Les internes lancent un appel à la grève nationale le 14 octobre pour dire « non à la coercition ! »

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Publié le 03/10/2022

Crédit photo : S.Toubon

En moins de trois mois à la tête du ministère de la Santé, François Braun aura réussi à mettre les carabins dans la rue. En effet, les syndicats d’internes ont décidé samedi dernier d'un appel à une grève nationale, pour le 14 octobre prochain, assortie d’une manifestation à 14 heures avenue de Ségur afin de dire « non à la coercition ! ». Après avoir réuni leurs troupes ce week-end, l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) et l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) ont pris une décision conjointe de mobilisation nationale.

C’est l'article 23 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui a mis le feu aux poudres. Pour coller aux promesses de campagne d’Emmanuel Macron, le texte prévoit l’ajout d’une quatrième année à l’internat de médecine générale, à effectuer « en priorité » dans les zones sous-denses. Une mesure qui a mis en rogne l’ensemble des juniors. « Nous demandons le retrait du PLFSS de toutes mesures coercitives », résume auprès du « Quotidien » Olivia Fraigneau, présidente de l’Isni.

Remplacement déguisé

« Stop au mépris ! », scande encore l’Isni, qui ne voit dans cette proposition qu’une « solution de remplacement déguisée » alors que les politiques de santé « sont un échec depuis 30 ans ». « Ils nous maltraitent. Ils économisent sur notre dos. Et maintenant, en plus, ils veulent nous empêcher de choisir notre mode d'exercice. C'est non ! », tonne le syndicat d'internes. L’Isnar-IMG voit, elle aussi, dans cette mesure « un déguisement pour une année d’exploitation supplémentaire des internes ».

Et la mission de concertation annoncée par François Braun pour définir les contours de cette 4e année n’a pas suffi à apaiser la colère des jeunes. « Nous n'avons aucune garantie de ce qui va sortir de cette mission et les internes n’ont plus aucune confiance envers le gouvernement, après deux ans de maltraitance », souffle Olivia Fraigneau, qui appelle à la grève « les internes de toutes les spécialités ».

Dans un communiqué, l'Isnar-IMG déplore l'ajout de ce « cavalier social » dans le PLFSS (i.e. une mesure sans rapport avec le budget qui risque d'être censuré par le Conseil constitutionnel) « sans même attendre les conclusions de la mission dédiée convoquée par le ministère de la Santé ». Les futurs généralistes s'inquiètent, par ailleurs, également de « la menace des nombreuses propositions de loi limitant la liberté d’installation » déposées par différents groupes parlementaires dans les dernières semaines.

« Alors que nous mettons en avant depuis des années des solutions pragmatiques qui ne sont pas écoutées, il est préféré adopter une coercition qui, non contente d’être injuste envers les internes exploités pendant leurs études que nous sommes, va aggraver les difficultés d’accès aux soins sur le territoire », regrette l'Isnar-IMG. Lors d'un colloque sur « l'accès aux soins », organisé par les structures de jeunes ce lundi après-midi à Paris, son vice-président a enfoncé le clou. 

« On ne veut ni précarisation financière, ni obligation en zones sous-denses, ni une précarisation humaine, en envoyant un interne tout seul en zone isolée » a martelé, Victor Vandenberghe, vice-président de l’Isnar-IMG. « Les jeunes généralistes sont très inquiets, on s’oppose à cette méthodologie exécrable ! On ne veut pas d’une 4e année qui envoie nos étudiants dans l’inconnu » a ensuite abondé, la Dr Elise Fraih, présidente de Reagjir. 

Les seniors appelés à se joindre au mouvement

La quatrième année n'est pas le seul sujet qui fâche. Le PLFSS introduit également via l’article 25 une nouvelle modalité de régulation de l’intérim médical, à la source. Le gouvernement prévoit, en effet, d'interdire la pratique aux diplômés tout juste sortis de formation. La goutte d’eau pour l’Isni : « Le gouvernement veut "inciter" les internes à aller dans les déserts médicaux. Il veut leur interdire l’intérim après leur diplôme. Parce que tout contrôler de notre exercice pendant nos études ne leur suffit plus ! » Un avis partagé par le syndicat Jeunes Médecins, lui aussi opposé à cette mesure.

Le 14 octobre, les internes pourront compter sur le soutien de certains de leurs aînés. Le Regroupement autonome des jeunes généralistes installés et remplaçants (Reagjir) a, d’ores et déjà, annoncé qu’il se joindrait à la mobilisation. Face à une « réforme précipitée » et des « étudiants sacrifiés », Reagjir « appelle tous les médecins généralistes installés, remplaçants et en formation à manifester ».

Discussions avec les syndicats de seniors

Déjà, l’Union française pour une médecine libre (UFML), l’URPS médecins libéraux Île-de-France ou encore le Conseil régional de l’Ordre des médecins Île-de-France ont annoncé leur opposition à l’allongement de l’internat. Et les juniors espèrent que leur mobilisation fera des émules. « Nous sommes en discussion avec d’autres syndicats de séniors qui pourraient rejoindre à notre mouvement », indique simplement, pour le moment, Olivia Fraigneau.

La dernière grève des internes remonte à juin 2021. Alors qu’Olivier Véran était encore ministre de la Santé, l’Isni était descendue dans la rue pour réclamer le respect du temps de travail des internes. Ce dernier, désormais porte-parole du gouvernement, avait été lui-même l'un des fers de lance du mouvement de grève massif des internes de 2009. Moment où le futur ministre, « sans être dupe du corporatisme que ce combat implique », avait pris goût à la politique, raconte-t-il dans son dernier livre.


Source : lequotidiendumedecin.fr