La commune de Lanmeur dans le Finistère a de quoi faire des envieux. Avec cinq généralistes pour 2 200 habitants dont quatre médecins de moins de 35 ans installés depuis 2014, le village a théoriquement de quoi voir venir. Au-delà d’une éventuelle recette magique bretonne, Lanmeur peut dire merci à la maîtrise de stage. En effet, sur les quatre jeunes médecins, tous étaient passés en stage dans le pôle de santé avant de s’installer. Alors, l'accueil d'internes en cabinet de ville est-il l’outil tant attendu pour lutter contre la désertification médicale ? Il ne s'agit sans doute pas d'une solution miracle, mais politiques et institutionnels en font très clairement un enjeu essentiel pour améliorer la répartition des médecins. En août dernier, un rapport du Sénat sur la démographie médicale faisait des stages un « levier d’action essentiel ». Au-delà de la revalorisation de l’indemnité compensatoire et d’une campagne de recrutement pour les maîtres de stage universitaires (MSU), les sénateurs Jean-Noël Cardoux (LR, Loiret) et Yves Daudigny (PS, Aisne) proposaient également de « généraliser le stage de médecine générale de ville au cours de l'externat et d’en allonger la durée ». Dans son plan sur les déserts médicaux, présenté en octobre, Agnès Buzyn faisait également des stages ambulatoires une priorité. Elle annonçait 500 nouveaux lieux de stages hors de l’hôpital, dont 350 pour les généralistes, la simplification des démarches pour devenir maître de stage et rappelait la revalorisation financière de 300 euros décidée par la dernière convention, pour les MSU en zone sous-dense (en plus des 600 euros par mois à répartir entre les MSU qui accueillent un interne).
Le stage en ville semble être une formule acceptée par tous, ce qui ravit ses premiers défenseurs. « Nous avons été les premiers à dire qu’être maître de stage avait un intérêt pour les territoires, favorisant l’installation. C’est ce qui a motivé notre argumentaire pour l’intégration de la maîtrise de stage comme objectif de santé publique. Je suis très satisfait de voir que les politiques ou l’Ordre se sont approprié ce discours et y adhèrent à présent sans réserve », souligne le Dr Anas Taha, président du Syndicat national des enseignants en médecine générale (SNEMG).
Si les pouvoirs publics comptent sur les stages pour booster l’installation des jeunes, les généralistes eux-mêmes en font aussi un atout. Dans une étude de 2015 de Jean-Sébastien Cadwallader sur les “Motivations des généralistes à devenir maître de stage des universités”, la perspective de « trouver un futur associé ou remplaçant » était l’une des plus citées. Cette motivation revenait encore plus fréquemment chez les généralistes installés depuis plus de 25 ans en zone rurale. Un médecin confiait ainsi vouloir se « faire connaître pour recruter pour (sa) maison pluriprofessionnelle ». Certains praticiens trouvent en effet un associé ou un successeur parmi leurs anciens stagiaires. De manière générale, les stages en ville permettent aux internes de médecine générale de préciser leur projet professionnel.
La thèse de Déborah Fraizy sur les “modalités de débuts d’exercice professionnel des internes de médecine générale bourguignons ayant effectué un SASPAS” (2012) l'a bien démontré. Pour 47 % des interrogés, le stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (SASPAS) avait une influence déterminante sur leur mode d’exercice et sur le type de cabinet (45 %) dans leur projet professionnel. Pour près de 30 %, il avait aussi joué un rôle sur leur lieu d’exercice. Cette proportion montait à 45 % d’après une autre thèse, cette fois sur l' “évaluation de la formation en SASPAS par les internes de médecine générale de la faculté de Poitiers” (Marine Andrieux, 2014).
En revanche, les différentes études montrent que les stages ont peu d’influence sur le délai d’installation. « Les étudiants estiment ne pas être suffisamment prêts pour s’installer à l’issue des trois ans d’internat. à cet effet, la maîtrise de stage est très importante, car les internes apprennent à connaître le territoire et le fonctionnement du cabinet ou de la maison de santé dans lesquels ils peuvent être amenés à travailler plus tard. Il est plus facile de s’installer dès lors qu’ils se sont frottés à la réalité de la pratique dans le lieu où ils vont exercer, explique le Dr Taha. Dès lors qu’ils hésitent entre plusieurs lieux d’exercice, cela peut permettre d’orienter leur décision, d’après divers critères : bon contact avec les professionnels du terrain, territoire suffisamment desservi, connaissance de la patientèle, etc. »
Les anciens stagiaires prennent le relais
Les politiques partagent désormais les arguments en faveur du développement de la maîtrise de stage. Avec la nouvelle maquette de l’internat de médecine générale, entrée en vigueur à la dernière rentrée universitaire, le SASPAS est devenu obligatoire et le stage ambulatoire en niveau 1 doit être réalisé dès la première année. Il est donc nécessaire de trouver davantage de maîtres et de terrains de stages. L'équation est difficile, mais pas insoluble. En effet, les stagiaires d’hier sont les MSU d’aujourd’hui et de demain. Dans une enquête nationale de l'Intersyndicale des internes en médecine générale (ISNAR-IMG), en 2011, 71 % des internes déclaraient vouloir devenir MSU. Ce désir s’est concrétisé pour certains. « C’est une évolution normale de la profession. Les étudiants diplômés se sont installés et sont devenus maîtres de stage à leur tour », confirme le Dr Anas Taha.
De plus en plus de maîtres de stages universitaires
En 2017, ils étaient 9 135 maîtres de stage universitaires (MSU), d’après le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) (+ 6,8 % en un an). 7 733 pouvaient accueillir des internes (+ 6,8 %) et 5 030 des étudiants en 2e cycle (+ 11,8 %). Pour réceptionner ces derniers, les nouveaux installés doivent attendre un an, et deux de plus pour ceux du 3e cycle. 5 141 postes de stage sont ainsi disponibles en 2e cycle et 3 870 (de niveau 1) en 3e cycle. Jusqu’à présent, seuls 51,7 % des internes pouvaient réaliser un stage en autonomie supervisée (SASPAS), désormais obligatoire. Mais le SNEMG est optimiste. « Les MSU deviennent plus nombreux et les postes pour les internes en médecine générale diminuent. L'accueil de 100 % des internes en SASPAS devrait donc être possible d’ici l’arrivée des nouveaux en 3e année », explique le Dr Anas Taha, président du SNEMG. Le syndicat veut aussi développer l’offre en ambulatoire pour le stage pôle femme/enfant, lui aussi obligatoire en 1re année d’internat depuis la rentrée, et jusque-là trop peu proposé
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