Le généraliste est et sera de plus en plus confronté à l'évocation par le patient d'informations de santé collectées sur Internet. Quel est son ressenti face à cette évocations durant la consultation et quels en sont les éléments influençant positivement ou négativement la relation médecin-malade ? Tel est l'objet de l'étude menée par les Drs Pascal Audier et Anne Faric (département de Médecine Générale de Poitiers) et présentée au 8e Congrès de la Médecine Générale (3-5 avril 2014, Paris). Une étude qui montre une responsabilisation du patient, une amélioration de la communication médecins-@patients et parfois un frein à la qualité de la relation médecins-patients.
MÉTHODE
Cette étude qualitative par entretiens individuels semi-directifs a été menée auprès de 13 médecins généralistes charentais, représentatifs de la profession (sexe, âge, lieu d'exercice, enseignant ou non) selon la méthode d'entretiens individuels semi-directifs à partir d'un canevas pré-établi ouvert jusqu'à saturation des données. Les informations ont été recueillies sur le lieu d'exercice des médecins interrogés. Les discours ont été retranscrits puis analysés avec NVivo9 après triangulation.
RÉSULTATS
› Ressentis positifs du médecin sur la relation médecin-@patient par le médecin.
- Meilleure communication par une écoute (active) prenant en compte les informations verbalisées mais aussi le non verbal (9/6).
- Meilleure communication par la nécessité de commentaires et d’explications (si adaptés) suscités par la situation d’échange autour des informations (23/12).
- Partage du savoir rendant la négociation plus facile (15/9).
- Responsabilisation du patient lui permettant une meilleure adhésion et observance (9/7).
- Incitation à une autoformation réflexive du médecin permettant aussi une réflexion sur son propre savoir (10/7).
› Ressentis négatifs du médecin sur la relation médecin-@patient par le médecin.
- Augmentation du temps de consultation souvent inutile notamment en justifications (9/7).
- Informations recueillies (et leurs sources) souvent peu pertinentes et mal adaptées surtout quand elles proviennent de forums (13/8).
- Représentation du patient par rapport aux informations recueillies (13/8).
- Anxiété supplémentaire générée par les informations qui se rajoute à l’anxiété à l’origine de la recherche (13/8).
- Nécessité de commenter, d’expliquer et souvent de justifier ses dires et de convaincre (18/8).
- Prescriptions induites d’examens complémentaires et/ou de traitements (surenchère de prescriptions) (7/5).
- Perte de la confiance du patient, remise en cause du savoir médecin par le « savoir » d'internet (10/8).
CONCLUSIONS
› Le ressenti des médecins, face à des patients qui ont cherché des informations sur Internet concernant leur santé, dépend beaucoup de la manière dont ils se positionnent par rapport à eux et à leur propre savoir. Accueillir ces informations comme un témoignage de la prise de responsabilité des patients face à leur pathologie est un moyen de favoriser l'échange et le dialogue avec eux.
› Les explications délivrés par le médecin autour de ces informations doivent veiller à surveiller le fond (informations conformes aux données de la science médicale) mais aussi la forme (ressenti de remise en cause du savoir du médecin). Les interprétations du patient pourront être recadrées en fonction du contexte de la demande en posant des questions sur ce contexte et en veillant à ne pas le disqualifier.
› Enfin, l'anxiété et les craintes générées par la situation et surtout ces informations devront être prises en compte.
› Cette nouvelle donnée doit être intégrée à la consultation en la gérant d'une nouvelle manière : écouter et recadrer rapidement les informations tout en prenant en charge les craintes du patient et faire valoir son savoir et son expérience est un moyen de rendre utile ce temps de consultation et de donner un avis professionnel dont le patient ne peut pas ne pas tenir compte.
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