Je fais cours depuis près de 40 ans, en 1re année de médecine, dans des amphis surchargés, face à un public stressé et désabusé, qui ne peut s’adapter à l’anti-pédagogie qui lui est délivrée. Il fuira d’ailleurs les amphis dès la 3ème année…
Les grèves médicales, en 1986, qui annonçaient un effectif médical insuffisant en 2010, n’ont pas été entendues. Seul, Xavier Bertrand a commencé à desserrer le numerus clausus.
Les mesures actuelles sont insuffisantes, par manque du nécessaire calcul des besoins à venir. À l’issue de l’année universitaire 2016-2017, 8 124 places ont été ouvertes, soit une hausse de 478 places, c’est-à-dire une augmentation globale de 6 % du nombre d’étudiants actuellement en première année commune aux études de santé (PACES) qui seront admis en deuxième année, mais elle se concentrait sur 26 facultés de médecine dans lesquelles la hausse du nombre de place était en moyenne de 11 %. Dans treize facultés, le numerus clausus restait stable par rapport à l’année précédente, ce qui est illogique.
Le contingentement de places est critiquable
Le contingentement des places à l’issue de la première année commune aux études de santé (Paces) pose problème, car il met en situation d’échec près de 90 % des étudiants inscrits dans la filière. Avec un taux d’échec de 85 % au bout d’un an et de 75 % pour les candidats qui la redoublent, cette année de préparation aux concours de médecine, dentiste, pharmacie et maïeutique (sage-femme) est hautement critiquable, en ce qu’elle forme mal les futurs médecins, mais aussi les « reçus-collés » qui devront se réorienter ou redoubler.
Le numerus clausus n’est en rien adapté à nos besoins actuels, si l’on se réfère à la sous–médicalisation des zones rurales et à la désertification des Urgences dans les Hôpitaux de 2e catégorie et surtout à l’évolution de la démographie médicale. La nouvelle cartographie interactive de l'Ordre, en 2017 (cf. QDM n°9584) met en lumière la forte hausse de la population de médecins à diplôme étranger (dont la formation est insuffisante) entre 2010 et 2017. Ce flux compense la diminution des praticiens diplômés en France et modifie les projections démographiques, en ce qu’il amortit la désertification, dans une demande croissante de soins.
D'autres réformes sont indispensables
Mais supprimer le numerus clausus ne résoudra rien. Ce sont les réformes prospectives qui sont indispensables. Garder un système de concours en PACES est incontournable, mais il faut le diversifier et le recentrer sur l’essentiel, afin d’en faire une véritable année d’apprentissage de la médecine. Par contre, supprimer le redoublement en PACES, fait « économiser » une année à ceux qui réussissent comme à ceux qui échouent.
Le numerus clausus, comme les épreuves classantes de fin d’étude, doit prendre en compte les réalités régionales pour coller aux besoins des territoires en matière de présence médicale. Le nombre de places à pourvoir doit être déterminé en fonction des besoins du territoire, en liaison avec les régions, le conseil de l’ordre des médecins et les acteurs de terrain. Les Universités doivent ainsi conclure des « contrats d’objectifs » pour préciser les besoins.
En résulteront un accroissement du nombre de médecins formés et des moyens accordés aux facultés concernées. Avec plus de diplômés en médecine et l’instauration de nouveaux parcours, le manque de professionnels de santé dans les zones sous-dotées pourra être comblé, sans pour autant remettre en question le principe de la liberté d’installation sur le territoire. La disponibilité de données exhaustives et fiabilisées (effectifs de médecins, incluant leur profil d’activité) est un préalable tout à fait indispensable ; pour cela, l’échelon régional est probablement adapté.
Le répertoire partagé des professionnels de santé (=RPPS) est le répertoire unique de référence permettant d’identifier les professionnels de santé, avec un numéro RPPS attribué à vie. Plusieurs améliorations qui avaient été envisagées dès son lancement en 2003 pourraient être activées. C’est en particulier le cas d’une connexion avec le fichier national des étudiants qui passent les épreuves classantes nationales (fichier exhaustif des étudiants qui débutent leur internat de spécialisation). Des études prospectives « ultraprécoces » sur les répartitions des futurs spécialistes – aujourd’hui quasi inexistantes et pourtant indispensables – pourraient en résulter.
Il faudrait aussi une harmonisation des différentes dénominations de spécialités (et en conséquence des effectifs correspondants) selon les « nomenclatures » utilisées respectivement – et distinctement – par l’assurance maladie, ou l’administration hospitalière, ou même l’université pour les diplômes qualifiants qu’elle dispense.
Les « reçus-collés » pourront, pour une part, bénéficier de la hausse du nombre de places qui résulterait de l’assouplissement du numerus clausus. Mais il est nécessaire de s’interroger sur l’intérêt qu’il y a à continuer à développer les alternatives à cette voie, et les passerelles avec les filières scientifiques.
La solution se joue au lycée
La mesure permettant de limiter les échecs en PACES, est de limiter le nombre d’entrants en organisant l’information dans le secondaire. De fait, la solution ne se joue pas à l’Université, mais bien avant, et notamment au lycée ; par exemple en section S, l’idée est encore trop présente que l’on ne peut s’orienter que vers des études de médecine ou d’ingénieur. Il faut promouvoir l’information, pour éviter que les étudiants ne découvrent seulement après un ou deux échecs en PACES (pour les plus chanceux), des orientations et des métiers méconnus d’eux jusqu’alors et qui permettraient leur épanouissement, sans qu’un ou deux ans aient été perdus ; d’autres n’ont pas cette chance et n’arriveront jamais à rebondir, par manque d’information.
Cette éducation implique, d’une part, une sensibilisation la plus précoce possible des lycéens à la question du « post bac » et de ses possibilités ; d’autre part, des témoignages et rencontres, afin de faire connaître ce que sont réellement les études médicales.
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