Les fêtes de fin d'année n'ont pas été reposantes pour tout le monde. Chez les internes, en grève illimitée depuis le 10 décembre pour dénoncer leurs conditions de travail et défendre leurs droits et leur formation, la majorité a repris le chemin des services hospitaliers le temps d'une trêve des confiseurs.
Semaine de 82 heures
Mais plusieurs d'entre eux ont partagé sur les réseaux sociaux leur quotidien éprouvant dans les services hospitaliers – entre horaires à rallonge et manque de personnel.
À l’instar de @Littherapeute, interne en médecine générale, qui a exercé dans un service désert entre Noël et Nouvel An.
Pour cette semaine entre noel et le jour de l’an, je suis le seul interne et médecin du service.
— Litthérapeute (@Littherapeute) December 26, 2019
Mais à part ça, les internes (et les paramédicaux !) ne font pas tourner l’hôpital.
À Lyon, Lucas Reynaud, président du Syndicat autonome des internes des hôpitaux de Lyon (SAIHL) et interne en médecine d'urgence, a abattu 82 heures de travail lors de la semaine de Noël.
Ma semaine de Noël vient de passer de 84 h en service de médecine, continuité des soins etc, à 82h car j’ai une chef trop cool aujourd’hui
— Reynaud Lucas (@LucasReynaud) December 23, 2019
Même sentiment ce matin, tellement content de finir ma semaine de 7j une garde de dimanche car repos aujourd’hui ; même si je re boss dès demain ... https://t.co/bMeMWCkYLO
— Reynaud Lucas (@LucasReynaud) December 30, 2019
Contacté ce lundi par « Le Quotidien », le président du SAIHL explique que ces horaires ne sont pas si atypiques. « C'est notre quotidien, on a une semaine sur deux ou trois qui dépasse les 80 ou 100 heures. Pendant l'année, on emmagasine et lors des fêtes, on a envie de retrouver ses proches, on veut souffler mais on ne peut pas. C'est un moment de blues », témoigne-t-il.
Moral des troupes
Si l'amplitude horaire dépasse l'entendement, Lucas Reynaud pointe aussi du doigt la violation du repos de garde. « La moitié des internes de chirurgie des HCL [Hospices civils de Lyon, NDLR] n'ont pas leur repos de garde et bataillent pour l'avoir », poursuit-il. Selon une enquête réalisée en 2019 par le SAIHL, 9 % des internes de toutes spécialités de cette subdivision ne bénéficient pas systématiquement d'un repos de sécurité après une garde et seuls 20 % l'obtiennent après une astreinte.
Au-delà des horaires, le président des internes lyonnais souligne le poids de ces conditions sur le moral des troupes, une « pression constante que l'on a sur les épaules ». Il a longuement exprimé son ressenti sur Twitter le soir du 31 décembre.
Autours de moi nombreux amis sont en burn out, ce terme moderne pour dire qu’on souffre au travail. En effet nous avons tous les facteurs de risques et peu de facteurs protecteurs. Travailler 35h et un mi-temps pour nous. Nous ne sommes pas corvéables à merci et pourtant ...
— Reynaud Lucas (@LucasReynaud) December 31, 2019
En formation sur le papier nous sommes en réalité en autonomie dès la fin du premier cycle des études (après six ans pour les meilleurs) : en garde la nuit nous gérons les malades de l’hôpital, seul, parfois plusieurs centaines en gros CHU comme @CHUdeLyon
— Reynaud Lucas (@LucasReynaud) December 31, 2019
Entre les annonces de diagnostics graves, la détresse des patients et leur famille, nous gérons la mort, seul ; sans debrief ni aide psychologique, sans contrôle auprès de la médecine du travail. Nous emmagasinons jusqu’à l’implosion
— Reynaud Lucas (@LucasReynaud) December 31, 2019
Face aux difficultés, le jeune urgentiste réclame des moyens pour encadrer le temps de travail. « Ça fait deux ans que l'on se bat, c'est compliqué. Au local on nous dit qu'il faut voir avec le ministère, et la ministre nous dit qu'il faut voir avec les commissions médicales d'établissement. Ils se renvoient la balle », regrette-t-il.
Blue Monday le 20 janvier
Après plusieurs journées de mobilisation des jeunes médecins, les 10 et 13 décembre, Agnès Buzyn a exposé plusieurs mesures sur le temps de travail et la rémunération. Des annonces « cacahuètes » qui n'ont pas convaincu la jeune génération, une nouvelle fois dans la rue le 17 décembre.
Contactée, Nawale Hadouiri, vice-présidente de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI), précise que plusieurs villes comme Marseille ont voté une trêve hivernale. « D'autres ont continué car le préavis de grève court toujours. À Besançon par exemple, il y a eu des grèves ponctuelles d'internes lors de gardes et astreintes. »
L'ISNI ne désarme pas et entend désormais mobiliser le 20 janvier à Paris et dans les autres villes. La date correspond au « Blue Monday », troisième lundi de janvier, le jour le plus déprimant de l'année. « Une manière de faire écho au mal-être des internes », ajoute Nawale Hadouiri.
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