Médecine du sommeil

Insomnie : le daridorexant, efficace pour améliorer les troubles diurnes et nocturnes

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Publié le 04/02/2022
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Un nouveau traitement pourrait changer la prise en charge des patients atteints d'insomnie chronique. Le daridorexant 50 mg a montré son bénéfice sur la qualité du sommeil et sur la somnolence en journée.
Un gain d’environ 11-12 minutes sur la latence d’endormissement

Un gain d’environ 11-12 minutes sur la latence d’endormissement
Crédit photo : Phanie

Dans l’insomnie, le daridorexant 50 mg a permis à la fois d’améliorer les symptômes nocturnes et les troubles diurnes, selon deux études de phase 3 décrites dans le « Lancet Neurology » (1). « Ces résultats constituent une étape décisive dans la prise en charge médicamenteuse des patients souffrant d’insomnie chronique, alors qu’il n’y a pas eu de nouveauté thérapeutique dans ce domaine depuis l’arrivée des hypnotiques Z il y a plus de 30 ans », s’enthousiasme auprès du « Quotidien » le Pr Damien Léger, co-auteur et responsable du Centre du sommeil et de la vigilance de
l’Hôtel-Dieu de Paris.

Les hypnotiques Z, le zolpidem et la zopiclone, ont « une action symptomatique mais non physiologique sur le sommeil », précise-t-il, alors que « la compréhension neurophysiologique est claire pour ce nouveau traitement ». « À côté des prises en charges non médicamenteuses validées comme les thérapies cognitives et comportementales, il y avait donc un grand besoin de prise en charge des patients insomniaques chroniques invalidés dans leur vie quotidienne », poursuit le spécialiste du sommeil.

Le daridorexant (laboratoire Idorsia) est un antagoniste des deux récepteurs de l’orexine (OX1R et OX2R). « Il s’agit du premier médicament de cette classe, ciblant les deux récepteurs, à être évalué dans l’insomnie, précise le Pr Léger. Dans la même indication, deux autres médicaments ciblant un récepteur unique sont sur le marché aux États-Unis et au Japon, le surovexant (Merck), ciblant OX1R, et le lemborexant (Eisai), ciblant OX2R. »

Des paramètres évalués par polysomnographie

Au total, plus de 1 800 participants ont été inclus entre le 4 juin 2018 et le 25 février 2020 dans les deux essais, randomisés et en double aveugle, menés dans 156 sites de 17 pays. Dans la première étude, les patients ont reçu du daridorexant 50 mg (310 patients), 25 mg (310) ou bien un placebo (310). Dans la seconde, ils ont reçu du daridorexant 25 mg (309), 10 mg (307) ou un placebo (308). Et ce, tous les soirs pendant trois mois. Les critères primaires - amélioration du temps d’endormissement et maintien du sommeil - et secondaires - durée totale de sommeil et somnolence diurne - ont été évalués à un et trois mois.

« Le daridorexant 50 mg agit à la fois sur les paramètres objectifs du sommeil mesurés par polysomnographie, mais aussi sur l’éveil en améliorant la vigilance subjective des personnes », résume le Pr Léger.

Le daridorexant 50 mg est en effet associé à un gain d’environ 11-12 minutes sur la latence d’endormissement à un et trois mois par rapport au placebo ainsi qu’à un gain de 22,8 minutes à un mois et de 18,3 minutes à trois mois sur le maintien du sommeil, « améliorant globalement le temps de sommeil subjectif des malades de 20 minutes par nuit aux premier et troisième mois », précise le spécialiste.

Sommeil et éveil sont complémentaires

Les symptômes diurnes ont été évalués à l’aide du score IDSIQ (2), un outil validé et développé selon les directives de la Food and Drug Administration, qui prend en compte les trois dimensions associées à l’éveil : vigilance/cognition, humeur et somnolence.

« Les améliorations apportées par le daridorexant 50 mg sur ces trois aspects ont progressivement augmenté au cours des trois mois de la première étude, montrant une sorte de restauration de l’éveil à moyen terme », complète le Pr léger.

Ces deux études sont les premières à évaluer l’effet d’un traitement sur les paramètres diurnes dans l’insomnie. « Les précédentes études se sont focalisées uniquement sur le sommeil, alors que le sommeil et l’éveil sont absolument complémentaires, constate le Pr Léger. Les patients présentant une insomnie chronique se plaignent toujours de conséquences importantes sur leur fonctionnement familial, professionnel et relationnel. »

Dossier déposé à l’EMA

Quant au daridorexant 25 mg, s’il a amélioré le temps d’endormissement, les résultats en termes de maintien du sommeil diffèrent entre les deux études, avec un bénéfice non significatif dans la seconde, et la somnolence diurne n’a pas été améliorée. Et aucune amélioration n’a été constatée avec la dose de 10 mg.

À noter que l’incidence des effets indésirables était comparable d’un groupe à l’autre (de 33 à 39 %), avec une prédominance de rhinopharyngite et de céphalées.

« À la fin des trois mois d’observation, les patients avaient la possibilité d’entrer dans l’étude d’extension qui comprenait neuf mois d’observation supplémentaires », souligne le Pr Léger, ajoutant que les résultats devraient être publiés dans le courant de l’année.

Une demande d’autorisation de mise sur le marché a été faite auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour le daridorexant par le laboratoire Idorsia. Selon le Pr Léger, l’autorisation est attendue au cours du premier semestre 2022.

*Insomnia Daytime Symptoms and Impacts Questionnaire
E. Mignot et al., Lancet Neurol, 2022. doi: 10.1016/S1474-4422(21)00436-1

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin