Inauguré le même jour que le Festival de Cannes, le salon Santexpo, grand messe annuelle du monde hospitalier, ne dégageait pas tout à fait, cette semaine, la même euphorie que la Croisette.
La crise du Covid « nous aura laissés groggy et ses vagues successives que l’on subit depuis deux ans auront, chacune d’entre elles, affaibli un peu plus la digue hospitalière » a déclaré, dans un discours d'ouverture plus grave qu'à l'accoutumée, Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), organisatrice de l'événement.
Conférence des parties prenantes, bon signal
En l'absence de ministre de la Santé, qui n'était pas encore nommé mardi, mais devant un parterre de ceux qui comptent dans le monde hospitalier (la Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, Martin Hirsch, directeur général de l'AP-HP, l'ancien ministre Claude Evin ou encore Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée…), le maire de Fontainebleau s'est d'abord réjoui de l'annonce par le chef de l'État d'une « conférence des parties prenantes sur l'accès aux soins », avant le début de l'été, comme l'a suggéré la FHF depuis des mois. Mais il a surtout multiplié les alertes et revendications à l'adresse du nouveau gouvernement, autant de signes du malaise du secteur.
Tous les signaux sont au rouge à l'hôpital et l'été s'annonce particulièrement tendu. « Des lits sont fermés dans plus de trois quarts des établissements, y compris médico-sociaux, a cadré le président de la FHF. Beaucoup de blocs tournent au ralenti et on note dans toutes les régions des fermetures services d’urgence ou SMUR, souvent temporaires mais nombreuses ».
En cause, des difficultés en termes de ressources humaines sur tout le territoire. « La plupart des établissements publics font face à une situation critique en matière d’effectifs soignants ou médicaux, décrit Frédéric Valletoux. Le taux d’absentéisme est plus élevé qu’avant la crise, les difficultés à recruter sont fortes, l’intérim et ses dérives battent leur plein, et des tensions majeures existent sur les spécialités médicales assujetties aux gardes et astreintes ». Un rebond de l'épidémie de Covid, « même si le gros est passé » grâce à la vaccination, ne peut jamais être exclu. Et la vague de chaleur des derniers jours a rappelé que « les épisodes caniculaires comme celui de 2019 vont devenir plus fréquents ».
Le spectre de l'inflation
Sur le plan budgétaire, c'est le retour de l'inflation qui inquiète. La FHF a évalué que la hausse des prix pourrait engendrer un surcoût d'au moins 700 millions d'euros pour les hôpitaux publics par rapport aux projections et elle réclame déjà un ré-abondement de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) en conséquence.
Par ailleurs, si les revalorisations du Ségur « ont constitué une première réponse en termes de rémunérations », ce n'est pas un solde de tout compte. « Les sujétions, c’est-à-dire les gardes et astreintes, sont sous-payées, sous valorisées », souligne Frédéric Valletoux. « C’est un défaut majeur, qu’il faut corriger d’urgence », notamment par la hausse des indemnités de nuit et de week-end et le doublement de la rémunération des heures supplémentaires et du forfait de temps de travail additionnel.
Au-delà de la question de l'attractivité, c'est tout le système de la permanence des soins en ville et en établissement qui est à revoir, martèle le président de la FHF qui revient à la charge. « Nous devons avoir un pilotage fort des ARS, seules en capacité d’assurer un équilibre dans la mobilisation des secteurs public et privé, entre la médecine de ville et l’hôpital, sur le plan des déprogrammations ou des départs en congés par exemple », invite le président de la FHF. En clair, les permanences de soins ambulatoire (PDS-A) et en établissement (PDS-E) doivent être organisées conjointement. Et surtout, « compte tenu de la situation », une « obligation de participation de tous les praticiens devrait être décidée en urgence ». Seuls l'âge ou l'état de santé devraient permettre d'y déroger, à l'heure où six généralistes sur dix « ne participent absolument pas aux gardes ».
Tensions inutiles
S'il anticipe les réactions négatives des libéraux à cette nouvelle exhortation, Frédéric Valletoux n'est pas complètement isolé. « Pour organiser la permanence des soins au niveau du territoire, il faut pouvoir mobiliser tous les acteurs, abonde auprès du « Quotidien » Claude Evin, son prédécesseur. Dans certaines régions, les hospitaliers peuvent suffire, dans d'autres tous les acteurs doivent y contribuer. La question du service rendu à la population doit être une exigence des professionnels du soin, c'est intrinsèquement lié à l'activité médicale. Je veux bien que ce soit compliqué, mais, à ce moment-là, il faut changer de profession ! »
Versant cliniques, Lamine Gharbi, président de la FHP, considère également la PDS-A comme une « difficulté » mais temporise. « Il faut que le partenariat avec les médecins libéraux soit fort pour proposer des solutions, explique-t-il au « Quotidien ». Nous opposer les uns aux autres ne sert à rien, si ce n'est créer des tensions inutiles sur le territoire. » L'été sera un révélateur. Ca passe ou ça casse, anticipent les hospitaliers.
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