Oncologie

UNE PNEUMOPATHIE RADIQUE

Publié le 16/03/2018
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La radiothérapie effectuée dans le cadre d’une néoplasie mammaire peut induire des complications pulmonaires précoces (pneumopathies aiguës radiques), et tardives (fibrose pulmonaire et BOOP). Son identification précoce aide à mieux appréhender et traiter ces manifestations.

Mireille, 54 ans, consulte car elle présente depuis 48 heures un train fébrile, une dyspnée lorsqu’elle monte les escaliers de son appartement. Elle ressent une douleur hémi-thoracique gauche. 

Mireille a été prise en charge 6 mois auparavant par une équipe oncologique pour un carcinome canalaire infiltrant du sein gauche. Au terme d’une réunion de concertation pluridisciplinaire, la patiente a été traitée par chirurgie et radiothérapie de 50 Gy en 25 fractions durant 5 semaines. Au jour de la consultation, la radiothérapie s'est achevée 5 semaines plus tôt. Une tomodensitométrie thoracique montre un aspect en verre dépoli au niveau du lobe inférieur gauche (cliché 1 flèche rouge). Cette anomalie radiologique correspond à une séquelle post-radique. 

La toxicité pulmonaire secondaire à la radiothérapie est classiquement décrite au décours d’une radiothérapie étendue dans le cas par exemple de lymphomes hodgkiniens ou de cancers broncho-pulmonaires. Cependant, on l’observe aussi - mais plus rarement - chez les patientes traitées dans le cadre d’une néoplasie mammaire. Ces complications ont été décrites la première fois en 1980. Leur incidence est comprise entre 0 et 29 % suivant les études.

► L’importance de ces manifestations est fonction du champ irradié, de la trajectoire des rayons (faisceaux tangentiels), mais aussi du volume ganglionnaire irradié. D’autres facteurs entrent en jeu : âge, antécédents de pathologies pulmonaires, certaines chimiothérapies pouvant majorer les effets de la radiothérapie, corticothérapie diminuant les réactions inflammatoires. 

ANATOMOPATHOLOGIE DU POUMON RADIQUE

Trois phases sont classiquement décrites :

- La phase exsudative moins de 30 jours après la radiothérapie. On observe une hyperplasie cellulaire, et un œdème des septas interalvéolaires.

- La phase de pneumonie qui survient entre 1 à 3 mois après la radiothérapie. Il existe une destruction alvéolaire avec desquamation des pneumocytes et des macrophages. Ces phénomènes favorisent un comblement de la lumière alvéolaire.

- La phase chronique. Elle survient au-delà de 3 mois après la radiothérapie, et se caractérise par un épaississement de la paroi des alvéoles pulmonaires.

LES MANIFESTATIONS CLINIQUES

On distingue classiquement des réactions précoces et tardives

 Les complications précoces débutent entre le 1er et 3e mois après la radiothérapie : ce sont les pneumopathies aiguës radiques

Cliniquement, on peut objectiver une toux sèche, une fièvre peu élevée, une dyspnée.

Cependant il est fréquent que cette phase reste asymptomatique.

► Les manifestations radiologiques se caractérisent par :

- Des opacités en verre dépoli (objectivé sur scanner pulmonaire) avec un syndrome de condensation au niveau du lobe irradié.

- Un aspect nodulaire et des condensations focales du lobe irradié. On peut également objectiver un épanchement pleural ainsi qu’une atélectasie.

► Le traitement repose sur l’abstention thérapeutique. La corticothérapie peut cependant avoir une efficacité sur la symptomatologie présentée.

► Les complications tardives sont observées entre le 3e et 6e mois après la radiothérapie.

= Il s’agit classiquement d’une fibrose pulmonaire qui fait suite le plus souvent à une pneumopathie aiguë radique symptomatique. Plus la pneumopathie radique aiguë est importante, plus la fibrose est grave (gravité majorée par l’âge).

Signe le plus fréquent, la dyspnée peut indiquer une insuffisance respiratoire sévère (surtout si elle se manifeste au moindre effort). Cette phase tardive peut aussi être peu symptomatique, ou les manifestations cliniques peuvent régresser sans donner de séquelles.

Les manifestations radiologiques se caractérisent par :

- Une réduction du volume pulmonaire

- Une fibrose cicatricielle avec des images linéaires ne rehaussant pas les septas, et parfois triangulaires

- Un syndrome de condensation et de bronchiolectasie

- Un épaississement pleural

Le traitement repose sur l’oxygénothérapie. La corticothérapie n’a aucun impact sur la fibrose.

= Cas particulier de la bronchiolite proliférante post-radique ou BOOP (bronchiolitis obliterans organizing pneumonia), peu fréquente : 2,5 % de cas de toxicité suite à une radiothérapie. On l’observe le plus  souvent au décours d’une radiothérapie effectuée dans le cadre d’une néoplasie mammaire (les plus fréquemment 1 an après la radiothérapie). Cliniquement, cette manifestation peut être asymptomatique, même si on peut observer une altération de l’état général (fébricule, perte de poids, asthénie). La radio dévoile un syndrome alvéolaire sous-pleural (atteinte bilatérale) est objectivé sur une zone non irradiée, en raison d’un caractère migrateur.

Le traitement repose sur la corticothérapie à de fortes doses (entre 1 à 2 mg/kg/j). De cette manière il est possible de voir une régression rapide de cette BOOP. 

CONCLUSION

Il est important pour le médecin généraliste de connaître les conséquences pulmonaires de la radiothérapie, pierre angulaire du traitement cancer du sein, le plus fréquent chez la femme (près de 60 000 cas en 2017). Le généraliste en assure le « service après-vente ». Il doit repérer les complications précoces et tardives. Préoccupation majeure, les effets délétères de la radiothérapie incitent les oncologues à développer le traitement fractionné, qui permet de les réduire.

Bibliographie

1- Cutuli B, De Lafontan B, Lemanski C. Effets secondaires des traitements locorégionaux. 32e journée de la SFSPM, Strasbourg 2010. http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/38737/SFSPM_201…

2- Agrawal S. Late effects of cancer treatment in breast cancer survivors. South Asian Journal of Cancer 2014 ; 3 (2) : 112-115.

3- Lind PA, Marks LB, Hardenbergh PH, et al. Technical factors associated with radiation pneumonitis after local +/- regional radiation therapy for breast cancer. International Journal of radiation Oncology- Biology- Physics 2002 ; 52 : 137-143.

4- Marsiglia H. Complications de la radiothérapie du sein. La lettre du Sénologue 2009 ; 44 : 14-16.

5- Le cancer du sein. http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Les-chiffres-du-cancer-e…. Cancer du sein. http://invs.santepubliquefrance.fr.

6- Frances Pierre. Radiothérapie : à quels types d’effets secondaires extracutanés doit s’attendre le médecin généraliste ? Poster au 12e Congrès de Médecine Générale 2018. 

 

Dr Pierre Frances (1 rue Saint-Jean-Baptiste 66650 Banyuls-sur-Mer), A. Ramos Fernandez (Interne en médecine générale. Programme Hippokrates. Madrid. Espagne), Caroline Chan Sun (interne en médecine générale 34000 Montpellier), Elena Gregori Ser

Source : lequotidiendumedecin.fr