Pour de nombreux internes, la crise sanitaire a été le premier contact avec l’hôpital. « Pour beaucoup, l’expérience a été très violente. Nous avons reçu des témoignages d’internes confrontés à des situations extrêmement difficiles », alerte Alexandre Brudon, vice-président du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP). Dans les territoires les plus touchés par l’épidémie, qui ont connu les vagues successives, « il y a désormais une terreur liée à l’épuisement, les internes craignent pour leur propre santé », abonde Gaétan Casanova, président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI).
Mobilisés pour répondre à l’urgence sanitaire, ils ont été confrontés brutalement à la mort massive de patients isolés. Dans les services dédiés au Covid, « les internes ont pris en charge des centaines de patients avec des moyens très modestes et la répétition de décès dans une très grande solitude. C’est très déshumanisant, d’autant que les corps ont été mis immédiatement dans des sacs pour éviter les contagions. Il y a là quelque chose d’exceptionnel et de choquant pour les internes », rapporte Alexandre Brudon.
Des internes isolés
Dans ce contexte difficile, les internes se sont parfois retrouvés sans recours. « Les internes sont assez seuls en garde de nuit. Lors de la première vague, un interne a pu signer quatre ou cinq certificats de décès de patients dont il ne connaissait rien », poursuit le vice-président du SIHP, pointant un défaut d’encadrement. Pour son confrère, les leçons du suicide d’Élise Marbach, interne qui s’est donné la mort début 2020, n'ont pas été tirées. « Seule en garde, elle a connu deux décès la même semaine et aucun débrief n’a été fait. C’est infernal, criminel », s’insurge l’interne en réa.
Selon lui, les retours sur les situations difficiles et les moments réguliers de discussion doivent être plus systématiques. « Il est essentiel de former les encadrants à l’accompagnement des internes pour mettre en œuvre un vrai compagnonnage », estime Gaétan Casanova.
L’isolement a par ailleurs été alimenté par un manque de socialisation entre internes. « Les temps informels et festifs entre internes permettent de se retrouver, d’échanger sur le vécu, sur la rudesse de ce qui est traversé. Sans retour sur la gravité de la situation, on risque de prendre de mauvaises habitudes, juge Alexandre Brudon. Le collectif permet aussi de passer le cap du “savoir faire” de la médecine à “savoir être” médecin ». Ainsi, au-delà du manque de pratique liée à la baisse d’activité dans des spécialités comme la chirurgie, c’est la formation de l’ensemble des internes qui est impactée.
Désaffection des services de réa
En conséquence, en Île-de-France, certains services sont désertés par les internes. « Pour le semestre d’été, environ 10 % des postes de réanimation ne sont pas pourvus. C’est tout à fait inédit », estime le vice-président du SIHP. Cette désaffection n’est pas un désengagement selon lui, mais une protection face à une « situation inacceptable ». « C’est un réflexe de protection. Quand on fait de la médecine, ça tient aux tripes, malgré les journées difficiles. Mais ce métier peut mettre en danger et c’est une sagesse de savoir s’arrêter », poursuit-il.
Car la crise a exacerbé des difficultés préexistantes. « Les internes réalisent déjà, hors Covid, 60 heures de travail hebdomadaire, et même plus pour 30 % d’entre eux. En temps de Covid, il n’y a plus de marge de manœuvre et l’épuisement est généralisé », avertit Alexandre Brudon. La désaffection des réanimations par les internes est ainsi la conséquence d’un manque d’anticipation et d’une invisibilité des internes, alors qu’ils représentent 40 % des personnels médicaux et 70 % des prescriptions des hôpitaux, selon Gaétan Casanova : « pour la troisième vague, avec l’expérience acquise, une réflexion aurait dû être menée sur la manière d’éviter l’épuisement des internes déjà surmenés, regrette-t-il. Pourvoir les postes en réa passera par une diminution de la pénibilité ou par la réquisition. Cette seconde option est envisagée, mais ça ne règle rien et c’est dangereux pour les internes et les patients ».
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