Quand il ne dirige pas les urgences du CHU Charles-Nicolle (qui n’est jamais que le premier service d’urgences en France, avec 96 000 patients pris en charge en 2012, pour 23 équivalents TP), le Pr Luc-Marie Joly, anesthésiste réanimateur de formation, enseigne la lecture critique d’articles. Cette toute jeune discipline essuie les critiques des étudiants qui a plus jeune des disciplines universitaires de médecine, et peut-être pour cette raison celle qui suscite le plus d’inquiétude et d’incompréhension parmi les étudiants, à partir de champs de connaissance qu’ils jugent trop flous, et d’ambiguïtés dans la cotation à l’examen.
Or, aux ECN, la LCA représente 10 % de la note totale depuis 2010. L’enjeu est discriminatoire. Mais au-delà des examens, « la lecture critique représente un changement conceptuel et une rupture de paradigme dans l’enseignement de la médecine, considère le Pr Joly, qui enseigne par ailleurs l’histoire de la médecine et dispose à ce titre du recul épistémologique. À l’aide de concepts compliqués, les étudiants sont appelés à décrypter l’épidémiologie, les études analytiques, les essais cliniques, les méthodes diagnostiques et autres méta analyses. Déjouant les biais en tous genres, ils sont censés rechercher par eux-mêmes les défauts et les limites, discuter les discussions, tout cela pour une utilité dans leur pratique. C’est leur auto-formation qui est en jeu. Or, insiste le Pr Joly, s’ils ne s’approprient pas l’outil en apprenant à réfléchir par eux-mêmes, demain, ce sont les labos qui les informeront et leur dicteront leur conduite à tenir. Et subsidiairement, s’ils ne pratiquent pas au quotidien la LCA, ce sont les avocats de leurs patients qui se chargeront de la leur apprendre… »
Course d’obstacles
À Rouen, l’enseignement de la LCA est très structuré, avec une première année consacrée aux bases méthodologiques et statistiques, l’année suivante consistant à travailler différents d’articles, pour les classifier et évaluer les évaluations. « Nous remettons aux étudiants des check-lists sur les critères à mettre en œuvre, qui ne sont pas les mêmes selon qu’on choisit une voiture d’occasion sur le parking d’une grande surface ou un sous-marin dans le port de Wladiwostok ». Pour autant, le PU-PH peine à conscientiser et à motiver les carabins sur cette nouvelle façon de voir et de faire de la médecine. Deux obstacles, selon lui, restent à surmonter. D’abord, le déficit de connaissances médicales, avec un public de deuxième cycle qui ne maîtrise pas encore les spécialités. En ce sens, l’enseignement de la LCA en second cycle est prématuré, juge le Pr Joly, il serait mieux venu après les ECN, avec des internes. L’autre carence concerne l’outil statistique. « Tout médecin devrait passer une maîtrise de mathématiques statistiques, préconise le Pr Joly, pour être à l’aise avec les concepts et manier les logiciels. C’est la condition pour s’engager dans des travaux de recherche. Mais pas seulement : les praticiens vont avoir de plus en plus besoin de lire en direct les articles pour leur FMC. Une synthèse nationale sur le sujet, selon lui, est devenue nécessaire ». Les révolutions, localement, doivent encore passer par Paris.
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