L'OBSERVATION
Un homme de 59 ans est hospitalisé en rhumatologie via les urgences pour lombalgie aiguë avec confusion. Le patient présentait depuis un mois une altération de l'état général avec anorexie, amaigrissement de 10 kg et des lombalgies qui se sont nettement aggravées la veille de l'admission. Le bilan biologique des urgences donnait les résultats suivants : HB 8,4 g/100 ml, créatinine 239 micromoles/l, Protéine C-réactive 185 mg/l, calcémie 3.7 mmoles/l, protides sanguins totaux 97 g/l. Le scanner obtenu dès l'entrée, a objectivé d'emblée de multiples lésions lytiques des corps vertébraux du rachis lombaire (Figures 1a et 1b).
EN QUOI EST-CE URGENT ?
Le tableau décrit correspond à une hypercalcémie aiguë associée à des lésions osseuses diffuses probablement néoplasiques. L'hypercalcémie, lorsqu'elle s'accompagne de manifestations cliniques (et dans ce cas elle est le plus souvent majeure et d'évolution aiguë) est une urgence médicale absolue. Parfois, les signes cliniques d'hypercalcémie sont au second plan, masqués par la maladie causale (souvent douloureuse) mais c'est bien l'hypercalcémie qui est la véritable urgence. Le tableau clinique associe des signes de déshydratation extracellulaire aiguë avec décompensation rénale et troubles hydroélectrolytiques, pouvant conduire à des troubles du rythme et de la conduction cardiaque.
RAPPEL CLINICO-BIOLOGIQUE
> Le tableau clinique de l'hypercalcémie est parfois trompeur et associe à des degrés variables :
- troubles digestifs : anorexie, nausées, vomissements, douleurs abdominales ;
- troubles neuropsychiatriques : asthénie, confusion, agitation, somnolence pouvant aller jusqu'au coma ;
- troubles néphro-urologiques : syndrome polyuropolydipsique, déshydratation, insuffisance rénale ;
- troubles cardiovasculaires : troubles du rythme et de la conduction cardiaque, hypertension artérielle.
Dans les formes sévères, la calcémie dépasse les 3,5 mmoles/l et s'accompagne d'une alcalose métabolique hyperchlorémique, d'une hypokaliémie et d'une décompensation rénale. Il faut toujours mesurer la calcémie corrigée en utilisant la formule suivante : Cac = Camesurée - 0,025 (A - 40). À étant l'albumine mesurée en grammes par litre.
PRINCIPES DU TRAITEMENT D'URGENCE
Une hospitalisation est indispensable pour traitement et surveillance.
Penser à arrêter tout ce qui peut potentialiser les conséquences de l'hypercalcémie : digitaliques, traitements vitamino-calciques, tous les traitements hypokaliémiants (diurétiques en particulier).
Mise en place d'une voie veineuse de bonne qualité permettant la perfusion de volumes importants de sérum salé isotonique en surveillant la diurèse et le poids du patient.
Perfusion d'un bisphosphonate. En règle, dans les pathologies néoplasiques, on utilise le zolédronate (Zometa® 4 mg) à adapter à la fonction rénale et à la calcémie.
Correction et surveillance des troubles hydroélectrolytiques.
Monitoring cardiaque.
BILAN APRES L'URGENCE
> L'hypercalcémie aiguë est souvent satellite d'une affection néoplasique dont elle émaille l'évolution et dont elle peut aussi permettre la révélation.
Les deux grandes étiologies malignes sont les métastases osseuses des cancers viscéraux et le myélome (cas clinique exposé).
Le diagnostic de myélome est réalisé par l'electrophorèse des protéines (avec immunofixation confirmant le caractère monoclonal du pic) et par l'analyse du myélogramme qui montre un infiltrat plus ou moins important de plasmocytes atypiques.
S'il ne s'agit pas d'un myélome, il faut évoquer des métastases osseuses et rechercher les néoplasies ostéophiles (rein, sein, prostate, thyroïde, poumon).
Une affection maligne peut aussi être responsable d'une hypercalcémie, sans qu'il y ait de localisation osseuse, par le biais de la secrétion par la tumeur d'un peptide PTH-like, dans le cadre d'un syndrome paranéoplasique.
Parfois, il s'agit d'une affection bénigne comme une hyperparathyroïdie primitive. L'hypophosphorémie permet d'évoquer le diagnostic qui est confirmé par le dosage de la parathormone.
> L'hypercalcémie, définie par une calcémie corrigée supérieure à 2,6 mmoles/l est une urgence médicale, surtout si elle est importante et survient rapidement.
Le pronostic vital est dès lors engagé et des mesures thérapeutiques et de surveillance doivent être mises en place sans attendre (réhydratation, bisphosphonates injectables, monitoring cardiaque.
Les atteintes osseuses des affections néoplasiques comme les métastases des cancers viscéraux et le myélome sont les étiologies les plus fréquentes.
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