LE QUOTIDIEN - Pourquoi ce tabou autour du burnout des médecins ?
ÉRIC GALAM - Parce qu’il s’agit d’un sujet perçu comme l’affaire d’une poignée d’individus alors qu’il s’agit bel et bien d’une réalité professionnelle, collective et sociale. Et les médecins contribuent bien à ce tabou ! Ils se taisent, comme si, en quelque sorte, ils avaient accepté un pacte avec le diable : ce sont des super-héros qui, pour pouvoir aider leur prochain – c’est-à-dire accéder à l’humanité du patient – doivent se séparer de leur propre humanité, s’oublier, sans pour autant devenir une machine. C’est un exercice d’équilibriste difficile. Le médecin le plus enclin au burnout est le praticien libéral, façonné à cette image de notable pour ses semblables. Sentir qu’on a besoin de lui, c’est ce qui le fait avancer. Le problème, c’est qu’actuellement, ce n’est plus le cas ! Le manque de reconnaissance de notre cœur de métier – le soin aux patients – et la crise démographique participent à l’épuisement du médecin qui, habitué à prendre sur lui, court, court, toujours en silence. Il ne s’arrête que lorsqu’il tombe. Et c’est le burnout. Avant, les médecins trouvaient leur compte dans ce tabou, maintenant, la pression est trop forte. Ils ne tiennent plus.
Les médecins se disent souvent abandonnés. Pensez-vous que les politiques ont leur part de responsabilité dans le burnout ?
Nous sommes tous responsables, même si les politiques le sont plus que d’autres. Quand le médecin était sur son piédestal, son monde avait le mérite d’être régi par des règles. Maintenant, on le fait tomber de ce piédestal quand ça arrange. Le médecin assume des tâches hors-champ, « fait » du certificat à tour de bras, et la loi l’oblige à informer toujours plus le patient. En parallèle, on parle technique, greffe de visage, exploit : pas étonnant que le patient dépersonnalise le médecin au point d’en faire un robot de la santé.
Il faut rétablir de la simplicité et un partenariat entre le patient et son médecin. Il faut se rappeler que la médecine n’est pas l’affaire de techniciens, mais d’humains faillibles.
Que faire pour aider les médecins ? Des initiatives en faveur de l’exercice regroupé sont-elles à même de protéger les jeunes médecins ?
Les maisons médicales sont pertinentes sur les questions de l’isolement, de la délégation de taches et sur les risques d’agression mais elles sont loin d’être suffisantes. La réflexion doit se faire à plusieurs niveaux.
Avant tout, les politiques doivent travailler à une prise en charge en amont des professionnels de santé qui ne vont pas bien. Ils méritent qu’on les aide avant que tout ne craque. Il faut développer à échelle nationale des structures de prévention, comme des lignes téléphoniques d’entraide, ou l’hospitalisation anonyme, nécessaire pour ces médecins qui s’adonnent à la boisson ou aux drogues médicamenteuses pour tenir le coup. Peu de médecins...ont un médecin. Ils ne sont pas habitués à être malades, il faut les aider à acquérir la lucidité nécessaire pour, à leur tour, devenir des patients.
*« L’erreur médicale, le burnout et le soignant. De la seconde victime au premier acteur » du Dr Éric Galam, collection « Progrès en sécurité des soins », éditions Springer, février 2012, 40 euros.
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