Allonger d'une année le diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale, c'est loin d'être gagné ! Si le sujet est sur la table depuis une décennie, si l'idée progresse, plusieurs paramètres font obstacle à sa mise en place.
À commencer par la motivation toute relative des futurs concernés ! Risque d'exploitation à l'hôpital ou de remplacement déguisé ? Selon une enquête déclarative en ligne* du « Généraliste », présentée au congrès de la médecine générale, 77 % des étudiants et internes seraient contre l'allongement de l'internat à quatre ans...
La conférence des doyens de médecine souffle le chaud et le froid. Pour son président, le Pr Jean Sibilia, prolonger le cursus généraliste n'est peut-être pas indispensable. « Les études sont déjà longues, explique-t-il. Par ailleurs la réforme du second cycle donnera une nouvelle place à la médecine générale. Il faudra peut-être attendre ». Mais un argument plaide pour l'allongement, celui de la polyvalence des soins primaires. « La médecine générale se complexifie, y compris avec la coordination et les nouveaux outils, et cela nécessite une 4e année sur le terrain ambulatoire ».
Autonomie progressive
L'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale (ISNAR-IMG) a sondé ses troupes au printemps 2018 et défend une position argumentée : l'allongement à quatre ans sous conditions. La maquette doit être réévaluée dans une logique professionnalisante, la quatrième année ne doit surtout pas aboutir à du remplacement déguisé, le projet personnel doit s'épanouir… Les failles de l'actuel DES sont soulignées : rigidité, manque d'enseignements sur la gestion du cabinet. « Les internes veulent un retour du stage libre, supprimé lors de la réforme du 3e cycle », illustre Lucie Garcin, présidente de l'ISNAR-IMG. Autre prérequis : des stages ambulatoires et des maîtres de stage des universités (MSU) en nombre suffisant.
Le Dr Anas Taha, président du Syndicat national des enseignants en médecine générale (SNEMG), se montre favorable à un cursus allongé, mais ne sous-estime pas les écueils. « Des internes trop sollicités par leurs maîtres de stage, on connaît malheureusement ! Ce n'est pas la majorité mais on en a conscience ». Si 4e année il doit y avoir, elle doit être professionnalisante. « Quand ils sortent après trois ans d'internat, ils disent qu'ils ne sont pas prêts, ils ont besoin de gérer le cabinet, de connaître le système de santé et l'interprofessionnalité », commente-t-il. L'année supplémentaire, précise-t-il, ne doit pas aboutir à un SASPAS « bis » [stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée].
Reconnaissance
Encore faut-il que les effectifs enseignants soient au rendez-vous ! Actuellement 10 000 praticiens sont maîtres de stage des universités (MSU), il en faudrait au minimum 2 000 supplémentaires. « Malgré les évolutions, il y a un manque de volontarisme car la médecine générale n'a pas encore toute sa place dans le système de santé, encore perçue comme une médecine de tri par les tutelles », déplore le Dr Taha.
La 4e année permettrait surtout un alignement avec les DES de spécialités. L'argument est partagé par le Dr Paul Frappé, nouveau président du Collège de médecine générale. « C'est une reconnaissance égalitaire vis-à-vis des autres disciplines, c'est donc un enjeu pour l'attractivité ».
Le débat est enfin financier. Dans son rapport sur la réforme du troisième cycle (fin 2017), l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) évaluait à 150 millions d'euros par an le surcoût de deux semestres extrahospitaliers systématiques pour 3 200 internes de médecine générale… Mais ce montant ignore l'organisation et le contenu de cette année supplémentaire. « Le modèle ne serait pas celui d'une année d'internat classique », recadre le Dr Paul Frappé. Le feuilleton de la quatrième année n'a pas fini d'animer la communauté généraliste.
* 825 répondants dont 600 généralistes, 49 spécialistes, 101 internes et 75 étudiants.
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