Médecins, la seconde chance, vraiment ?

Changer de spé en cours de carrière : toujours le parcours du combattant

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Publié le 01/03/2024
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Depuis la rentrée universitaire 2023, les praticiens en exercice désireux de se reconvertir ont la possibilité de postuler à un second diplôme d’études spécialisées (DES) ouvrant droit sous conditions à une nouvelle spécialité. Ils peuvent aussi acquérir une surspécialité en préparant une option ou une formation spécialisée transversale (FST). Mais ces reconversions ne sont pas si simples.

Changer de spécialité pour devenir psychiatre après vingt ans en tant que médecin de famille ? Passer de la psychiatrie à la gériatrie… Depuis la rentrée universitaire 2023 et l’entrée en vigueur de la réforme du « deuxième DES de médecine », c’est possible. Du moins sur le papier. « Avant cette réforme, les choses étaient assez verrouillées, notamment depuis la suppression en 2021 de la procédure de validation des acquis et de l’expérience ordinale (VAE) qui permettait aux médecins d’obtenir une extension de leur droit d’exercice dans une spécialité non qualifiante », se remémore le Dr Alexis Lepetit, psychiatre et gériatre au sein du groupe associatif d’Ehpad ACPPA et aux Hospices civils de Lyon (HCL), en charge du dossier chez Jeunes médecins

Depuis ce changement, la seule option pour changer de spé était d’avoir recours à une procédure complexe de requalification ordinale. « Mais les critères imposés par les commissions nationales de qualification de chaque spécialité étaient très exigeants. Un parcours dans la spécialité concernée était requis. Dans les faits, très peu de praticiens pouvaient en bénéficier », souligne le praticien.

Face à cette lacune, des évolutions pour faciliter les démarches et simplifier la procédure étaient attendues. « Une réforme pour répondre aux accidents de la vie était nécessaire, confie le Pr Benoît Veber, président de la Conférence des doyens de médecine. Typiquement il était indispensable qu’un chirurgien victime d’un accident et dans l’incapacité de se resservir de sa main puisse se réorienter vers une autre spécialité. »

Textes tardifs

Malgré cette urgence, la réforme du 2e DES – dans les tuyaux depuis plusieurs années – a pris son temps. Un décret actant le principe de sa mise en place a été édicté en 2017. Mais les modalités d’accès à ce troisième cycle d’études – ainsi que le détail du nombre de places ouvertes et leur ventilation selon les spécialités et CHU – n’ont été connues qu’en avril 2022, à la faveur d’un arrêté pour une entrée en application dès la rentrée universitaire 2023-2024. Ce texte précise les conditions pour postuler à un changement de spécialité : être titulaire d'un diplôme d'État de médecine français ou étranger (équivalence), être inscrit au tableau de l'Ordre, mais surtout justifier d’un exercice sur le territoire national d’au moins trois ans « à temps plein ». Un verrou de taille pour des jeunes médecins qui se seraient fourvoyés dans leur spécialité d’origine, même si exception peut être faite pour les praticiens qui ne peuvent plus « exercer leur profession pour raison médicale ».

Ce sont les commissions régionales de coordination de chaque spécialité qui sont chargées d’examiner les dossiers des médecins en reconversion. CV, lettre de motivation, justificatif de formations complémentaires, de DU ou DIU : le dossier devra être nourri de toutes pièces permettant d'évaluer les connaissances et les compétences du candidat ainsi que son projet professionnel.

Pour cette première « fournée » de praticiens en reconversion, 111 places pour intégrer un 2e DES avaient été ouvertes (lire tableau). Avec par exemple huit places créées en médecine générale, 20 en psychiatrie, 11 en pédiatrie et 7 en anesthésie-réanimation. En médecine interne, neurologie ou médecine physique de réadaptation, aucun poste n’a été prévu. Pour les disciplines chirurgicales, les contingents sont très maigres.

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« La DGOS [ministère] a clairement affiché sa volonté de plafonner assez strictement les places pour que ces créations de postes répondent aux besoins de la population. C’est compréhensible, reconnaît le Dr Alexis Lepetit. Malheureusement, ces décisions ont été prises sans concertation. De nombreuses places ont été accordées aux spécialités… les moins choisies au ECNi, sans qu’elles soient toutes pourvues. Tandis que certains praticiens, avec déjà des projets de reconversion bien avancés, ont tout simplement été oubliés de la liste de postes ouverts ! Et ce, alors qu’ils s’étaient signalés auprès des coordinateurs locaux de spécialités, lesquels n’ont pas été systématiquement informés par les ARS. La communication a été déplorable ! Résultats ? C’est un an de perdu pour ces médecins oubliés », regrette le psychiatre.

Même si les confrères sont très motivés, c’est de l’ordre du saut dans le vide !

Dr Alexis Lepetit (Jeunes Médecins)

Face à ces couacs, le syndicat Jeunes médecins a incriminé fin décembre la « communication trop faible et trop tardive » du ministère. Une enquête d’avril 2023 réalisé auprès de ses adhérents a montré que 85 % des répondants n’avaient pas eu connaissance des modalités pour cette possibilité de nouvelle carrière. Quant au montant du congé de reconversion, les praticiens concernés ont été informés des modalités seulement 72 heures avant le début de leur formation au moyen d’un décret publié fin octobre. « Même si les confrères sont très motivés, c’est de l’ordre du saut dans le vide ! », ironise Alexis Lepetit.

L’indemnité mensuelle forfaitaire correspond à 85 % du montant total des émoluments bruts mensuels du praticien hospitalier ou contractuel et, le cas échéant, du montant de l'indemnité d'engagement de service public exclusif (IESPE). Les libéraux, eux, ne sont toujours pas fixés sur les modalités relatives à un changement de spé. Entre les retards des textes, les défauts de communication et les prérequis exigés, les démarches pour renfiler la blouse de Dr junior et se reconvertir s’apparentent encore au parcours du combattant.

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Source : Le Quotidien du Médecin