Yvette, 71 ans, vient nous voir pour que nous l’orientions vers un cancérologue. Elle présente depuis 3 mois une lésion suspecte d’un des bords de sa langue. Cette formation est apparue au décours d’une gingivite importante. Yvette nous explique avoir une sensation de brûlure à ce niveau, surtout lorsqu’elle avale des aliments épicés ou acides. L’examen de la cavité buccale de cette patiente objective la présence d’une plage dépapillée du bord gauche de sa langue (cliché 1). Cette lésion est limitée, et il semble exister un liseré blanc légèrement surélevé sur l’extrémité antérieure de cette lésion. Cet aspect est pathognomonique d’une glossite exfoliatrice marginée ou langue géographique.
LA GLOSSITE EXFOLIATRICE MARGINÉE (GE) OU LANGUE GÉOGRAPHIQUE.
Cette pathologie est connue sous de nombreuses dénominations : langue géographique, glossite exfoliatrice marginée, exfoliato areata linguae, annulus migrans, glossite migratoire bénigne.
En fait, il s’agit d’une lésion inflammatoire bénigne rencontrée le plus souvent sur les faces dorsales ou latérales de la langue. La prévalence de la GE est importante (entre 1 et 3 % de la population). On la rencontre chez les patients quel que soit leur âge. Cependant, dans 50 % des cas, on retrouve la GE chez les patients de moins de 5 ans. Une association avec une langue plicaturée est objectivée chez 30 % des patients.
ORIGINE DE LA GE
L’étiologie de cette affection reste inconnue. De multiples facteurs sont associés à son développement : le stress, les infections de voisinage (infections bucco-dentaires notamment, mais aussi des voies aériennes supérieures).
Deux pathologies sont fréquemment associées à la GE :
– le psoriasis. La prévalence de l’association entre psoriasis et GE est évaluée entre 10 et 20 %. Certains auteurs expliquent que cette association serait un indicateur de sévérité du psoriasis ;
– la trisomie 21.
Des facteurs génétiques et familiaux sont souvent décrits, mais aucune certitude quant à leur participation dans la genèse de cette pathologie n’a été établie
ASPECT CLINIQUE
Au départ, la lésion élémentaire apparaît comme une macule de couleur blanche ou jaune de moins d’un cm de diamètre. Progressivement, elle s’agrandit et la lésion de base prend la forme d’un anneau dont le centre devient rouge ou rose foncé du fait d’une disparition des papilles. Les bords de cette formation prennent un aspect blanc jaune, discrètement saillant. Il est possible de noter un second anneau érythémateux.
Progressivement cet anneau de couleur blanche (lorsqu’il a atteint une certaine taille) se brise, et seul un arc de cercle subsiste.
Pour finir, au centre peut apparaître, concomitamment à la disparition des anneaux bordant la lésion, des papilles filiformes plus jeunes de couleur rosée.
Plusieurs éléments d’âge et de taille différents peuvent coexister sur la langue du patient.
Le caractère migrateur des lésions est pathognomonique de la GE.
Des variantes cliniques peuvent exister : formes partielles, unilatérales, formes réduites à une seule lésion.
Des localisations non linguales peuvent être observées : lèvres, plancher lingual, vestibule, joues, gencives (dans ce cas, la lésion prend un aspect d’anneaux blancs sur la muqueuse des lèvres avec une bordure érythémateuse interne). Cependant ces localisations restent rares.
Souvent la GE est ignorée par les patients qui la découvrent grâce à l’entourage.
Néanmoins, il peut exister (comme pour notre patiente), une sensibilité accrue aux aliments acides ou épicés.
DIAGNOSTIC
Le plus souvent, les caractères cliniques suffisent pour poser le diagnostic. Néanmoins si nous réalisons une biopsie, la GE se caractérise histologiquement par :
– une acanthose avec papillomatose d’aspect psoriasiforme de l’épithélium?;
– un infiltrat inflammatoire chronique?;
– un capillaire vertical dilaté dans l’axe de chaque
papille?;
– une exostose des polynucléaires avec pustule multiloculaire au niveau de la bordure de couleur blanche ?;
– une exfoliation de la pustule multiloculaire qui favorise un amincissement de l’épithélium et provoque une inflammation sous-jacente, est observée au niveau de la zone du deuxième anneau érythémateux.
TRAITEMENT
À titre préventif, il faut conseiller au patient d’éviter les aliments trop épicés, ou acides.
Le traitement curatif reste symptomatique, et il est possible de recourir :
– aux bains de bouche qui associent des antiseptiques, anesthésiques, ou acide acétylsalicylique?;
– aux topiques anesthésiques (notamment la xylocaïne) si le patient présente des sensations de brûlure ;
– aux dérivés de vitamine A (Locacid® 1 %) en application locale (grâce notamment à un coton-tige).
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