Le combat des médecins en formation connaît un large écho dans la profession. Alors que les syndicats d’internes ont appelé à descendre dans la rue vendredi prochain, 14 octobre, pour dire « stop au mépris, non à la coercition », les syndicats de praticiens installés, en ville comme à l'hôpital, soutiennent massivement cette grève nationale des juniors. En jeu : l’article 23 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui ajoute une quatrième année à l’internat de médecine générale, en ambulatoire, à effectuer « en priorité » dans les zones sous-denses.
« Mesure irresponsable »
Même si le gouvernement se défend aujourd'hui de toute coercition, les internes redoutent bel et bien que cette quatrième année soit fléchée dans les secteurs fragiles ou conduise à du remplacement déguisé. « Après avoir lutté sans relâche contre la Covid, ce n’est pas à nous de payer le tribut pour les politiques désastreuses des années 80 et 90 en matière de démographie médicale », fait valoir Olivia Fraigneau, présidente de l'Isni.
La CSMF a rejoint rapidement la bataille. Alors que la centrale polycatégorielle ne s’était jamais exprimée sur l’allongement de l’internat, elle dénonce « la solution qui consisterait à envoyer les internes, seuls, dans les déserts médicaux ». Une mesure « irresponsable tant vis-à-vis de la population concernée que de nos jeunes confrères », ajoute la Confédération qui appelle le gouvernement à éteindre le feu. « Voir les jeunes médecins dans la rue est un échec pour tous », tacle la Conf'. Le SML a apporté lui aussi « son total soutien aux internes » et voit même dans cette réforme un pas vers « un conventionnement sélectif ».
Une erreur pour MG France
Samedi, MG France a affiché également sa solidarité vis-à-vis de la mobilisation des juniors. Si le syndicat de généralistes admet qu’une « quatrième année professionnalisante est nécessaire », il dit « comprendre l’inquiétude » des carabins. « Lier cette 4e année aux problèmes démographiques dont souffre la médecine générale et les patients est une erreur », recadre MG France qui redoute une baisse de l’attractivité de la filière. Le syndicat de généralistes espère toutefois une porte de sortie grâce à la concertation sur le sujet. De fait, une mission de quelques mois a été confiée à quatre personnalités, dont le président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE).
Justement, les enseignants de médecine générale, qui défendent de leur côté cette année d’internat supplémentaire – et travaillent de longue date à sa maquette – ont posé leurs conditions à cette phase de consolidation. Sans soutenir explicitement la grève des juniors, le CNGE insiste sur la nécessité d'une année « professionnalisante, avec une construction de compétences » dans des lieux de stage élaborés en fonction « du projet professionnel des étudiants », auprès de généralistes MSU formés et agréés. Une manière à peine voilée de contester le projet gouvernemental. « Les mesures coercitives n’ont jamais fait la preuve (...) d'une quelconque efficacité sur l'accès aux soins », souligne le CNGE.
Les internes peuvent aussi compter aussi sur le soutien de l’Union française pour une médecine libre (UFML) qui dénonce « un passage en force » pour « valider une promesse ministérielle », alors que « les internes et les externes sont trop souvent maltraités au sein de l'hôpital public ». Et dès la semaine dernière, le syndicat de jeunes généralistes Reagjir appelait lui aussi « tous les médecins généralistes installés, remplaçants et en formation à manifester devant le ministère de la Santé ».
Hospitaliers et carabins aussi
Les confrères hospitaliers – sous les bannières de l’AMUF, du SNPHARe, d’APH, de la CFE-CGC et de la CGT Santé – soutiennent également la protestation des internes, tout comme les carabins. L’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) fustige au passage « l’action d’un Parlement qui se satisfait de propositions de loi coercitives appauvrissant le débat et effaçant les véritables solutions ».
À quelques jours de la mobilisation, les internes fourbissent leurs armes. Sur les réseaux sociaux, Isnar et Isni rappellent à leurs troupes comment se déclarer gréviste. Un débrayage, au choix, d’une journée, d’une heure, un arrêt des gardes ou des astreintes… « C’est un acte symbolique de grève déjà très important », motive l’Isni. Les deux syndicats mettent déjà en garde contre toute tentative d'« assignation abusive » le 14 octobre. « Il faut qu’il n’y ait aucun praticien disponible pour qu’un interne soit assigné », souligne l’Isni.
Ce lundi, en fin d'après-midi, le débat sur PLFSS s'ouvre en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. À moins trois amendements de suppression du controversé article 23 seront défendus par les diverses oppositions. Preuve que le sujet est déjà devenu très politique.
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