Après la forte mobilisation des hospitaliers le 14 novembre, c'est au tour de la jeune génération médicale de manifester sa colère en entamant une grève « illimitée » à compter du 10 décembre, à l'appel de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI).
La défense du statut de praticien en formation est au cœur de ce mouvement « junior » qui ouvre un nouveau front en plein mouvement social contre la réforme des retraites. Au cœur des revendications des internes, la revalorisation de la rémunération de base, le doublement des indemnités de garde (119 euros) mais aussi le décompte horaire du temps de travail (assorti du paiement des heures supplémentaires), sans oublier le respect systématique du repos de sécurité. L'ISNI réclame aussi une politique d'aide au logement indexée sur les prix de l'immobilier.
Ce n'est pas tout. La jeune génération attend un investissement public sur la formation. Depuis la rentrée, les laboratoires ne peuvent plus financer l'hospitalité aux étudiants et internes pour toutes les réunions à vocation scientifique. De nombreux congrès et séminaires ont été annulés. Les modalités de délivrance (plus tardive) de la licence de remplacement inquiètent également, tout comme la future procédure de choix de stage en fin d'internat, jugée floue.
30 à 50 % de grévistes ?
Depuis plusieurs jours, les juniors sont dans les starting-blocks. Selon un décompte de l'ISNI, 30 à 50 % des internes ont déposé un préavis de grève d'au moins une journée. « C'est beaucoup plus qu'une colère, explique Nawale Hadouiri, vice-présidente de l'ISNI en charge de l'enseignement supérieur. Les internes ont envie de faire éclater toutes leurs inquiétudes pendant ces journées. »
L'ISNI a créé plusieurs pages Facebook pour mobiliser. Elle propose de commencer dès demain par une journée « Bouge ton CHU » au cours de laquelle les internes distribueront des tracts aux usagers. Suivra un « Black Friday des internes » le vendredi 13, où les jeunes sont appelés à manifester dans la rue et à rencontrer les Français. Enfin, une « grande marche » est prévue à Paris le 17 décembre pour sauver l'hôpital public et l'internat. Les syndicats locaux adhérents devraient affréter des bus pour rejoindre la capitale. Le syndicat veut aussi toucher la permanence des soins avec le mouvement « ni gardes ni astreintes » de 18 h 30 à 8 h 30.
Une cagnotte a été lancée en ligne il y a une dizaine de jours. « L'objectif est de redistribuer cet argent aux internes grévistes pour compenser leur perte de revenus. Nous avons estimé les besoins à 50 000 euros », ajoute Nawale Hadouiri.
Sur les réseaux sociaux, le Syndicat autonome des internes des hôpitaux de Lyon (SAIHL) a lancé une campagne choc pour sensibiliser le public au quotidien des jeunes médecins et faire passer des messages clairs sur la rémunération…
Nous sommes les esclaves des temps modernes ... mais nous souffrons en silence pic.twitter.com/xGqkyAaEBY
— Reynaud Lucas (@LucasReynaud) December 9, 2019
ou sur les conséquences de ce rythme de travail.
Les différents enquêtes sur les risques psycho sociaux sont sans appel, nous sommes la catégorie d’âge et socio professionnelle la plus exposé au burn out et au risque suicidaire pic.twitter.com/DUO5MpmfmE
— Reynaud Lucas (@LucasReynaud) December 9, 2019
Nous sommes étudiants sur le papier seulement, car en vraie nous sommes professionnels de santé à temps pleins... pic.twitter.com/pqmWamkqZR
— Reynaud Lucas (@LucasReynaud) December 9, 2019
Renforts
Ces derniers jours, l'ISNI a reçu plusieurs renforts. Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) appelle depuis vendredi les internes de médecine générale à se joindre au mouvement de grève à compter du 10 décembre.
L’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) déposera de son côté un préavis de grève pour la journée de mobilisation hospitalière du 17 décembre. « Notre épuisement participe à la crise du système de santé et doit cesser, explique Marianne Cinot, présidente de l'ISNAR-IMG. Les internes ne sont pas la variable d’ajustement d’un système déficient. Nous sommes avant tout des soignants en formation. »
Le syndicat réclame le respect strict du temps de travail réglementaire, assorti de sanctions financières en cas de non-respect. L'ISNAR-IMG veut aussi un encadrement des demi-gardes de début de nuit. « Ces demi-gardes en semaine sont pratique courante mais n'ont pas d'existence légale », assure le syndicat qui souhaite aussi une revalorisation des salaires.
Côté seniors enfin, les organisations représentatives des personnels médicaux hospitaliers et hospitalo-universitaires (APH-JM, CMH, INPH et SNAM-HP) soutiennent la grève de leurs jeunes confrères. « Les organisations d'internes ont décidé de rejoindre le mouvement social qui touche les hôpitaux depuis des mois, notent-elles dans un communiqué commun. Il est important de leur montrer que les praticiens seniors sont solidaires de leur action. »
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