L’internat pour tous devait consacrer la nouvelle spécialité. Le DES créé en 2004 devait lui apporter la reconnaissance. Mais onze ans plus tard, le constat est amer : la médecine générale n’est pas tout à fait une spécialité comme les autres.
Si le métier de médecin généraliste est plébiscité par les patients, la procédure de choix de spécialité d’internat ouverte depuis le 1er septembre confirme le manque d’attrait criant de la discipline pour les étudiants les mieux classés.
De fait, le premier des 8 626 candidats aux dernières épreuves classantes nationales (ECN) à avoir choisi la médecine générale était classé 111e... Et parmi les 200 premiers aux ECN 2015, seuls quatre internes ont fait le même choix. Plus inquiétant encore : seulement 47 des mille premiers internes classés ont opté pour le métier de médecin de famille alors que près de la moitié des postes sont ouverts dans cette discipline.
« Certains ont toujours l’image de la médecine générale d’avant la réforme de l’internat et ne la considèrent pas comme une spécialité à l’égal des autres, analyse le Pr Jean-Pierre Vinel, président de la conférence des doyens. La durée du DES de médecine générale est de 3 ans alors que l’internat des autres spécialités dure 4 à 6 ans, cela contribue sans doute à tenir la spécialité à l’écart. »
Formation hospitalocentrée, actes sous-payés
Les raisons de cette situation sont connues : malgré les grands discours, les études de médecine demeurent quasi exclusivement hospitalières avec très peu de stages en cabinet de ville.
Obligatoire depuis 1997, le stage d’initiation à la médecine générale pendant le 2e cycle n’est toujours pas systématique. Sa durée et sa qualité varient selon les facultés. Et si le nombre de maîtres de stage de la discipline a fortement augmenté (ils sont désormais 8 500 contre 3 500 en 2011), la filière universitaire de la discipline souffre d’un sous-effectif chronique avec un faible taux d’encadrement des internes (un enseignant temps plein pour 103 internes).
Le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) a récemment tiré la sonnette d’alarme et réclamé la titularisation chaque année de 20 professeurs, 30 maîtres de conférence et 50 chefs de cliniques des universités pendant les dix prochaines années. Selon les syndicats, la faible valorisation de l’acte clinique (le C bloqué à 23 euros) achève de dissuader les carabins les mieux classés de choisir la médecine générale.
Tout au long de leur cursus, les étudiants sont poussés à se tourner vers une spécialité médicale ou chirurgicale. « La médecine générale reste largement dénigrée dans les services hospitaliers, analyse une interne qui a tout de même opté pour cette spécialité en Guyane. Dans les grands hôpitaux, on nous pousse à être bien classés pour prendre une autre spécialité. »
Défi démographique
Deux internes de Bordeaux, bien classées dans les mille premières places, ont hésité entre la médecine générale et la gastroentérologie après des stages dans les deux disciplines. Elles ont finalement pris deux orientations différentes. Astrid s’est tournée vers la gastroentérologie. « Mon choix n’a pas été dicté par l’aspect financier mais par un coup de cœur après la découverte de cette spécialité au CHU », confie la jeune femme au « Quotidien ». Bénédicte, elle, a opté pour la médecine générale malgré la pression des médecins qu’elle compte dans sa famille. « J’ai réalisé un stage de deux mois chez un généraliste expérimenté qui m’a convaincu, explique-t-elle. Ce qui me plaît dans cette spécialité, c’est la diversité des pathologies, de voir en consultation toutes les tranches d’âge de la population, de suivre des familles... »
Confrontée à de sombres perspectives démographiques, la médecine générale devra redorer son blason pour séduire la nouvelle génération. La tâche est rude. En 2015, la spécialité a encore moins séduit les 1 000 premiers internes qu’en 2004. À l’issue des toutes premières ECN, 57 des 1 037 premiers internes avaient opté pour la médecine générale.
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