C'est l'une des (très controversées) dispositions de la loi immigration qui a été définitivement adoptée mardi 19 décembre par le Parlement : la mise en place d'une caution pour tous les étudiants étrangers désireux de venir étudier en France.
Introduite par les sénateurs LR lors du vote de la chambre haute, cette mesure pourrait concerner directement les étudiants qui visent les facultés de médecine de l'hexagone.
Inscrite dans l'article L.422-1 du projet de loi, cette disposition subordonne la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » au dépôt d'une caution par le requérant. La somme est ensuite restituée à l'étudiant lorsque celui-ci quitte le territoire au moment de l'expiration de son titre de séjour.
En cas de renouvellement ou de l'obtention d'un autre titre de séjour avec changement de motif, la somme lui est également remise, précise le texte. Cette caution est en revanche « définitivement retenue lorsque [l'étudiant étranger] s’est soustrait à l’exécution d’une décision d’éloignement ».
Fureur des universitaires
Très remontés, les présidents d'universités ont, à coups de communiqués de presse, dénoncé une mesure « inacceptable ». « Cela va à l'encontre des valeurs de la République et de la tradition multiséculaire d'ouverture au monde de l'université française. C'est une insulte aux lumières », a ainsi réagi France universités qui rassemble l'ensemble des dirigeants des universités et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
C'est désormais 61 présidentes et présidents qui ont signé le communiqué relatif à la #LoiImmigration : https://t.co/WwEbcQbbn6
— France Universités (@FranceUniv) December 20, 2023
Contactée par Le Quotidien, la présidente de la commission santé de France universités, le Pr Macha Woronoff, se dit « atterrée » par le contenu de ce texte. « Nos universités rayonnent et s'enrichissent grâce à la présence de très nombreux étudiants sur notre territoire, qu'ils soient communautaires ou extracommunautaire. La mise en place de cette caution, qui risque de détourner les étudiants de notre pays, met clairement en danger l'attractivité de la France en matière d'enseignement supérieur et de recherche. Il est évident que cela va conduire à une forme d'appauvrissement, de perte de mélange culturel », regrette-t-elle.
Sans médecins étrangers, hôpitaux en danger !
La PU-PH en pharmacie, également présidente de l'université de Franche-Comté, s'inquiète aussi des conséquences dramatiques qui pourraient découler de cette loi sur le plan de la démographie médicale.
« Au sein des filières santé, de nombreux étudiants arrivent au début des études de santé ou à partir du troisième cycle. Certains décident ensuite de rester exercer sur le territoire. Sans eux, de nombreux hôpitaux français seraient en très grande difficulté. J'ai le sentiment que cette loi ne prend absolument pas en compte la réalité des besoins de santé de la population française. On ne peut pas d'un côté vouloir résorber les déserts médicaux et, de l'autre, empêcher ou rendre extrêmement complexe toute arrivée sur le sol français d'étudiants étrangers. C'est une aberration ! », clame l'universitaire.
Prix fort ou prix dérisoire ?
Interrogée mercredi 20 décembre sur France inter, la Première ministre Élisabeth Borne a tant bien que mal tenté de dégonfler la polémique. « Je réponds, [à ceux qui s'offusquent], qu'ils n'ont sûrement pas eu le temps de lire le texte dans lequel nous disons très clairement que le ministre de l'Enseignement supérieur pourra dispenser certains étudiants de cette caution selon leurs ressources ou selon leurs parcours scolaire ou universitaire. Est-ce le meilleur système ? Pas forcément. Est-ce qu’il faut y réfléchir ? Peut-être qu'on pourra en re-débattre », a-t-elle répondu.
Sondée sur le montant de cette caution, la cheffe de la majorité a soufflé le chiffre de « 10 ou 20 euros. Cela sera renvoyé à un texte réglementaire » a-t-elle rapidement balayé, laissant la journaliste Léa Salamé abasourdie. « Vous avez créé un texte pour une caution de 10 euros », lui a-t-elle rétorqué.
Réponse de la Première ministre : « Pour pouvoir faire ses études en Allemagne, on doit déposer 11 000 euros sur un compte bloqué ! ». La veille, à l'Assemblée nationale, le montant d'une caution de 10 000 euros avait été évoqué par certains parlementaires.
Le gouvernement mange son chapeau
Invité sur France 5 mercredi soir, Emmanuel Macron a rétropédalé et estimé que cette caution était « une mauvaise idée ». « Je pense qu'on a besoin de continuer à attirer des talents d'étudiants du monde entier. Je pense que c'est une force de la France, cela fait partie de notre modèle. Dire que parce que vous êtes étranger on veut demande une caution, ce n'est pas le message de la France. »
Malgré ces veines tentatives d'apaisement, les critiques à l'égard de cette mesure n'ont cessé de pleuvoir jusqu'à ce matin sur le plateau de France info où Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, était invitée à débattre. « Au départ, la loi immigration, telle qu’elle était voulue par la majorité présidentielle, était une loi qui s’attaquait à l’immigration clandestine. Mais il y a une forme de glissement sémantique, on est en train de prendre le problème à l’envers. Au lieu de s’attaquer objectivement à l’immigration clandestine, on en vient à réduire l’attractivité de notre pays pour des étrangers légaux », a-t-elle regretté.
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