Face à la pénurie de médecins, le Parlement a entériné mercredi 18 juin, après un dernier vote du Sénat, une réforme de l'accès en deuxième année de médecine censée permettre de former davantage de professionnels de santé, une ambition qui se heurte aux moyens limités des universités.
La proposition de loi – à l’initiative de Yannick Neuder lorsqu'il était encore député avant de devenir ministre de la Santé – et reprise depuis son arrivée au gouvernement, a été largement soutenue par la chambre haute à main levée. Aucune modification n'a été effectuée par le Sénat par rapport à la version votée fin 2023 à l'Assemblée nationale, afin de permettre une entrée en vigueur rapide de la réforme.
Les besoins de santé, premier critère
Sur le fond, ce court texte met fin au numerus apertus, qui avait lui-même remplacé à la rentrée 2020 le numerus clausus, un quota restrictif d'étudiants acceptés en deuxième année de médecine. Un changement qui avait produit un résultat très mitigé. Là où le numerus apertus se basait sur les capacités de formation des universités, forcément limitées, la nouvelle réforme entend lever cette barrière en conditionnant prioritairement le nombre d'admissions aux « besoins de santé du territoire ». ARS et élus locaux pourront ainsi sommer les facultés d’accroître leurs capacités d’accueil. Les capacités de formation resteront un critère d'accès en deuxième année, mais seulement « subsidiaire ». « Il faut inverser la logique qui nous a guidés jusqu'ici », a plaidé Yannick Neuder devant les sénateurs, appelant à « un électrochoc de formation » pour « assurer l'avenir de notre système de santé ». « Cette proposition ne permettra pas de résoudre l'ensemble des difficultés constatées dans les études de santé, mais les mesures qu'elle porte seront utiles pour augmenter le nombre d'étudiants », a prolongé le président de la commission des Affaires sociales du Sénat, Philippe Mouiller, membre des Républicains, comme le ministre.
La qualité des enseignements en question
Si l'ambition du texte a été partagée par tous, de sérieuses réserves subsistent sur son efficacité réelle, alors que les moyens alloués aux étudiants en médecine font déjà l'objet de vives critiques dans les universités, dans un contexte de sous-financement chronique. Les locaux pourront-ils être agrandis ? Les enseignants seront-ils assez nombreux pour encadrer ? Les terrains de stages seront-ils disponibles ?
« Ne nous faisons pas d'illusions : les universités ne pourront pas former davantage d'étudiants que leur capacité d'accueil réelle, simplement parce qu'on le leur demande, sauf à dégrader la qualité des enseignements », a alerté la sénatrice socialiste Emilienne Poumirol. Plusieurs élus ont appelé le gouvernement à se donner les moyens de ses ambitions lors des prochains débats budgétaires de l'automne, qui s'annoncent tendus en raison des économies recherchées par l'exécutif pour faire face au dérapage du déficit public.
La proposition de loi comporte d’autres mesures, comme un dispositif de réintégration des étudiants français partis étudier en Europe, ou encore la facilitation des reconversions des professionnels paramédicaux souhaitant s'engager dans des études de médecine.
Saturation
L’adoption de cette proposition de loi a suscité de vives réactions du côté des premiers concernés. Dans un communiqué, l’Association des étudiants en médecine de France (Anemf), fustige une réforme menée « sans concertation préalable » et alerte sur le risque d’avoir demain des universités « saturées », « dans l’incapacité de répondre aux besoins des étudiants ». Le syndicat de carabins prévient qu’une telle évolution « impacterait indéniablement les enseignements théoriques et pratiques des étudiants et c’est la qualité de la formation des futurs médecins qui s’en retrouverait dégradée ».
Pas en reste, les doyens des facultés de médecine soulignent que les admissions ont déjà augmenté de 50 % en dix ans, à moyens constants, et s’inquiètent du futur casse-tête logistique et financier. À leurs yeux, le numerus apertus garantissait un équilibre entre les besoins territoriaux et les capacités universitaires. « Sans moyens supplémentaires, continuer à augmenter le nombre d'étudiants aggraverait encore la situation et dégraderait la formation de nos futurs médecins », pointent-ils.
Tous appellent à l’ouverture rapide de la Conférence nationale de santé pour définir des objectifs pluriannuels « réalistes » d’admission en filière médecine.
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