Du soutien aux patients à la placardisation d'un médecin

Le combat du Pr Christian Marescaux porté à l'écran

Publié le 04/03/2019
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Crédit photo : capture d'écran you tube

Le deuxième épisode de la série de films « Hôpitaux en détresse : patients en danger » a pour fil rouge le Pr Christian Marescaux, un neurologue du CHU de Strasbourg, responsable de l’Unité Neuro-vasculaire. En tant que médecin hospitalier, il a choisi de proposer aux familles confrontées à des dysfonctionnements médicaux une écoute et une possibilité de mieux comprendre ce qui était arrivé à leurs proches.

Mais le Pr Marescaux a payé très cher son rôle auprès des familles. Après sept années de lutte, il a été « mis au placard » pour avoir dénoncé une série d’ « erreurs » et de « dérapages ». Pourtant, il pensait que c’était son devoir de médecin de porter à la connaissance de l’administration ces dysfonctionnements. Dans le livre « Hôpitaux en détresse, patients en danger » co-écrit en 2018 avec le Pr Philippe Halimi il expliquait : « A quoi sert l’hôpital s’il oublie sa mission première ? Je n’ai pas pu taire les conséquences dramatiques des dérives de l’administration hospitalière. Je ne suis pas capable de courber le dos face à l’omerta ».

Pour le Pr Marescaux, « l’hôpital était toute ma vie ». Pourtant, à la suite de ses différents messages d’alerte il a été convoqué en commission de conciliation au Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins, mis en face de « documents falsifiés », selon lui et il s’est senti à la merci de personnes « qui se sentaient intouchables et savaient qu’elles le resteraient ». L’hôpital l’a aussi assigné en diffamation à plusieurs reprises sans pour autant être suivis par les juges.

« J’ai appris que j’avais été mis à la retraite par les portiers de l’hôpital lorsque ma carte n’a plus permis de pénétrer dans les locaux le 1er septembre 2016. J’ai tenté de trouver un moyen de continuer à suivre certains de mes patients. Je pensais arriver à trouver un compromis avec l’hôpital, mais cela n’a pas été possible », continue le Pr Marescaux.

Services d’urgences sacrifiés

Caroline Chaumet et Bernard Nicolas ont choisi de donner la parole aux familles strasbourgeoises qui ont trouvé un soutien auprès du Pr Marescaux. Leur dernier film replace dans le contexte médical les cas dramatiques « qui, bien sûr, peuvent survenir dans tous les établissements », mais qui, à Strasbourg, n’ont pas été reconnus par l’administration comme des erreurs. Pour le Pr Marescaux « plus encore que de ne pas reconnaître les erreurs, les hôpitaux Universitaires de Strasbourg ont modifié l’histoire médicale des patients afin de les mettre en cause ou de mettre en cause leur famille ».

Ce film n’est pas un réquisitoire contre les hôpitaux Universitaires de Strasbourg qui apparaissent plutôt comme l’illustration d’un dysfonctionnement plus global du système de santé français, à la fois pour les patients et pour les médecins. Comme le précise le sociologue Frédéric Pierru, « les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ont, comme tous les hôpitaux, sacrifié leur service d’urgences sur l’autel de la rentabilité. Aujourd’hui, sur tout le territoire, les urgences sont le point de fixation de tous les problèmes du système de santé français ». Dans le film, le Pr Marescaux est le témoin de la désorganisation de certains services, de l’inertie des directions qui se sont succédé et du camouflage systématique des erreurs commises par les soignants au détriment des patients.

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin: 9729