LE QUOTIDIEN : Vous venez d’être élu à la tête de la CME du CHU de Brest en compagnie de quatre vice-présidents. Pourquoi avoir mis en place un fonctionnement aussi inédit et collégial ?
Pr PIERRE-YVES Salaün : L’idée est venue du conseil pris auprès d’autres présidents de CME. Ils m’ont recommandé de créer une équipe pour ne pas partir bille en tête sur un projet ficelé mais nous imprégner de notre communauté médicale. C’était donc dès le départ un choix existentiel d’aimer travailler en groupe plutôt qu’en solitaire. Cela nous a aussi donné des opportunités. Nos compétences sont très différentes mais complémentaires. Alors que nous avons une formation initiale quasiment identique, nos référentiels métiers et nos parcours de vie sont très variés. Nous n’avons pas interagi pareillement au niveau des territoires et de nos carrières.
“Je ne veux pas être coincé dans un cul-de-sac de compétences dans quatre ans
Mais surtout nous voulions maintenir un pied dans la clinique afin de rester crédibles par rapport aux médecins du CHU ! Car le danger était d’être emporté dans des fonctions managériales et organisationnelles. Dans quatre ans, à la fin de mon mandat, j’aurai 54 ans. Je ne veux pas être coincé dans un cul-de-sac de compétences. J’ai aussi choisi de faire médecine parce que j’aime mon métier. Je ne l’ai pas choisi pour être président de CME ! Le fait d’être plus nombreux à la tête de la CME pour ne pas s’exclure du soin permet de se répartir ces tâches de manière cohérente et concertée. La gageure de notre réussite est d’arriver à se coordonner pour être une seule voix pour cinq personnes.
Alors que votre prédécesseur avait totalement arrêté la chirurgie afin d’assumer sa fonction à la tête de la CME, comment allez-vous vous organiser ?
Je suis parti sur un 60 % CME et 40 % clinique, ce qui devrait me permettre de garder une compétence au lit du malade. La Dr Françoise Duquesne, gériatre et cheffe du pôle Personnes âgées, réadaptation et médecine, gère aussi SMR, Ehpad, deux services MCO de Carhaix… Elle gère 900 lits, garde un pied aux urgences et continue dans sa mission polaire des missions cliniques en fonction de l’absentéisme des médecins. Difficile pour elle de donner un taux précis de son temps de travail pour la CME !
Les trois autres collègues seront plutôt à 40 % pour la CME. Ce qui fait notre force, c’est notre complémentarité. Par exemple, je peux intégrer des réunions dans ma journée de clinique. Ce que je ne fais pas le matin, je peux le faire plus tard, comme interpréter mes scans et mes scintigraphies. J’ai une certaine liberté qu’un opérateur au bloc opératoire ne peut pas avoir. Je peux avoir davantage de souplesse par exemple que le Pr Jérémie Théreaux, chef de service de chirurgie viscérale, qui a des impacts en matière d’urgences, de reprise de chirurgie ou de créneaux opératoires et donc pas la même disponibilité.
Comment avez-vous composé votre équipe de cinq pour constituer ce management médical collégial ?
Nous avons constitué un groupe de cinq personnes différentes dans leurs missions et leurs fonctions mais cohérentes dans leurs objectifs et leurs envies, tout en nous répartissant les tâches. Nous ne sommes pas tous des amis mais nous nous connaissons depuis longtemps, avec des valeurs communes. Quand nous avons constitué ce quintette, nous avons pensé aux fonctions, aux âges, aux sexes, au fait d’être PH et PU. C’était une double gageure. Il faut que nos collègues se retrouvent en nous dans leurs statuts, leurs générations, leurs mode de vie.
Pour l’attractivité, ne pas prendre en compte l’effet générationnel serait par exemple illusoire : les médecins qui ont une soixantaine d’années n’ont pas le même mode de compréhension d’exercice que les personnes de 30 ans. C’est sans jugement de valeur mais c’est indéniable : les rapports au travail ont évolué et les différentes générations n’ont pas les mêmes valeurs et pas non plus les mêmes avantages. C’est pourquoi nous avons une personne qui a la soixantaine, deux la cinquantaine et deux la quarantaine.
Côté spécialités, nous avons des expertises très complémentaires avec une gériatre, une anesthésiste, le chef du service de gastro-entérologie, avec une activité d’endoscopie importante, et le chef du service de chirurgie digestive et viscérale. Nous sommes aussi trois hospitalo-universitaires et deux PH. On ne peut pas faire tout, tout seul !
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