Le Pr Didier Samuel, responsable de l’unité d’hépatologie et de réanimation hépatique de Paul-Brousse (AP-HP) et doyen de la faculté de Paris-Saclay, est motivé. Fraîchement élu à la tête de la Conférence des doyens de médecine, il livre devant les journalistes réunis lors d'une conférence de presse ce lundi 16 mai ses objectifs.
« Aider à la mise en place des réformes, à redonner du sens aux études médicales, à renforcer la place de la recherche, à redonner de l’attractivité aux études hospitalo-universitaires et à assurer le bien-être et la qualité de vie au travail pour les étudiants », développe-t-il.
Assurer l'équité d'accès aux études de médecine
Sur la réforme du premier cycle, il s’agit selon le Pr Samuel d’un « changement de paradigme monumental », lequel a été « très vite mis en place dans un contexte de pandémie », ce qui explique les « difficultés de compréhension du parcours des étudiants et des parents »… et les nombreux couacs. Ainsi, admet-il, « la clarté mérite d’être augmentée », l’objectif étant de « permettre aux étudiants de s’approprier les parcours et d’adapter les programmes trop lourds ».
Un des autres enjeux, explique le praticien, est d’assurer l’équité d’accès aux études de médecine selon les parcours (PASS ou L.AS). Il demande donc « une évaluation en temps réel, chaque année » pour suivre la réussite des étudiants en L.AS. Le doyen des doyens a également indiqué que l’oral, sur l’ensemble des facultés, représente 30 % de la note globale. La recommandation veut qu’il ne dépasse pas 50 % de la note.
« La réforme a eu lieu, mais elle ne remet pas en compte la qualité de la formation des médecins en France », conclut-il, affirmant que la diversification des profils est souhaitable, car la médecine n’est pas que scientifique.
Plus globalement, « le métier de médecin change : il ne peut plus tout faire », il faut selon le Pr Samuel penser « au modèle économique, pour ne plus être attaché à l’acte ». Bref, « il faut en permanence revoir les programmes » : prévention des maladies, santé environnementale, sport-santé… « On doit évoluer avec notre temps », estime le médecin.
Les compétences plutôt que les connaissances
Le Pr Samuel veut également « remettre les compétences et non pas les connaissances » au centre de la réforme du deuxième cycle, ainsi que « prendre en compte le projet professionnel ». Il défend en ce sens les examens cliniques objectifs structurés (Ecos), permettant aux étudiants de « faire un parcours clinique », qui, selon lui, « se rapproche le plus du métier de médecin » et représente 30 % de la note finale.
Les ECN sont eux remplacés par les EDN, représentant 60 % de la note, lesquels auront lieu en début de la sixième année et non plus à son terme. L’appariement, lui, comptera pour 10 % de la note, sous forme de contrôle continu et prendra en compte le choix de spécialité, la ville, etc.
Niveau calendrier, le premier EDN aura lieu fin 2023 et les premiers Ecos en 2024. « Il faut réussir l’atterrissage de la réforme », précise-t-il, pour « redonner sens aux études médicales ».
Des Dr juniors pour les déserts médicaux ?
Pour le Pr Samuel, la réforme du troisième cycle se découpe en trois phases : le socle, l’approfondissement de trois ou quatre ans et la consolidation « ou Dr junior », détaille-t-il. Il s’agit selon lui d’une « phase in between, entre l’internat et le cliniquat ». En médecine générale se discute actuellement l’allongement du DES et, affirme-t-il, l’influence de la problématique des déserts médicaux dans la campagne présidentielle a accéléré le processus.
Toutefois, « ce ne doit et ne peut pas être l’unique réponse à la désertification. Il doit y avoir d’autres réponses », déclare-t-il, fermement. « Si on crée une quatrième année, il faut une réflexion globale sur la maquette », précise-t-il. Le doyen ajoute qu’un groupe de travail est en place avec le syndicat Isnar-IMG, gommant au passage sa première sortie médiatique controversée sur les stages en cabinet.
« Il est important que les acteurs (enseignants, internes), aient une réflexion en amont sur ce que doit être la maquette plutôt que de se faire imposer par le futur gouvernement une quatrième année coercitive, uniquement dans les zones sous-denses », poursuit-il, avant de conclure : « il faut que les internes soient accompagnés et qu’ils puissent continuer leur formation ».
Engagé contre les RPS et VSS
Sur les risques psychosociaux (RPS) et les violences sexistes et sexuelles (VSS), le Pr Samuel a expliqué raisonner en triptyque : « écoute, réactivité et protection », se disant particulièrement engagé. Une réunion publique à ce sujet aura lieu le 10 juin prochain.
Interrogé sur la polémique à la faculté de Tours – où son prédécesseur, le Pr Patrice Diot, est doyen – le Pr Samuel a souligné la « réactivité immédiate » de la faculté. Aussi, précise-t-il, rapportant les propos du procureur : tant qu'aucune condamnation n'est intervenue, l'étudiant peut poursuivre ses études. Le Pr Samuel a affirmé aux journalistes que le Pr Diot n’a pas écrit de lettre de soutien à la faculté de Limoges, pour que l’étudiant y soit inscrit.
En revanche, la faculté de Limoges était bien au courant de la procédure judiciaire en cours. Seul bémol à ses yeux : « il est possible qu’il eut été nécessaire de faire une procédure universitaire en parallèle de l’enquête ». Il demande des « guidelines » sur « l’attitude à avoir tant qu’une affaire n’est pas jugée. Le temps intermédiaire doit être organisé ».
Prudent sur la fac croate à Orléans
Interrogé sur la future antenne de la faculté de Zagreb (Croatie) à Orléans, le Pr Samuel s’est montré prudent. « Les étudiants auront un diplôme européen, croate, légitime et de qualité, mais le parcours de l’étudiant devra être validé par la faculté de Zagreb, laquelle n’a pas demandé d’agréement de stage hospitalier à l’hôpital d’Orléans jusqu’alors ». Cela signifie que les étudiants devront peut-être faire tous leurs stages… en Croatie !
Le Pr Samuel a également indiqué qu’aucune décision n’a été prise sur les conditions d’accès à la licence de remplacement. Il dit toutefois « comprendre le besoin économique des internes à faire des remplacements, car ils sont peu payés au regard de leur diplôme ».
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