La qualité de vie sera un sujet « crucial » de son mandat, a déjà promis le Pr Patrice Diot, fraîchement élu président de la conférence des doyens de médecine.
Des carabins aux enseignants, le sujet mobilise toute la communauté universitaire. À preuve, plus de 200 étudiants ont assisté à une table ronde sur le sujet lors des états généraux de la conférence des doyens organisés à Caen (5 et 6 février). Toutes les enquêtes récentes ont montré la vulnérabilité et la souffrance toute particulière des carabins et des internes.
Dès 2016, une étude de l'Ordre établissait que 25 % des étudiants en médecine jugeaient leur état de santé moyen (21 %) ou mauvais (3 %). Surtout, 14 % affirmaient avoir eu des idées suicidaires. En 2017, une enquête de référence sur la santé mentale des jeunes médecins en formation – premier, deuxième et troisième cycle – menée auprès de 22 000 personnes montrait que deux juniors sur trois étaient anxieux (contre 26 % dans la population générale). 28 % d'entre eux avaient une symptomatologie dépressive (10 % chez les Français). Le non-respect de la réglementation du temps de travail et du repos de sécurité étant des facteurs de risque avérés dans l'anxiété et la dépression.
Ce n'est sans doute pas un hasard si les séminaires et formations du Centre national d'appui (CNA), créé en juillet 2019, font « salle comble », se félicite le Dr Donata Marra, présidente de cette structure et auteure en avril 2018 d'un rapport alarmant sur la qualité de vie des étudiants en santé.
La détresse, c'est tabou
Outre les questions de précarité financière et de dysfonctionnements organisationnels, certains professionnels et experts invitent à réfléchir aux idées reçues.
Québécoise, le Dr Anne Magnan veut en finir dès la formation avec le « mythe du médecin surhumain ». Elle a créé le « programme d'aide aux médecins du Québec », association qui accompagne et oriente les praticiens en souffrance sans leur prescrire « ni traitement, ni arrêt de travail ». La difficulté à ses yeux, c'est que très tôt « les médecins minimisent voire ignorent » leur souffrance. « La détresse est un tabou, il faut enseigner aux étudiants à prendre soin de leur santé », exhorte-t-elle, soulignant que cette problématique est la même en France.
Une analyse partagée par Philippe Svandra, cadre de santé et formateur à l'université Paris-Est. Selon lui, les étudiants en santé sont confrontés lors de leurs stages à des encadrants « aux faux airs de superhéros ». Ils font face à « un idéal soignant tyrannique » qui les incite à « maîtriser leurs émotions et leurs peurs » sans rien laisser paraître. « Les soignants sont tenus de cacher leurs souffrances », résume-t-il.
Cet expert attribue la « violence ressentie lors des stages » à une organisation pyramidale où les étudiants ne sont jugés et classés « que sur leurs performances ». D'où sa proposition de revoir les exigences de la formation à l'aune de la « réalité » d'un exercice parfois compliqué. « Il faut passer de l'idéal de la pratique à la pratique idéale », suggère-t-il.
Selon le ministère, un des objectifs de la réforme des trois cycles des études – de la suppression de la PACES et du numerus clausus jusqu'à la fin des ECN – est précisément d'améliorer la « qualité de vie et le bien-être » des étudiants en santé.
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