LE QUOTIDIEN : Quels sont vos retours au niveau de la cellule « SOS SIHP » pour cette deuxième vague ?
FRANCK ROLLAND : Nous voyons apparaître davantage de demandes qu'habituellement. Les internes sont épuisés, soit parce qu'il n'y a plus assez de monde dans leur service, soit parce qu'ils ont l'impression que cette crise ne prendra jamais fin.
Pendant le pic épidémique du printemps nous avions eu assez peu de sollicitations. Il y avait une forme de résilience collective, les étudiants serraient les dents. Peut-être qu'aujourd'hui la montée des demandes est une conséquence de cette période.
Quels sont les motifs des appels ?
Cela peut surprendre mais le Covid n'est pas forcément au premier plan. Les internes appellent parce qu'ils ont une charge de travail extrêmement lourde ou parce que le système hospitalier pèse excessivement sur eux. Par exemple, les internes peuvent être trois ou quatre pour assurer une ligne de garde alors qu'il en faudrait cinq. Parmi les profils, ce sont souvent des internes qui, même sans la crise sanitaire, auraient fini par appeler. Le Covid-19 a pu être un accélérateur de leur souffrance.
On a eu aussi beaucoup d'appels sur la formation, en lien avec le Centre national d'appui à la qualité de vie [CNA] et avec l'ISNI. Les internes ont énormément d'inquiétudes. Certains se sont retrouvés dans des stages ou ils n'ont fait que du Covid ! Or, leur formation n'a pas pour objectif de les faire devenir "covidologue". Autre cas de figure : des internes qui ont basculé dans des unités Covid et qui ne s'y retrouvent pas. En Ile-de-France, ce fut le cas d'internes en médecine générale initialement en stage de pédiatrie mais redéployés vers des unités de Covid adulte. Ils considèrent que leur formation a été sacrifiée.
Vous sentez-vous armés pour prendre en charge vos pairs en souffrance ?
Oui. Nous sommes une dizaine d'internes de psychiatrie volontaires dans la cellule, il y a une expérience de l'entretien clinique qui permet de trouver la proximité suffisante et la distance nécessaire. Nous suivons aussi une formation avec une psychologue. On débriefe en groupe sur les propositions que la cellule propose aux internes en difficulté. J'ai également suivi une formation au Centre national d'appui. Ce sont d'anciens internes qui, par compagnonnage, répondent à nos interrogations et nous conseillent sur la manière d'aborder les entretiens.
En pratique, quel soutien proposez-vous ?
Quand un interne envoie un mail à la cellule SOS SIHP, on lui répond dans les 24h pour fixer un rendez-vous téléphonique au cours duquel on va comprendre l'objet de sa demande, faire une évaluation de son état et notamment du risque suicidaire.
En fonction de la situation, on peut lui proposer de le rappeler quelques jours plus tard ou de rencontrer un psychologue, un psychiatre libéral ou hospitalier pour une consultation rapide et gratuite. Quand la situation l'exige, on l'oriente vers les urgences. Lorsqu'un interne fait la démarche de nous contacter, c'est que plusieurs alarmes se sont déjà allumées chez lui. Nous essayons de lui expliquer qu'il y a quelque chose à faire. Il y a un travail de réassurance et de psychologie pour faire accepter l'aide dont il a besoin.
* Intersyndicale Nationale des Internes
** Syndicat des internes des Hôpitaux de Paris
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