Un immense plongeon dans l’océan. Telle est l’image, un brin romantique, que le jeune généraliste se fait souvent de l’installation quand il la contemple de loin. Mais plus le praticien s’approche du moment fatidique, plus il se rend compte qu’il existe des alternatives au grand saut vers l’inconnu. Il peut d’abord tremper un orteil, voire un pied, dans la vie de médecin libéral, afin de voir si c’est vraiment celle qu’il veut mener. Et une fois qu’il est sûr, il peut décider s’il a réellement envie de s’y immerger totalement.
« Il y a une sorte de continuum : on commence par faire des remplacements, puis on a envie de faire les choses de manière plus régulière et on devient collaborateur, et on finit par choisir l’installation classique », explique le Dr Yannick Schmitt, président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir). Le jeune médecin en convient : il s’agit là d’une progression schématique qui ne reflète pas l’expérience de tous les généralistes. Mais rares sont les installés qui n’ont jamais tâté, en début de carrière, de l’une ou l’autre des alternatives à l’installation.
La liberté toute relative du remplaçant
La première de ces alternatives, dans l’ordre chronologique, est le statut de remplaçant. On peut (du moins en théorie) y goûter dès qu’on a validé trois semestres d’internat de médecine générale, dont le stage chez le praticien de niveau 1. En plus d’être un moyen de découvrir son métier tout en gagnant sa vie, le remplacement offre aux jeunes médecins les avantages d’une grande flexibilité. Mais celle-ci est à tempérer. « Tout le monde veut être remplacé pendant les vacances scolaires : il y a donc beaucoup de travail à ces moments-là, mais il y en a beaucoup moins au mois de janvier, par exemple », prévient Yannick Schmitt. Celui-ci a calculé qu’un généraliste remplaçant se disant à temps plein travaille en moyenne 26 à 28 semaines par an.
Autre inconvénient du statut de remplaçant : on n’encaisse pas ses propres honoraires, ceux-ci étant rétrocédés par le médecin remplacé à hauteur de 75 à 80 % en moyenne. Ajoutons à cela le fait qu’un remplaçant ne peut pas se déclarer médecin traitant des patients qu’il suit, et qu’il ne touche pas les forfaits tels que la Rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), et l’on comprendra aisément que les remplacements ne constituent bien souvent qu’une période relativement courte de la carrière des généralistes.
La souplesse du collaborateur
L’étape suivante peut être une installation, mais beaucoup lui préfèrent d’abord le statut de collaborateur qui, contrairement à celui de remplaçant, permet de travailler en même temps que le médecin avec lequel on signe le contrat. « L’avantage, c’est la souplesse du mode d’exercice, la simplicité de la comptabilité : on reverse une partie de ses honoraires, ce qui peut couvrir les charges du cabinet », détaille Yannick Schmitt. Autre avantage : la collaboration ouvre droit aux aides à l’installation.
Aux côtés des grands classiques que sont le remplacement et la collaboration, on trouve d’autres statuts, plus marginaux, comme celui de médecin adjoint. Initialement créé pour répondre aux afflux de patients dans certaines zones, notamment pour des raisons touristiques, celui-ci permet à des médecins non-thésés de bénéficier de conditions proches de celles de la collaboration. Il est soumis à une autorisation préalable du Conseil départemental de l’Ordre des médecins (Cdom). Dans le cadre de la loi santé actuellement en discussion, il est question d’étendre ce type de contrat aux zones sous-denses. Le statut de médecin assistant est quant à lui le miroir de celui de médecin adjoint, mais pour les médecins thésés.
Reste une question : et si la lente immersion dans la vie libérale sous forme de parcours initiatique en trois temps, remplaçant-collaborateur-installé, était un schéma aussi imparfait que le saut dans l’inconnu évoqué plus haut ? On remarque en effet que l’installation n’est plus le point d’aboutissement systématique du début de carrière des généralistes. Yannick Schmitt observe d’ores et déjà que certains médecins peuvent effectuer toute leur carrière sous le statut de collaborateur. Et il note que le développement des diverses formes d’exercice regroupé, notamment en Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), rend de plus en plus simple la mise en place de contrats alternatifs à l’installation, voire de statuts de collaborateurs… salariés. De quoi alimenter les peurs de ceux qui annoncent à plus ou moins brève échéance la fin de la médecine libérale ?
A.R.
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