PEU NOMBREUX mais motivés. Très. Selon nos estimations, quelque 2 000 internes et chefs de clinique (1 700 selon le ministère de la Santé, 5 000 selon les organisateurs) se sont réunis à l’appel de l’ISNIH et de l’ISNCCA, lundi sur le parvis de la gare Montparnasse, à Paris, avant de rejoindre le ministère de la Santé. Banderoles, panneaux, brassards et dossards disparates attestent de cette contestation tous azimuts. Contre toute attente, ce ne sont pas les conditions dégradées de travail qui provoque l’ire la plus intense des internes manifestants, mais la proposition de loi qui avalise les réseaux mutualistes (voir ci-contre). Sur le dos de plusieurs blouses blanche, un slogan : « Mutuelles prospères = santé à terre ». « Avec les malades, les mutuelles se refont une santé », indiquent aussi plusieurs brassards. Au cœur de la mêlée, deux grands gaillards portent à bout de bras un grand drap blanc, accusateur : « La Mutualité m’a tuer ». La crainte d’une « privatisation de la santé » revient sans cesse. « L’objectif des mutuelles est avant tout de faire du bénéfice, non de prendre en charge les soins des patients », explique Mickaël, interne en deuxième année d’ORL à Lille. Marion, en deuxième année de médecine générale à Paris, est du même avis. « On se dirige vers une médecine à deux vitesses, à l’américaine », augure-t-elle, en décapsulant une bière.
Dénigrement.
Le cortège se met en branle doucement, tandis que la sono crache de l’électro à plein tube. Les internes s’époumonent comme si leur vie en dépendait. Potaches, les chansons et les nouvelles banderoles déployées habillent la ministre de la Santé pour l’hiver. « MST vérole la santé », « MST 100 % bla-bla, 100 % tracas »… On dénonce le « dénigrement », le « mépris » des tutelles à l’égard de la jeune génération. Sur le dossard d’un de ses acolytes, la phrase, cinglante : « Je ne suis pas un escroc ». Les négociations sur les dépassements d’honoraires ont laissé un goût amer. « La ministre nous associe à une poignée de mecs qui facturent 150 euros la "consult’" », enrage Assia, chef de clinique ORL à Lille. Outre le « manque de considération », la jeune femme dénonce une ligne politique « qui ne pousse pas du tout à s’installer en libéral ». Quid de la revalorisation de certains actes annoncée lors des "négos"? Une mesure « artificielle » qui ne répond pas aux problèmes financiers des jeunes libéraux, « obligés » de pratiquer des dépassements, juge Assia. « Un cabinet médical, c’est comme une entreprise qui répond à des impératifs économiques, argumente-t-elle. Pour bien soigner les gens, on doit posséder des appareils de pointe, travailler avec une secrétaire et des paramédicaux… Tout cela a un coût. »
Pas entendus.
Dernier cheval de bataille des internes : la liberté d’installation. Marisol Touraine a beau répéter sur tous les plateaux de télévision son rejet de mesures coercitives, les internes demeurent inquiets. « Si la ministre veut parachuter les internes dans les déserts, au moins, qu’elle le fasse bien », râle Chris, interne à Lyon en chirurgie réparatrice. Pour le jeune homme, mieux défendre l’implantation de maisons universitaires de santé (MUST) en grande ruralité pourrait contenter les fortes têtes.
Pour l’heure, la mobilisation continue. Selon le ministère de la Santé, 18,85 % des internes étaient en grève au niveau national ce 12 novembre, de même que 5 % des chefs de clinique et 5 % des chirurgiens des établissements publics. A Paris, la mobilisation a été plus forte avec près de 33 % des internes et 15 % des seniors (chefs et PH) en grève selon les extrapolations de l’AP-HP. Reçue par le directeur de cabinet de Marisol Touraine, la délégation des internes en est ressortie déçue. Le ministère de la Santé a annoncé la constitution d’un groupe de réflexion qui doit formuler des propositions sur le respect du temps de travail d’ici le 31 janvier. Une mission a été confiée à l’IGAS pour « rénover la politique conventionnelle » (les internes souhaitent être signataires de la convention). Enfin, la ministre s’est engagée à déposer un amendement garantissant la liberté de choix du praticien pour les patients dans les réseaux de soins mutualistes. « Aucune de nos revendications n’a été entendue », explique Emanuel Loeb, président de l’ISNIH. Une nouvelle rencontre au ministère est prévue jeudi.
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