1. Quand prescrire une imagerie ?
L’imagerie cérébrale fait partie du bilan initial face à une plainte cognitive. Le guide patient HAS préconise qu’elle soit demandée par le médecin traitant devant toute plainte cognitive jugée « inquiétante » et dont les caractéristiques (type de troubles, fréquence, retentissement…) peuvent faire évoquer une origine neurodégénérative (1). Ses résultats contribuent à stratifier la stratégie de prise en charge (adressage en consultation de neurologie, neurochirurgie ou cardiologie en cas de pathologie lésionnelle ; consultation mémoire devant des signes orientant vers une atteinte dégénérative ; réévaluation à distance…).
2. Quel examen privilégier ?
L’IRM cérébrale est l’examen à privilégier (1). Une tomodensitométrie cérébrale (scanner) est réalisée chez les patients qui présentent une contre-indication à l’IRM, mais elle n’offre pas la même précision pour l’estimation de l’atrophie cérébrale et surtout est peu performante pour évaluer certains diagnostics différentiels ou associés (maladie des petits vaisseaux cérébraux…).
Le protocole d’IRM cérébrale « de base » ne contient en général pas l’ensemble des séquences nécessaires pour l’évaluation d’un patient qui présente une plainte cognitive. Il est donc essentiel de bien mentionner l’indication « plainte mnésique » sur l’ordonnance, et idéalement de préciser : « 3DT1 avec évaluation de l’atrophie hippocampique selon le score de Scheltens ». Une séquence morphologique volumétrique (coupes fines permettant une reconstruction des images dans les trois plans de l’espace) sera ainsi réalisée et le volume de l’hippocampe déterminé par le radiologue.
3. Quels sont les objectifs ?
L’objectif premier de l’imagerie cérébrale est d’éliminer une pathologie lésionnelle susceptible de causer les troubles cognitifs (diagnostic différentiel, voir cinquième point).
L’imagerie peut ensuite montrer une perte de volume cérébral (atrophie) anormale pour l’âge, diffuse ou plus marquée sur certaines régions du cortex cérébral, qui oriente vers une pathologie neurodégénérative (Figure 1).
Attention, l’atrophie étant un processus normal associé au vieillissement, la sensibilité et la spécificité de ces anomalies sont très imparfaites, hormis chez les sujets jeunes (moins de 65 ans). Il faut donc les considérer comme des signes d’orientation plutôt que diagnostiques (2). Cette spécificité limitée est encore accentuée en cas de facteur aggravant tel qu’un trouble de l’usage de l’alcool.
Il est essentiel de bien en informer le patient car les conclusions de l’interprétation radiologique paraissent parfois affirmatives. De plus, l’entrée des mots-clés qu’elle contient (atrophie hippocampique, leucopathie vasculaire…) dans un moteur de recherche internet renvoie à des milliers de résultats concernant la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées que beaucoup de patients considèrent comme une validation de leurs craintes.
4. Quels signes orientent vers une maladie neurodégénérative ?
Chez certains patients, en particulier en cas de pathologie avancée, l’atrophie cérébrale est globale, corticale et sous corticale, et diffuse, touchant tous les lobes cérébraux. Ce type d’atrophie conforte la nécessité d’une exploration sans apporter d’élément utile au diagnostic étiologique.
En revanche, les atrophies prédominant dans une région particulière du cortex cérébral peuvent être mises en rapport avec la localisation préférentielle du processus lésionnel de chaque pathologie, contribuant au diagnostic étiologique.
Ainsi la maladie d’Alzheimer (MA) est classiquement à l’origine d’une atrophie précoce de l’hippocampe, structure clé dans le processus de mémorisation, localisée à la face interne du lobe temporal. Cette atrophie est évaluée en pratique courante à l’aide du score de Scheltens, habituellement précisé dans le compte-rendu d’une IRM dédiée à l’exploration d’une plainte cognitive (Fig. 1 A-B). Il s’agit d’un score semi-quantitatif chiffré de 0 (pas d’atrophie) à 4 (atrophie sévère) dont la valeur normale, la sensibilité et la spécificité dépendent de l’âge du patient. Elles restent acceptables jusqu’à 75 ans (≥ 75 %) mais baissent rapidement ensuite (2). Une atrophie préférentielle des lobes pariétaux est également évocatrice de la MA (Fig. 1 C).
Différents patrons d’atrophie sont observés dans les autres maladies neurodégénératives. On observe par exemple dans la démence frontotemporale une atrophie des régions éponymes (Fig. 1 D), une atrophie du mésencéphale (partie supérieure du tronc cérébral) dans la paralysie supra-nucléaire progressive ou une atrophie asymétrique des hémisphères cérébraux dans la dégénérescence cortico-basale (Fig. 1 E).
Toutefois, comme pour la maladie d’Alzheimer, il faut retenir que, bien que très évocatrices, ces anomalies, ne permettent pas à elles seules de porter un diagnostic et surtout, que leur absence n’élimine en rien la possibilité d’une maladie neurodégénérative.
5. Quels diagnostics différentiels peut-on éliminer ?
L’imagerie cérébrale s’attache en premier lieu à éliminer des lésions focales responsables de troubles d’installation progressive ou persistants tels qu’une tumeur cérébrale (méningiome, tumeur maligne…), des séquelles d’AVC ou des signes d’encéphalite subaiguë (encéphalite paranéoplasique…).
La mise en évidence d’une dilatation des ventricules latéraux, éventuellement associée à des hypersignaux périventriculaires évocateurs de résorption transépendymaire du liquide cérébrospinal, fait évoquer une hydrocéphalie chronique dite « à pression normale » (HPN), cause curable de troubles cognitifs, de la marche et sphinctériens (Fig. 2 A). Attention toutefois, à ne pas devancer les conclusions d’une évaluation spécialisée car il est fréquent que la dilatation des ventricules témoigne d’une atrophie sous-corticale plutôt que d’une HPN.
Deux types d’anomalies, en partie chevauchantes, font l’objet d’une attention particulière : les signes d’angiopathie amyloïde et ceux de maladies des petits vaisseaux cérébraux :
- L’angiopathie amyloïde correspond au dépôt de peptide amyloïde dans la paroi des vaisseaux cérébraux qui les fragilise, augmentant le risque de saignement cérébral, et potentialisant, voire causant, les troubles cognitifs. L’angiopathie amyloïde est fréquemment associée à des degrés variables à la maladie d’Alzheimer, mais cette association n’est pas systématique (dans un sens comme dans l’autre). Sur l’imagerie on la repère par la présence de microsaignements (microbleeds), hyposignaux millimétriques sur les séquences de susceptibilité magnétique ou d’autres anomalies de type hémorragiques (hémosidérose) de topographie corticale (Fig. 2 B) et celle d’anomalies de signal de la substance blanche, l’ensemble prédominant dans les régions postérieures du cerveau.
- Les maladies des petits vaisseaux cérébraux constituent une entité hétérogène qui recouvre l’ensemble des anomalies de la microcirculation cérébrale. Si l’angiopathie amyloïde entre dans ce champ, en pratique courante, le terme fait avant tout référence aux altérations des petits vaisseaux qui irriguent les régions profondes du cerveau en lien avec les facteurs de risque vasculaire, en premier lieu l’hypertension artérielle. On évoque ce diagnostic devant la présence sur l’IRM cérébrale : a) d’hypersignaux périventriculaires visualisés en séquence T2/FLAIR (leucopathie), dont la sévérité est évaluée à l’aide du score semi-quantitatif de Fazekas de 0 (absents) à 3 (confluents) (Figure 2 C); b) de lacunes (séquelles d’AVC ischémiques de petite taille) (Figure 2 C) ou de séquelles hémorragiques dans les noyaux gris centraux et les régions périventriculaires ; c) de microsaignements dans les régions profondes sur les séquences de susceptibilité magnétique ; d) d’une dilatation des espaces périvasculaires (Virchow-Robin).
Lorsque ces signes sont particulièrement marqués (leucopathie confluente, lacunes multiples) et en concordance avec le tableau clinique, la maladie des petits vaisseaux peut-être la cause des troubles cognitifs (« démence » vasculaire), mais elle n’en constitue le plus souvent qu’une composante (« démence » mixte), voire peut être considérée comme négligeable lorsque les signes sont mineurs.
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts relatif au contenu de cet article.
Bibliographie
(1) HAS. Haute Autorité de Santé. 2018 [cité 2 mai 2023]. Patients présentant un trouble neurocognitif associé à la maladie d’Alzheimer ou à une maladie apparentée.
(2) Claus JJ et al. Practical use of visual medial temporal lobe atrophy cut-off scores in Alzheimer’s disease:Validation in a large memory clinic population. Eur Radiol. 1 août 2017;27(8):3147‑55.
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