Médecine du sport

Quid des certificats de non contre-indication au sport ?

Publié le 10/09/2010
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Entre les bienfaits de la pratique d’un sport et ses risques authentiques, comment les médecins gèrent-ils les demandes de certificats de non contre-indication ? Ce travail de thèse de médecine générale.

Les activités sportives en compétition sont subordonnées depuis 1975 à un contrôle médical obligatoire dont le but est de prévenir un risque vital, éviter la création d’une pathologie ou son aggravation. Dans le sillage de cette législation, mais sans fondement légal, les clubs ou associations de sport de loisirs demandent à ses adhérents de présenter un certificat de non contre-indication. Le travail de thèse de médecine générale présenté ici, s’est interrogé sur la manière dont les médecins généralistes abordent la demande d’un certificat de non contre-indication à la pratique sportive (CMNCI).

ENQUÊTE PAR QUESTIONNAIRE ANONYME

Un questionnaire avec des questions fermées ou à choix multiples, élaboré à partir du contenu d’entretiens préalables avec des médecins généralistes et à partir des données de la littérature, a été envoyé à l'ensemble des médecins généralistes d'Ille-et-Vilaine (926 personnes) à la mi-juin 2008. Le taux de réponse élevé (39,2 %) pour ce type d’enquête montre que le sujet intéresse et préoccupe les médecins généralistes.

RESULTATS

•Si seulement 31 % des médecins interrogés ont reçu un enseignement de médecine du sport, 71 % se déclarent tout de même compétents pour des demandes de CMNCI.

• 80 % des médecins généralistes passent moins de 20 minutes pour une consultation de CMNCI alors que, dans la littérature, le temps nécessaire est estimé à une trentaine de minutes.

Un tiers des médecins avoue avoir déjà délivré un CMNCI à un de ses patients sans consultation.

• Seulement 4 % des médecins utilisent un questionnaire pré-établi lors des consultations pour délivrance d’un CMNCI.

• La plupart des items de l’interrogatoire préconisés par la littérature sont abordés par les médecins généralistes et les points cruciaux de l’examen clinique sont respectés par une majorité de praticiens.

• 21 % des médecins interrogés ne réalisent jamais d’électrocardiogramme.

• Le dopage n’est systématiquement abordé au cours d’une consultation pour CMNCI que par 39 % des médecins généralistes.

• 92 % des médecins interrogés ont déjà refusé de délivrer un CMNCI. Les causes de ce refus sont : les anomalies retrouvées à l’examen clinique (82 %), les antécédents du patient (48 %), les sports nécessitant un agrément (55 %) et les surclassements (38 %).

-› Les avantages que les médecins attribuent à cette consultation la consultation sont : la prévention générale (81 %), la délivrance de conseils hygiéno-diététiques (63 %) (90 % des praticiens affirment donner ce type de conseils lors de ces consultations), le dépistage des risques vitaux liés au sport (61 %) et le suivi minimum d’une catégorie de patients (60 %). 42 % des médecins estiment voir dans l’année 2/3 de la population des moins de 40 ans seulement à cette occasion.

-› L’inconvénient de la consultation pour demande de CMNCI le plus souvent cité par les médecins généralistes est la faible efficacité de celle-ci dans le dépistage d’un risque vital (62,3 % des médecins). Il est vrai que l’examen clinique seul ne peut détecter que 3 à 6 % des pathologies cardiovasculaires. Toutefois, associé à la réalisation d’un électrocardiogramme, l’examen peut déceler environ 60 % de ces pathologies. De ce sentiment de faible efficacité, découle le regret de la responsabilité engagée exprimé par 60 % des médecins puisque ceux-ci ont l’impression de signer un véritable chèque en blanc.

De plus, 22 % des praticiens déplorent le transfert de responsabilité des patients, fédérations et autres associations sportives sur le médecin généraliste. Ils sont également nombreux (55 %) à déplorer les abus, c’est-à-dire les certificats pour des activités de loisir qui, parfois, ne sollicitent pas plus l’organisme que les actes de la vie courante. Ces abus sont d’autant plus néfastes qu’ils provoquent une surcharge de travail (citée par 25 % des médecins), une banalisation et un discrédit de la consultation qui devient une simple formalité administrative pour le patient, et un surcoût pour la Sécurité Sociale (citée par 31 % des médecins).

Certes, ce surcoût ne devrait pas exister puisque la consultation, qui rentre dans un cadre préventif, n’est, en théorie, pas remboursable. En pratique, 81,5 % des médecins interrogés déclarent délivrer systématiquement une feuille de soins (soit par méconnaissance, soit, le plus souvent, parce qu’ils estiment que c’est un acte important).

-› Au total, 83,2 % des médecins interrogés lors de l’enquête estiment que cette visite est utile.

CONCLUSION

Si une meilleure formation des médecins en médecine du sport paraît indispensable, des aménagements semblent nécessaires pour optimiser la consultation pour délivrance d’un CMNCI.

Tout d’abord, il serait intéressant d’élaborer une campagne d’information des médecins mais aussi de la population sur les buts et les modalités de cette consultation. On pourrait également adjoindre le règlement médical de la fédération concernée à la demande de licence en clarifiant la notion de sport à risque (il existe en effet des contradictions entre certains règlements médicaux et la liste des sports dits « à risque » établie par le Code de Santé Publique).

Par ailleurs, la mise en place d’une cotation spécifique encouragerait peut-être les praticiens à consacrer plus de temps à cette consultation. Enfin, il conviendrait de supprimer tous les certificats non obligatoires qui banalisent la consultation et de remettre les personnes face à leur propre responsabilité.


Dr Linda Sitruk (fmc@legeneraliste.fr) d’après la thèse de médecine générale du Dr Arnaud Roussel (Université de Rennes 1, 23 juin 2010).

Source : lequotidiendumedecin.fr