LA VACCINATION
Les auteurs de ce hors-série du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH 2019) rappelle avant tout qu’un grand nombre de maladies liées aux voyages peuvent être prévenues par une vaccination et que le choix des vaccins à réaliser doit être individuel, fondé sur l’évaluation des risques réels encourus par le voyageur (zone visitée, conditions de séjour, facteurs de risque individuels…). Les vaccinations doivent être anticipées avant le voyage puisque pour être correctement immunisé, un délai de 10 à 15 jours est nécessaire.
Vaccins recommandés pour tous
→ Le vaccin contre la fièvre typhoïde est recommandé pour les voyageurs devant effectuer un séjour de plus d’un mois ou dans de mauvaises conditions dans des pays où le niveau d’hygiène est faible et la maladie endémique, particulièrement dans le sous-continent indien et l’Asie du Sud-Est. Ce vaccin n’assure une protection qu’à 50 à 65 % et les mesures de précaution (lavage de mains, précautions avec l’eau et les aliments) restent essentielles.
→ La vaccination contre l’hépatite A (Havrix®, Avaxim® ou Vaqta®) est indiquée à partir de l’âge d'un an pour tous les voyageurs devant séjourner dans un pays où l’hygiène est faible, quelles que soient les conditions de séjour. Un examen sérologique préalable (recherche d’IgG) est indiqué chez les personnes ayant des antécédents d’ictère ou ayant passé leur enfance dans une zone d’endémie.
→ Depuis le premier janvier 2018, la vaccination contre l’hépatite B (Engerix® ou HBVaxpro®) est obligatoire pour les nourrissons. Chez les voyageurs non antérieurement vaccinés, cette vaccination est recommandée pour des séjours fréquents ou prolongés en pays à forte ou moyenne prévalence pour le portage chronique. Chez l’adulte, une sérologie doit être proposée avant la vaccination.
→ La vaccination contre la poliomyélite est obligatoire chez les nourrissons et un rappel est conseillé chez les personnes non à jour avant un départ à l’étranger. Certains pays exigent une vaccination à jour à l'entrée sur leur territoire.
→ Le contexte actuel d’épidémie de rougeole survenant dans quasiment tous les pays est une opportunité pour vérifier le statut vaccinal du voyageurs et de le mettre à jour si besoin (M-M-RVaxPro® ou Priorix®).
→ La vaccination par le BCG est recommandée pour les enfants séjournant fréquemment ou de manière prolongée dans les pays à forte incidence (Afrique, Asie, Proche-Orient, Moyen-Orient, Amérique Centrale, Europe Centrale et Orientale, Europe du Nord).
Les vaccins spécifiques au voyageur
→ Dengue. Depuis décembre 2018, Dengvaxia® a obtenu une AMM européenne. Est-il pour autant indiqué chez tous les voyageurs ? Non, loin de là. Il doit être réservé aux personnes vivant en zone d’endémie et ayant un antécédent prouvé de dengue, c’est à dire les personnes à risque de dengue grave. Pour tous les autres voyageurs, en raison de l’absence de données de tolérance et d’efficacité, le vaccin n’est pas recommandé.
→ Encéphalite japonaise. Ixiaro® est indiqué chez les plus de 2 ans qui effectuent un séjour avec exposition importante en milieu rural (certaines régions de la zone du Mékong, de la Chine, de l’Inde…) et chez les expatriés après avis par le médecin vaccinateur. Le schéma vaccinal comprend deux doses et un rappel, mais un schéma accéléré peut aussi être proposé (2 doses J0 et J7).
→ Encéphalite à tiques. Les personnes qui effectuent du printemps à l’automne un séjour en zone rurale ou boisée d’endémie (Europe de l’Est et du Nord en particulier) doivent être traitées par trois doses et un rappel de Ticovac® ou Encepur® à partir de 12 ans.
→ Fièvre jaune. La vaccination contre la fièvre jaune (Stamaril®) est indispensable à partir de l’âge d'un an pour un séjour en zone endémique (régions intertropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud) ou épidémique, même en l’absence d’obligation administrative. Cette vaccination est par ailleurs obligatoire pour les personnes se rendant en Guyane. Le vaccin est disponible dans des centres désignés par les ARS et en Guyane dans certains cabinets médicaux.
→ Infections invasives à méningocoque. La vaccination contre les infections invasives à méningocoque C est obligatoire pour tous les enfants nés à partir du premier janvier 2018. Pour les voyageurs, la prévention des infections invasives à meningocoque A, C, Y, W (Nimenrix®, Menveo®) est recommandée aux personnes se rendant en zone d’endémie (notamment la “ceinture de la méningite” subsaharienne). Par ailleurs, et pour obtenir un visa permettant le pèlerinage à La Mecque, cette vaccination est obligatoire.
→ Rage. La vaccination contre la rage (vaccin rabique Pasteur®, Rabipur®) est recommandée pour les voyageurs devant effectuer un séjour prolongé ou aventureux et en situation d’isolement dans des zones à haut risque (Asie, Afrique y compris l’Afrique du Nord, Amérique du Sud). Elle est recommandée en particulier chez les jeunes enfants dès qu’ils marchent. La vaccination préventive ne dispense pas d’un traitement curatif (deux injections de rappel à J0 et J3), qui doit être mis en œuvre le plus tôt possible en cas d’exposition avérée ou suspectée, mais elle simplifie le traitement et dispense du recours aux immunoglobulines qui ne sont pas toujours disponibles dans les pays en développement.
Vaccins non recommandés
En dehors de cas très particuliers (situation d’épidémie), le vaccin contre le choléra n’est pas indiqué.
LES ARTHROPODES
Le panel des pathologies en lien avec des piqûres d’arthropodes est large. Répulsifs, moustiquaire (de préférence imprégnée d’insecticides), vêtements couvrants, climatisation, insecticides…tous les moyens sont bons pour prévenir les piqûres.
Les moustiques
Ceux qui piquent plutôt la nuit peuvent transmettre le paludisme et certains arbovirus (virus du Nil occidental, encéphalites américaine et japonaise) et ceux qui piquent le jour exposent au risque d’arbovirose (dengue, chikungunya, Zika). Si les vaccins permettent d’éviter certaines maladies transmises et que les arboviroses ne sont que rarement invalidantes dans la durée, la question du risque palustre reste d’actualité.
Les autres insectes piqueurs
Les punaises de lit deviennent un véritable fléau du voyageur, et ce d’autant plus que certains en ramènent dans leurs bagages. L’utilisation de répulsifs permet en partie d’éviter les piqûres. Les lésions se présentent sous forme de maculo-papules érythémateuses et prurigineuses de 5 mm à 2 cm de diamètre avec un point hémorragique central, localisées au niveau des bras, des jambes et du cou.
À ce jour, il n’a pas été décrit de transmission de maladies infectieuses par l’intermédiaire de ces punaises. Des surinfections bactériennes, notamment par grattage avec des mains sales sont possibles, comme lors de toute dermatose prurigineuse.
Les piqûres d’autres insectes peuvent être à l’origine de pathologies spécifiques (tableau 2).
PALUDISME : ÉVALUER LE RISQUE
→ En France métropolitaine, le nombre de cas de paludisme d’importation a été estimé à 5280, stable par rapport à 2017. Dans 97,8 % d'entre eux, la contamination a eu lieu en Afrique subsaharienne ; dans 84,9 % des cas, il s’agit d’un patient d’origine africaine, résidant en France ou arrivant d’Afrique. P. falciparum est retrouvé 9 fois sur 10. Un cas de paludisme autochtone (aéro-portuaire probable) a été déclaré en métropole.
→ Le BEH distingue schématiquement deux profils de voyage qui conditionnent la chimioprophylaxie :
♦ “Conventionnel” : séjour < 1 mois, majoritairement en zone urbaine ou sur des sites touristiques classiques, +/- quelques nuitées en zone rurale mais dans des conditions d’hébergement satisfaisantes (hôtel, maison).
♦ “Non conventionnel” (routard, militaire, séjour improvisé, mission humanitaire, exploration scientifique…) : durée > 1 mois ET/OU proportion élevée de nuitées en zone rurale ET/OU en hébergement précaire ET/OU pendant la saison des pluies ou dans une région de forte transmission palustre.
→ Compte tenu de l’évolution épidémiologique du paludisme, dans la majorité des cas, pour les séjours “conventionnels” dans les zones à faible risque d’Amérique et d’Asie tropicale – majoritairement concernées par P. Vivax –, la chimioprophylaxie antipaludique (CPAP) n’est plus justifiée, et la prévention personnelle antivectorielle (PPAV) peut être la seule mesure de prévention. Quelques rares nuitées en zone rurale ne remettent pas en cause l’abstention de CPAP dans ces zones. La PPAV participe également à la prévention des arboviroses, notamment les répulsifs à base de DEET, qui doivent disposer d’une AMM.
En cas de risque élevé d’impaludation (ex : Afrique subsaharienne, Papouasie), l’association PPAV + CPAP est toujours nécessaire.
→ Attention, cependant : l’identification du pays de destination est insuffisante ; il faut aussi tenir compte de la région visitée et analyser minutieusement le trajet du voyageur qui peut être exposé par intermittence lors de son périple, même si la majorité des cas surviennent sur des séjours > 1 mois. Le risque de transmission est également plus élevé en saison des pluies et dans les 4-6 semaines qui suivent. Le paludisme ne se transmet habituellement pas au-dessus de 1 500 mètres d’altitude en Afrique et de 2 500 mètres en Amérique ou en Asie.
→ Il n’y a généralement pas de transmission du paludisme dans les grandes villes du Proche et du Moyen-Orient, du reste de l’Asie (excepté en Inde) et d’Amérique du Sud (excepté en Amazonie).
→ La prise d’un traitement antipaludique curatif, sans avis médical, pendant le séjour (dit “traitement de réserve”) doit rester l’exception et ne s’impose qu’en l’absence de possibilité de prise en charge médicale dans les 12 heures suivant l’apparition de la fièvre. Ce traitement peut être prescrit lors d’un séjour de plus d’une semaine avec déplacements en zones très isolées ou en cas de voyages fréquents et répétés (personnel navigant, expatriation). Il nécessite la réalisation préalable d'un ECG en raison d'un risque d’allongement du QT avec certains des médicaments.
→ En traitement de réserve, il faut utiliser préférentiellement une molécule différente de celle utilisée en chimioprophylaxie. Les combinaisons à base de dérivés de l’artémisinine (CTA) (arténimol-pipéraquine, artéméther-luméfantrine), plus efficaces, doivent être privilégiées. L’atovaquone-proguanil est une alternative aux CTA en cas d’indisponibilité, d’intolérance ou de contre-indication.
→ En cas de voyage avec un enfant, une consultation médicale dans un délai maximal de 12 heures devrait toujours être possible, car l’évolution vers un accès grave est imprévisible chez l’enfant. La prescription d’un traitement de réserve en pédiatrie doit donc être exceptionnelle et bien pesée.
→ Enfin, même lorsqu’elle est optimale, l’observance ne garantit jamais une protection absolue : toute fièvre au retour des tropiques doit être considérée comme pouvant être d’origine palustre et prise en charge en urgence. Environ 3 % des paludismes à P. Falciparum sont encore observés plus de deux mois après le retour.
LA DIARRHÉE
Fréquente chez les voyageurs, son taux d’attaque peut dépasser 50 % pour un séjour de trois semaines. Ce péril fécal est plus souvent lié aux aliments solides qu'à l’eau.
Il s’agit le plus souvent d’une turista, épisode aigu bénin, spontanément résolutif en un à trois jours. Mais il peut s’agir aussi de formes cliniques plus sévères, requérant une prise en charge adaptée.
Une consultation médicale est recommandée dans les formes aiguës, moyennes, sévères et persistantes, et systématiquement chez l’enfant de moins de deux ans. Dans tous les cas, les mesures pour éviter ou corriger la déshydratation sont primordiales. Il est important de boire ou faire boire abondamment, dès les premières selles. Un anti-diarrhéique anti-sécrétoire (racécadotril) peut atténuer les signes cliniques, mais les anti-diarrhéiques moteurs (lopéramide), sont déconseillés (risque de constipation) et les pansements digestifs et les probiotiques n'ont pas prouvé leur efficacité.
Antibiotique en cas de diarrhée sévère
En cas de diarrhée sévère, une antibiothérapie probabiliste peut être prescrite en prenant en compte le risque élevé de portage de BMR (72 % pour les séjours en Asie). Chez l’adulte et l’enfant, le traitement de première intention des diarrhées sévères survenant pendant le voyage ou au retour est l’azithromycine (20 mg/kg/j chez l’enfant et 4 cp à 250 mg chez l’adulte en une prise), compte tenu de la prévalence de la résistance aux fluoroquinolones dans le monde. Les fluoroquinolones peuvent néanmoins être prescrites en cas de voyage en Afrique ou Amérique du Sud (ciprofloxacine per os 10 mg/kg 2 fois par jour chez l’enfant et 2 cp à 500 mg par jour pendant 3 jours).
LE RETOUR ET LE RISQUE DE PATHOGÈNES ÉPIDÉMIQUES
L’intensité des voyages internationaux rend possible l’importation sur le territoire français, métropolitain et ultramarin de maladies infectieuses qui en sont normalement absentes.
Repérer les situations à risques
→ Les infections à BMR (bactéries multi-résistantes). Tout patient rapatrié sanitaire direct ou ayant été hospitalisé au moins 24 h à l’étranger dans l’année précédente, quel que soit le motif.
→ Les fièvres hémorragiques virales. Il s’agit des infections en lien avec des virus de classe 4 appartenant aux familles Arenaviridae (Lassa), Filoviridae (Ebola et Marburg), Nairoviridae (fièvre hémorragique de Crimée-Congo – CCHF).
Évoquer ce diagnostic devant un tableau clinique associant dans les 21 jours d'un passage en zone à risque ou épidémique : fièvre > 38,5 °C, asthénie sévère, odynophagies, diarrhée, vomissements, signes hémorragiques ainsi que des expositions spécifiques : contact avec un malade, séjour dans un établissement de soins d’une zone à risque, contact avec une personne décédée (rites et soins funéraires), contact avec des animaux sauvages (chauves-souris, singes – Ebola), manipulation de viande de brousse dans une zone à risque, rapport sexuel (avec une personne malade, convalescente ou guérie – Ebola), séjour en milieu rural ou en zone infestée de rongeurs (Lassa).
→ Grippes aviaires. Actuellement les principaux virus à risque sont le A(H5N1) et le A(H7N9) qui sévissent majoritairement en Chine, en Asie du sud-est et en Egypte.
→ Infection à MERS-Coronavirus (majoritairement le Moyen-Orient – péninsule arabique). Est considéré comme suspect un patient présentant des signes respiratoires au retour d’un pays à risque dans les 14 jours précédant le début des signes cliniques. Parmi les expositions spécifiques, rechercher un séjour dans un hôpital, la consommation de lait ou de viande de dromadaire, et plus largement tout contact avec un dromadaire ou son urine.
Comment signaler en cas de risque épidémique
Les pathologies de retour susceptibles de se diffuser en France doivent faire l’objet d’un signalement rapide aux Agences régionales de santé (ARS). Chaque ARS dispose d’une ligne téléphonique et de télécopie dédiée ainsi que d’une adresse courriel (http://www.ars.sante.fr/portail.0.html).
Bibliographie
1- Recommandations sanitaires pour les voyageurs à l’attention des professionnels de santé, Hors-série 21 mai 2019 BEH 2019
Consultable sur invs.santepubliquefrance.fr
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
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Cas clinique
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