Alors que la maîtrise de stage des universités (MSU) en médecine générale prend de l’ampleur – près de 14 000 praticiens ont accueilli des étudiants de 2e et 3e cycles en 2024, soit une progression historique de 1 118 praticiens sur un an – ce n’est pas du tout le cas pour les stages en ville dans les autres spécialités.
« Stage en libéral : ça coince ! », dénonce la CSMF qui vient de demander au ministère de l’Enseignement supérieur « d’agir » en imposant par voie réglementaire « deux stages en libéral » dans chaque maquette de DES pour toutes les spécialités. « Les généralistes l'ont fait et cela marche, souligne le Dr Franck Devulder, patron de la CSMF. La médecine n'est pas qu'hospitalière. Empêcher les internes de spécialité à parfaire leur formation dans le secteur libéral, c'est se priver d'une chance de voir le nombre d'installations augmenter ». Le Dr Bruno Perrouty, président de la branche spécialistes de la centrale polycatégorielle, enfonce le clou. « Ces stages libéraux ne sont pas systématiquement prévus dans les maquettes de DES de spécialités ». « C’est le cas par exemple en neurologie ou en psychiatrie », indique-t-il.
Le même responsable syndical raconte une anecdote qui en dit long. « Un confrère psychiatre libéral formé pour être MSU a eu la réponse de la coordinatrice du DES de psychiatrie de Paris qui lui explique qu’aucun stage en cabinet ou en stage mixte n'est actuellement proposé par la maquette du DES », rapporte le neurologue de Carpentras.
Par ailleurs, même lorsqu’un stage est prévu dans la maquette, « il n’est pas toujours réalisé », déplore le spécialiste. « Beaucoup de responsables de DES ou de doyens refusent que les internes aillent en stage libéral motivant qu’en ville ils ne verront pas de pathologies intéressantes. Il y a une résistance des enseignants hospitalo-universitaires », se désole le Dr Perrouty.
Freins à plusieurs niveaux
Malgré un décret de 2020 officialisant pour les spécialités l’accueil des externes et internes dans les structures de ville, la démarche peine à se développer. En ophtalmologie, « 43 terrains de stage sont comptabilisés », témoigne le Dr Vincent Dedes, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof). « Cela représente 50 % des besoins estimés pour que chaque interne passe un semestre en libéral. C’est insuffisant », résume le spécialiste. Pour ce dernier, les blocages s’opèrent à différents niveaux, « du côté du coordinateur régional référent de la formation, des doyens voire de l’ARS ». « En fonction des régions, le coordinateur peut considérer qu’il a davantage besoin de main-d’œuvre d’internes à l’hôpital qu’en ville, ou que le projet pédagogique n’est pas correct ! », explique-t-il. Autre frein : le nombre de places limité dans les formations de maîtres de stage. Même si certains CHU semblent sortir du lot pour favoriser les stages en libéral, « il est nécessaire de rendre obligatoire les stages en libéral dans les maquettes de DES », appuie le Dr Dedes.
Interrogé par Le Quotidien, le président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) confirme que trop peu de terrains de stages en libéral sont proposés aujourd’hui dans les spécialités, hors médecine générale. « Les torts sont partagés, analyse Killian L’helgouarc'h, qui évoque « la méconnaissance des spécialistes pour devenir maître de stage universitaire ou encore le manque de volonté des coordinateurs hospitaliers de spécialité d’ouvrir des stages en libéral ». « L’organisation de l’hôpital public reste très centrée sur les internes, rappelle l’interne breton. Quand on en enlève, cela pose des problèmes ». Et de souligner que l’hôpital ne pourra pas former tous les futurs médecins. « Il y a donc un vrai enjeu pour trouver des stages de qualité partout et la ville aura toute sa part. »
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