EN SEPTEMBRE déjà, « Le Quotidien » relatait dans ses colonnes le combat mené par Cécile Lambert. Cette jeune interne militait activement pour la modification d’une loi jugée discriminante à l’encontre des étudiantes qui, comme elle, tombent enceintes pendant leurs années de formation initiale. Dans sa requête auprès du Défenseur des droits (ex-HALDE, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), Cécile Lambert réclamait « un assouplissement de la loi qui permette aux femmes enceintes ou à des internes qui ont été en congés maladie de conserver leur rang de classement » (à l’internat).
Depuis, son initiative a été reprise par une quarantaine d’internes qui, soutenues dans leur démarche par le Syndicat des médecins libéraux (SML) et son pôle Femme, médecin libéral (FML), ont également déposé un recours auprès du Défenseur des droits.
Reléguée de la 18e à la 151e place!
Pour ces jeunes étudiantes, désormais très majoritaires dans les amphis de médecine, tout l’enjeu repose sur la modification du Code de la santé publique relatif à la validation du stage d’internat. « Lorsque, au cours d’un semestre, un interne interrompt ses fonctions pendant plus de deux mois […] ou s’absente pendant plus de deux mois dans des conditions qui lui font encourir les sanctions disciplinaires prévues […], le stage n’est pas validé », dit la loi. Souci : l’invalidation d’un semestre pour absence due à la maladie ou à la grossesse ne permet pas de conserver une place souvent chèrement acquise aux épreuves classantes nationales (ECN). « L’injustice est double puisque d’une part, l’interne est déclassée au sein de sa promotion et d’autre part elle s’expose directement aux stages imposés et donc aux non-choix de stages, qui peuvent l’entraîner aux confins de sa région hospitalière », écrit Mathilde Ruiz dans son courrier au Défenseur des droits. Cette interne de 26 ans du CHU de Lyon, classée 18ème aux ECN, a bénéficié du congé maternité légal de 4 mois de juillet à novembre dernier. Lors de son prochain stage en mai, elle se retrouvera classée 151ème...
Céline Le Bihan est l’une des neuf étudiantes lyonnaises à s’être jointe à la plainte de sa consœur Mathilde Ruiz. Elle a accouché en décembre 2010, durant son premier semestre d’internat : « J’ai travaillé jusqu’à 10 jours avant mon accouchement et j’ai repris le travail alors que ma fille avait 1 mois et trois semaines, tout ça pour valider et ne pas être déclassée ! témoigne-t-elle. J’ai été contrainte de sevrer mon enfant prématurément, c’était très dur pour moi ».
Injustice.
Déclassée de la 35ème à la 130ème place, Pauline Fossier dénonce elle aussi cette situation.
Pour parvenir à cet excellent classement, elle a bachoté en tandem avec son mari, également interne et sorti 36ème de leur promotion. « C’est vraiment injuste d’être réduite à choisir des stages de fin de liste pour être auprès de mon mari et de ma fille, alors que lui reste à son classement d’origine », témoigne-t-elle. Le congé de paternité, bien plus bref (18 jours maximum), ne porte pas atteinte à la validation du stage.
Au nom de toutes ces internes, Cécile Lambert continue la lutte. Vendredi dernier, la jeune maman a été reçue au ministère de la Santé, dans le cadre d’une rencontre commune avec le Défenseur des droits et l’Observatoire de la parité. « Je ne me bats plus pour moi, mais pour les autres, explique-t-elle. Il faudrait qu’on arrive à débloquer cette situation inadmissible maintenant, avant la fin du mandat présidentiel ». Le dossier est examiné au ministère de la Santé mais risque de traîner.
Au service juridique du Défenseur des droits, on ne se mouille pas trop : « On ne peut pas encore confirmer qu’il s’agit bien de discrimination, reconnaît une juriste. Mais nous sommes entrés dans une phase de dialogue, et nous espérons organiser prochainement une table ronde officielle sur le sujet ».
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