LE QUOTIDIEN - A quoi correspondent les 22 milliards d’euros consacrés à la recherche par le plan d’investissements d’avenir et dans quelle mesure concernent-ils la santé ?
VALÉRIE PÉCRESSE - La France va se doter de nouvelles infrastructures de recherche performantes, combler le retard accumulé sur certaines technologies, explorer des domaines insuffisamment exploités et améliorer la médecine au bénéfice du patient. Les 22 milliards d’euros s’ajoutent aux budgets de la recherche : une partie est destinée à être dépensée et une autre correspond à une dotation dont les intérêts seront disponibles tous les ans, ce qui représente, « en cash », 12 milliards d’euros sur dix ans. Pour la recherche biomédicale, nous venons d’annoncer 1 milliard à dépenser sur dix ans, destiné aux équipements d’excellence (les équipements de taille intermédiaire, entre 1 et 20 millions d’euros), aux laboratoires d’excellence (avec visibilité internationale), aux infrastructures nationales en biologie et santé, aux nanobiotechnologies et aux démonstrateurs préindustriels en biotechnologie, soit 74 projets de recherche distingués. Une deuxième vague d’appels à projets va être lancée. À ce jour, dix cohortes, six Instituts hospitalo-universitaires (IHU) et six projets prometteurs ont déjà été sélectionnés. Cela va faire beaucoup d’argent. L’enjeu est de remettre le patient au cœur de la recherche et donc de promouvoir des projets translationnels qui partent du fondamental pour arriver au lit du malade.
RIEN NE SERA FAIT POUR ENTRAVER LA RECHERCHE SUR L’EMBRYON
Comment les thématiques prioritaires sont-elles choisies ?
Les projets ont été sélectionnés par un jury international pour leur excellence. Il y a, par exemple, le vaccin contre le VIH à Créteil, le handicap à Garches, la chirurgie non invasive à Strasbourg, la transplantation à Nantes, les maladies rares ou encore la nutrition et la cardiologie à Paris. Beaucoup de projets concernent la médecine personnalisée, avec les nanovecteurs. Nous entrons désormais dans une logique de médecine davantage préventive et non-invasive ciblant directement les cellules malades. Nous allons consolider notre recherche sur les maladies infectieuses, confortant notre deuxième rôle mondial des publications et investir dans des domaines de recherche émergents comme l’obésité, la nutrition ou le diabète, en triplant notre effort annuel de recherche sur ces thématiques.
Dans un contexte de crise économique, ce grand emprunt est une aubaine pour la recherche
…
Il arrive à un moment crucial où l’hôpital se réforme et se réorganise. Un rééquilibrage était souhaitable : aujourd’hui, l’hôpital doit se recentrer sur la qualité des soins et je pense que c’est à l’université de financer l’essentiel de la recherche. Il était important de réaffirmer la vocation des centres hospitalo-universitaires : faire de la recherche en donnant le même poids aux soins, à la formation et à la recherche, afin de placer la France au meilleur standard international en recherche biomédicale. Mais il devait y avoir une mise à niveau, notamment en termes d’équipements des laboratoires. Prenons l’exemple de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui est l’un des grands gagnants des investissements d’avenir dans le domaine de la santé. Nous avons déjà annoncé plus de 300 millions d’euros cash sur dix ans pour plus d’une vingtaine de projets dont l’AP-HP est partenaire : trois IHU, trois projets prometteurs, huit cohortes, sept laboratoires d’excellence, deux équipements d’excellence, deux infrastructures nationales. Je tiens à préciser que ces dotations reviennent aux porteurs de projet et n’entrent pas dans le budget de l’hôpital : la recherche et l’innovation en matière de soins sont ainsi sanctuarisées. L’Île-de-France, même si elle concentre un tiers des projets, n’est toutefois pas la seule à avoir tiré son épingle du jeu.
Quel bilan tirez-vous du crédit-impôt recherche (CIR) ?
Au regard des premiers résultats de l’évaluation du CIR 2009, nous constatons une augmentation de la recherche privée de 1,1 %, alors que dans le même temps, le PIB a enregistré une baisse d’environ 2,6 %. Ce sont de bons résultats : le CIR a eu un effet anticrise, mais il a également changé les comportements des entreprises. On a, par exemple, triplé le nombre de projets d’investissement étrangers de R&D en France, passant de 25 à 73 entre 2007 et 2009. On a doublé la dépense relative aux salaires des docteurs et le nombre d’entreprises recrutant des jeunes docteurs. Le CIR a permis de donner une vraie impulsion à la recherche aux partenariats publics-privés : ils ont doublé sur 5 ans. Le CIR crée un environnement fiscal extraordinairement favorable pour la recherche, que l’Allemagne regarde avec attention. Il est important de le conserver : nous avons absolument besoin d’une stabilité des règles fiscales.
Comment réagissez-vous à la décision des parlementaires d’interdire la recherche sur l’embryon dans la loi bioéthique ?
Cette recherche est nécessaire pour des motifs de santé publique. Les perspectives offertes par les cellules souches embryonnaires sont trop importantes aujourd’hui, en terme de progrès de la médecine, pour que l’on puisse s’en passer. Ma deuxième conviction, c’est que l’embryon n’est pas une cellule comme les autres et doit bénéficier d’une protection particulière. Il est important que la loi le dise. L’interdiction de recherche sur l’embryon est essentiellement morale et symbolique puisqu’elle autorise la recherche à titre dérogatoire. En tant que membre du gouvernement, je m’engage à ce que rien ne soit fait qui puisse entraver cette recherche : l’Agence de la biomédecine travaille très bien et la recherche va se poursuivre. Ses premiers résultats sont très encourageants.
Les parlementaires ont également rejeté la levée de l’anonymat du don de gamètes que vous défendiez
…
J’étais effectivement favorable à ce que l’on expérimente le double-guichet (en fonction du souhait du donneur de rester anonyme ou non). Certes, c’était placer les couples devant un choix très difficile à faire. Mais je crois que le droit à l’accès à ses origines va dans le sens de l’histoire. Je suis surtout très déçue que le transfert de l’embryon post-mortem (après le décès du père, dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation) reste interdit. Il faut se mettre à la place de la femme qui se voit proposer l’alternative cornélienne du don à un autre couple ou de la destruction de son embryon. Que ce soit pour le bébé du double espoir (que j’ai proposé de légaliser en 2004) ou pour le transfert post-mortem, on doit prendre en compte la situation des parents et leurs dilemmes moraux. La bioéthique c’est, en conscience, partir des principes pour aboutir à une réalité.
« L’accès au secteur 2 pour tous, meilleur moyen de préserver la convention », juge la nouvelle présidente de Jeunes Médecins
Jeu concours
Internes et jeunes généralistes, gagnez votre place pour le congrès CMGF 2025 et un abonnement au Quotidien !
« Non à une réforme bâclée » : grève des internes le 29 janvier contre la 4e année de médecine générale
Suspension de l’interne de Tours condamné pour agressions sexuelles : décision fin novembre