuls les végétaliens présentaient une augmentation du risque de fracture (notamment au niveau de la hanche) par rapport aux omnivores (risque de fracture multiplié par 2,31) (10). Dans la cohorte Adventist Health 2, seules les femmes végétaliennes présentaient une augmentation de 55 % du risque de fracture au niveau de la hanche, mais ce risque accru n’a pas été observé chez les femmes végétaliennes supplémentées en calcium seul ou associé à de la vitamine D.
4. L’apport en protéines affecte-t-il la santé des os ?
La prévalence de la dénutrition est élevée chez les personnes âgées, en particulier après fracture de la hanche. Entre 18,7 et 45,7 % des personnes âgées de 70 ans et plus seraient sous-alimentées (12). En plus de leur rôle structurel, les protéines alimentaires stimulent la libération d’IGF-1 (Insulin-like growth factor 1), une hormone à l’effet anabolisant sur le tissu musculo-squelettique (13). Un apport optimal en protéines est donc essentiel à l’acquisition et au maintien de la masse osseuse. Les experts préconisent un apport en protéines d’au moins 1 à 1,2 g/kg/jour. Les apports doivent inclure des protéines animales de « haute qualité » (riches en acide aminé (AA) leucine, contenues dans les viandes, les poissons, les produits laitiers et le soja).
Chez les patients atteints d’ostéoporose, les apports protéiques doivent être adaptés à l’état nutritionnel (conseils diététiques ; augmentation des apports alimentaires et/ou des compléments alimentaires oraux, comme les boissons hyperprotéinées).
Chez les patients atteints d’ostéoporose mais qui ne sont pas sous-alimentés, l’utilisation systématique d’aliments riches en protéines est déconseillée.
5. Les aliments enrichis en vitamine D
Sont-ils une alternative à la supplémentation pour optimiser le statut en vitamine D ?
En cas de carence en vitamine D (taux sérique < 10 ng/ml), les aliments enrichis en vitamine D (certains laits et fromages blancs) pourraient être une alternative à la supplémentation comme moyen d’optimiser le statut en vitamine D, mais il n’y a pas suffisamment de preuves scientifiques pour affirmer qu’ils sont comparables à une supplémentation médicalement prescrite en termes d’effet sur la santé osseuse. Par ailleurs, en France, à l’inverse des pays scandinaves et des États-Unis, très peu d’aliments sont enrichis en vitamine D.
Dans la seule méta-analyse publiée et qui compile les résultats de six études d’intervention, la consommation d’aliments enrichis en vitamine D s’est avérée avoir un effet bénéfique modéré sur la DMO par rapport au placebo (14). Une étude parmi la population française a suggéré que la consommation régulière de produits laitiers enrichis en vitamine D pourrait réduire de manière certaine le nombre de fractures – notamment au niveau de la hanche – et pourrait constituer une stratégie peu coûteuse, notamment pour les personnes âgées de plus de 70 ans (15).
Sauf dans le cas de la vitamine D, il n’y a pas suffisamment de preuves scientifiques pour recommander une supplémentation avec d’autres vitamines pour améliorer la santé des os, y compris la vitamine K.
Hélène Joubert (rédactrice), avec le Pr Bernard Cortet (chef de service de rhumatologie du CHU de Lille et président du GRIO)
BIBLIOGRAPHIE
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4. Iuliano S, Poon S, Robbins J, et al. Effect of dietary sources of calcium and protein on hip fractures and falls in older adults in residential care: cluster randomised controlled trial. Bmj 2021;375:n2364.
5. Chen Z, Ahmed M, Ha V, et al. Dairy Product Consumption and Cardiovascular Health: a Systematic Review and Meta-Analysis of Prospective Cohort Studies. Adv Nutr 2021;13(2):439-54.
6. Biver E, Herrou J, Larid G, , Dietary Recommendations in the Prevention and Treatment of Osteoporosis, Joint Bone Spine (2022), doi:https://doi.org/10.1016/j.jbspin.2022.105521.
7. Malmir H, Saneei P, Larijani B, Esmaillzadeh A. Adherence to Mediterranean diet in relation to bone mineral density and risk of fracture: a systematic review and meta-analysis of observational studies. Eur J Nutr 2018;57(6):2147-60.
8. Bakaloudi DR, Halloran A, Rippin HL, et al. Intake and adequacy of the vegan diet. A systematic review of the evidence. Clin Nutr 2021;40(5):3503-21.
9. Guacel I, Miguel-Berges ML, et al. Veganism, vegetarianism, bone mineral density, and fracture risk: a systematic review and meta-analysis. Nutr Rev 2019;77(1):1-18.
10. Tong TYN, Appleby PN, Armstrong MEG, et al. Vegetarian and vegan diets, and risks of total and site-specific fractures: results from the prospective EPIC-Oxford study. BMC Med 2020;18(1):353.
11. Thorpe DL, Beeson WL, Knutsen R, et al. Dietary patterns and hip fracture in the Adventist Health Study 2: combined vitamin D and calcium supplementation mitigate increased hip fracture risk among vegans. Am J Clin Nutr 2021;114(2):488-95.
12. Malafarina V, Reginster JY, Cabrerizo S, et al. Nutritional Status and Nutritional Treatment Are Related to Outcomes and Mortality in Older Adults with Hip Fracture. Nutrients 2018;10(5):555.
13. Bonjour JP. The dietary protein, IGF-I, skeletal health axis. Horm Mol Biol Clin Investig 2016;28(1):39-53.
14. Darling AL, Millward D Tangestani H, et al. Efficacy of vitamin D fortified foods on bone mineral density and serum bone biomarkers: A systematic review and meta-analysis of interventional studies. Crit Rev Food Sci Nutr 2020;60(7):1094-103.
15. Hiligsmann M, Burlet N, Fardellone P, et al. Public health impact and economic evaluation of vitamin D-fortified dairy products for fracture prevention in France. Osteoporos Int 2017;28(3):833-40.
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