LE QUOTIDIEN - Pourquoi l’ISNIH appelle-t-il à la grève du paiement des droits d’inscription à l’université ?
BENOÎT ELLEBOODE - Les internes sont mécontents de leur formation universitaire. Nous avons essayé d’identifier le problème. Nous constatons qu’il existe une corrélation entre les problèmes de formation et le manque d’enseignants chercheurs. La forte hausse du numerus clausus des dernières années [voir graphique n°1] ne s’est pas accompagnée d’une augmentation suffisante du nombre d’enseignants chercheurs. Quand on compare les universités, on remarque que le taux d’encadrement est très différent d’une faculté à l’autre. Il varie d’un à trois [voir graphique N°2]. Le constat est simple : les internes sont mieux formés dans les universités qui disposent d’un bon taux d’encadrement et moins bien dans celles dont le taux d’encadrement est inférieur. Nous souhaitons la mise en place de pôles d’enseignants supplémentaires dans les facultés où les internes sont les moins encadrés.
Vous estimez donc que tous les internes ne sont pas bien formés ?
Oui, nous nous rendons compte qu’il y a des problèmes de formation dus au manque d’enseignants chercheurs, c’est-à-dire de médecins qui s’occupent de l’organisation de leur formation. Les internes se plaignent de ne pas avoir assez de formation théorique car leurs enseignants n’ont pas le temps. Ils sont souvent retenus par leurs activités hospitalières, de chef de service, de chef de pôle, de recherche. L’évaluation des internes est rarement mise en place. Dans de nombreuses facultés, les stages ne font l’objet d’aucune visite sur site. C’est-à-dire que les objectifs pédagogiques du stage ne sont pratiquement jamais vérifiés. Tout cela est clairement dû à l’absence d’enseignants chercheurs.
Comment expliquez-vous de telles différences de taux d’encadrement entre les facultés ?
Il y a un lien entre les régions sous dotées en médecins et le nombre d’enseignants chercheurs et de PU-PH. Des postes d’internes supplémentaires ont été ouverts dans ces régions alors qu’à la base il y avait moins de médecins et de postes hospitalo-universitaires. Il est clair qu’aujourd’hui, les facs qui ont un meilleur taux d’encadrement n’ont pas encore subi cette augmentation du nombre d’internes et on sait que dans les années à venir, le problème se posera de la même façon pour elles. Il faudra donc faire porter les futures augmentations du nombre d’internes dans le Sud et dans les facultés franciliennes.
L’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) prévoit une très forte augmentation d’internes en formation dans les six prochaines années. Cela vous inquiète-t-il ?
Énormément. Rien que cette année, il a fallu répartir 6 000 internes en France et cela a été très difficile à arbitrer. Les capacités de formation sont saturées dans pratiquement toutes les villes pour des spécialités comme la chirurgie, l’anesthésie-réanimation, la gynécologie obstétrique. Le numerus clausus a été porté à 7 400 cette année. Cela signifie qu’il faudra trouver près de 6 000 nouveaux terrains de stage d’ici 4 ans. Face à cette hausse du nombre d’internes, il faudra aussi augmenter le nombre d’enseignants par rapport à des référentiels sur le taux d’encadrement.
Quel est selon vous le taux d’encadrement idéal ?
Nous sommes prêts à en discuter. Pour l’instant, de manière très empirique nous regardons dans quelle faculté la formation se passe bien pour en conclure quel taux d’encadrement est convenable. Nous constatons que la majorité des facultés a un taux d’encadrement inférieur à la moyenne.
Qu’attendez-vous des pouvoirs publics pour débloquer la situation ?
Ils doivent agir ! L’augmentation du numerus clausus a entraîné des problèmes globaux de formation, notamment un important manque de terrains de stage. Le ministère de la Santé nous a écoutés. Il a débloqué des budgets considérables, de l’ordre de 110 millions d’euros, pour financer les postes d’internat. Il a incité les DRASS à financer des stages hors subdivision pour permettre à des étudiants d’améliorer leur formation. Le ministère de la Santé a débloqué 200 postes d’assistants spécialistes pour offrir des formations de post-internat aux internes. Par contre, il nous est difficile de sensibiliser le ministère de l’Enseignement supérieur. Pendant longtemps, il a bloqué la création d’une commission de post-internat, ce qui a nécessité l’arbitrage de Matignon. L’ISNIH lance un appel à Valérie Pécresse. Jusqu’ici notre seul interlocuteur au ministère de l’Enseignement supérieur est son conseiller Pierre-Louis Fagniez. Nous ne pouvons pas croire que Valérie Pécresse est insensible aux questions de formation des médecins.
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