De l'eau a coulé sous les ponts depuis l'affaire Mediator et la transparence a gagné du terrain. Depuis 2014, tous les professionnels de santé, dont les médecins, sont désormais tenus de signaler l'ensemble de leurs liens d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique.
« Un lien d’intérêt est l’existence d’une relation financière directe ou indirecte entre le médecin et l’industrie pharmaceutique », synthétise le Dr Yohann Vergès, secrétaire général du syndicat REAGJIR (jeunes généralistes installés et remplaçants). Qu'ils soient médecins de terrain, universitaires, ou experts de laboratoire, tous doivent signaler leurs liens éventuels avec les firmes qui commercialisent des produits de santé concernés par leurs interventions. En pratique, c'est l'industriel qui doit déclarer sur la plateforme Transparence.sante.gouv.fr. les avantages, rémunérations,dès lors que leur valeur est supérieure ou égale à 10 euros. Doivent ainsi être mentionnés les repas, hébergements, cadeaux, dons de matériel, règlement de transport... Depuis fin 2016, les rémunérations versées dans le cadre des conventions, doivent également être signalées par les industriels.
Cette évolution réglementaire a été opérée pour éviter que le lien d'intérêts ne devienne un conflit d’intérêts. L'un des enjeux de cette démarche est de faire prendre conscience au médecin que l’industriel influence son jugement et ses prescriptions, même inconsciemment, le praticien « s’obligeant » à jouer le jeu du laboratoire, on parle alors d’influence invisible.
La base de données publiques Transparence Santé rend accessibles toutes les informations déclarées par les entreprises sur les liens d'intérêt qu'elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé. « Pilotée par le ministère de la Santé, cette initiative de transparence vise à préserver la nécessaire relation de confiance entre les citoyens, les usagers et les multiples acteurs du système de santé », est-il précisé sur le site.
Ainsi tout engagement dans une étude sur un médicament, toute réunion d’information citant des thérapeutiques, tout rapport médical indiquant sa participation nécessite une déclaration par l’industriel à chaque ligne de médecin.
Un enjeu aussi pour les experts
Le praticien peut être aussi sollicité en tant qu’expert pour une conférence, une table ronde, « une information » ou une présentation dans le cadre d’un congrès. Avant toute intervention, il doit alors aussi déclarer à son auditoire ses liens d’intérêt avec l’industriel, quel que soit le sujet débattu, l’étude où il est investi ou la recherche qu’il conduit afin d’éclairer l’auditoire sur l’objectivité de son intervention, et cela en toute transparence.
Si le médecin travaille, ponctuellement ou épisodiquement pour une institution sanitaire comme la HAS, l’Anses, ou l’INCA… il doit aller plus loin et au préalable de son travail puis, régulièrement remplir une Déclaration Publique d’Intérêts (DPI). Il en est de même lorsqu'un médecin est auteur dans une revue médicale.
Les obligations des laboratoires
Le Sunshine Act à la française a aussi eu un impact sur les obligations des laboratoires pharmaceutiques. Les industriels du médicament, pharmaceutiques, cosmétiques, paramédicaux mais aussi des industriels du complément alimentaire ou du dispositif médical sont également tenus d'effectuer leurs déclarations sur transparence.gouv.fr.
Toutes les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire ou cosmétique doivent y rendre publics les avantages, les rémunérations accordés aux différents acteurs de la santé, ainsi que l’existence des conventions conclues avec les médecins.
Les informations mises à disposition et accessibles à tout un chacun, sont issues de déclarations réalisées, deux fois par an, et publiées sur le site sans le consentement du médecin. Les entreprises sont donc responsables de l’exactitude des contenus publiés.
C’est à la faculté que les futurs médecins sont le plus exposés à l'influence des laboratoires car ils ne sont pas encore formés à une analyse critique alors qu’ils sont en contact de première ligne avec des représentants médicaux ou sont des cibles captives d’environnements hospitaliers les exposant à leur insu. Ainsi dès le premier échange avec un délégué (commercial) au cours d’un petit déjeuner à l’hopital, la firme fait une déclaration et l’étudiant doit retrouver sur Transparence Santé son nom, lié d’un intérêt avec un laboratoire pour un repas, une participation à une promotion, un échantillon reçu… La culture de l’indépendance et de la transparence a germé et a gagné aussi le financement des syndicats de jeunes médecins. « On se reconnaît dans la charte Formation médicale Indépendante et dans la loi anti cadeau, explique Yohann Vergès de Reagjir. On organise des formations sans soutien voire bénévolement et on cherche des sponsors loin de l’industrie pharmaceutique. »
Article mis à jour le 12/02/2020
Archimede, un portail pour aider les généralistes être transparents
Le Collège de Médecine Générale (CMG) veut aller plus loin dans la transparence et a développé sa propre plateforme en direction des médecins. Son portail Archimede propose ainsi une « interface d’accès libre de création, de mise à jour et de consultation de déclarations publiques d’intérêts des médecins et étudiants en médecine français ». Le président du CMG, le Pr Paul Frappé en explique le fonctionnement : « C’est un outil complété par le médecin lui-même qui devient donc acteur de ses déclarations, l’encourageant à réfléchir et à se questionner sur ses propres liens d’intérêts. Par ailleurs l’outil est pratique car d’un lien direct, il informe les interlocuteurs de ses déclarations. » L’accès est gratuit et encourage chacun à se positionner, assurant sa crédibilité.
A. C.
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