« Tolérance zéro, engagement total ». Pour lutter contre les maltraitances à l'encontre des étudiants en santé, les ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont adressé, le 18 mai, un courrier en forme de piqûre de rappel à la communauté hospitalière et universitaire : recteur, directeur d’ARS, doyens, maîtres de stage ou encore président de CME… « Le mal-être qui gagne nos étudiants en santé est un sujet que nous ne pouvons ignorer », introduit la lettre signée d’Olivier Véran et Frédérique Vidal. Les deux ministres « condamnent avec la plus grande fermeté ces situations intolérables », citant le harcèlement, les violences morales et sexuelles, mais aussi les suicides, qui touchent particulièrement les internes.
Enquête sur le temps de travail
« Ces souffrances, que nous peinons parfois à identifier, peuvent avoir de multiples causes, parmi lesquelles des raisons personnelles, un terrain de stage inadapté, une orientation professionnelle remise en cause, un environnement de travail pénible, incluant le non-respect des temps réglementaires de travail », peut-on lire.
De fait, le temps de travail moyen des internes – très supérieur aux 48 heures légales du droit européen – est un facteur crucial de mal-être et d’épuisement professionnel, aujourd'hui reconnu noir sur blanc par les ministres. « Les mots sont clairs, on voit qu’il y a une volonté politique », admet Gaétan Casanova, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI).
Une nouvelle enquête sur le respect du temps de travail dans les hôpitaux devrait être lancée par Olivier Véran dans les jours qui viennent. « L’enfer est pavé de bonnes intentions, on attend de voir comment sera menée l’enquête, en espérant que le ministre proposera des outils pour résoudre ce problème », nuance Gaétan Casanova.
Des pénalités pour les services maltraitants ?
« Des sanctions financières pour les services qui ne respectent pas le temps de travail des internes seront normalement inclues dans le PLFSS 2022 », assure Morgan Caillault, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG). Le syndicat propose des sanctions « graduées » pour les services qui ne respectent pas le droit – allant du simple avertissement au retrait d’agrément de stage, en passant par des sanctions financières proportionnelles au nombre d'internes et de demi-journées concernés par une surcharge de travail.
Une nouvelle structure devrait être mise en place pour vérifier le respect de ce temps de travail, a assuré Olivier Véran lors d'une visioconférence le 18 mai devant des centaines d'étudiants. « Cela va dans le sens de nos propositions, mais nous attendons d’avoir plus de détails. Nous souhaitons que cette structure s’occupe également des violences, avec des aides juridiques et un parcours fléché pour les victimes », demande Morgan Caillault.
« Omerta hallucinante »
Dores et déjà, dans leur courrier, les ministres exigent « plus de fermeté » sur les violences morales, physiques et sexuelles subies par les étudiants en santé. Ils proposent eux-aussi de retirer l’agrément de stage aux services maltraitants et de pouvoir réaffecter l’étudiant en souffrance dans un autre service. « C’est un signal positif car c’est la première fois qu’Olivier Véran s’engage sur ce sujet », poursuit Morgan Caillault, rappelant que « 99 % des étudiants déclarent avoir déjà subi des violences morales, sexistes ou physiques au cours de leur stage ». « Il existe une omerta hallucinante, un silence absolu autour des violences sexuelles dans le milieu médical », abonde Gaétan Casanova (ISNI).
Selon une enquête menée par les syndicats de jeunes en 2017, deux tiers des internes présentent des signes anxieux, 28 % des symptômes de dépression et 26 % des idées suicidaires. Quatre ans plus tard, le syndicat relance une étude pour faire un état des lieux de la santé mentale des internes.
Par ailleurs, dans le cadre de la campagne #Protegetoninterne, l’ISNI publie une série de vidéos très illustratives pour alerter sur les conditions de travail des internes. Après deux spots consacrés à l'épuisement et aux violences sexistes et sexuelles, la dernière se penchera sur le harcèlement moral.
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