Il y a deux semaines, une nouvelle tragédie touchait les étudiants en santé avec le suicide de Tristan, 27 ans, interne en médecine générale à Reims. D’après les syndicats, il serait le quatrième interne à mettre fin à ses jours depuis le début de l’année. L’émotion suscitée par son décès, a rapidement fait place à la colère notamment des représentants des futurs médecins qui réclament depuis longtemps des actions concrètes pour la prévention des risques psychosociaux chez les étudiants en santé et soulignent l’urgence de la situation.
Des alertes et propositions restées sans réponse
Une urgence déjà pointée avant ce nouveau drame par le Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA) dans une lettre adressée aux ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur à la fin du mois de janvier, dont Le Généraliste a eu copie. Le CNA y soulignait notamment une proportion d’étudiants en santé en difficulté « alarmante », la pandémie amplifiant le phénomène. Il enjoignait les ministères de tutelle à s’attaquer « aux causes de ce mal-être ». Si le Covid a « des effets mortifères » il n’a en rien « éliminé ni la maltraitance ni les harcèlements qui lui préexistaient », observe l’instance. « Il ne sera pas possible hélas, de prévenir tous les suicides, mais il nous revient à tous d’agir sur l’ensemble des facteurs de risque et de réduire au maximum les causes qui y mènent. »
Le CNA formule donc une dizaine de propositions urgentes à mettre en place, comme l'installation d’une commission nationale de vigilance à la qualité de vie des étudiants en santé (QVES) et de réévaluation des agréments de stages, une autre pour les situations exceptionnelles des internes, le respect du temps de travail ou la tolérance zéro vis-à-vis de la maltraitance et des harcèlements.
Pour toute réponse les deux ministères se sont contentés dans une lettre de lister les mesures mises en place depuis 2019 pour la qualité de vie étudiante et de rappeler l'ouverture prochaine d’un numéro vert... sans pour autant donner une suite favorable aux demandes du CNA.
Très peu d'engagements tenus par le gouvernement
Cette quasi non-réponse a été mal perçue par les intéressés. Les représentants des internes sont exaspérés par les difficultés rencontrées depuis 2019 par le CNA pour répondre aux 15 engagements pris par le gouvernement pour améliorer la qualité de vie des étudiants en santé après le rapport du Dr Donata Marra en 2018. L’Isnar-IMG a d'ailleurs exprimé son impatience après le décès de Tristan, estimant qu'en dehors de la mise en place du CNA, « 2 ans après, le bilan des 14 autres engagements reste catastrophique ». Les moyens donnés au CNA sont jugés aussi insuffisants. « Aujourd’hui le CNA dispose d'un poste de secrétaire pour 400 000 étudiants et celui du Dr Marra (présidente du CNA) à mi-temps », détaille Adrien Haas-Jordache, représentant étudiant au sein du CNA pour l’Isnar-IMG.
En presque deux ans d’existence, le CNA a mis en place des formations pour les coordonnateurs de DES, qui font le plein avec des inscriptions pour les trois prochains mois notamment. Mais le manque de visibilité sur la pérénité du CNA est un frein. « La lettre de mission du CNA se termine dans deux mois et pour l’instant nous n’avons pas l’assurance d’une continuité », explique Adrien Haas-Jordache. Quant à la proposition de création d’une commission pour les situations exceptionnelles des internes, elle ne peut pas avancer sans le feu vert des ministères.
Définir des protocoles clairs en cas de litige
Même si les propositions du CNA ou celles des étudiants en novembre dernier ne sont pas encore mises en place, les syndicats d'internes veulent croire à une prise de conscience des autorités après ce nouveau drame.
À la suite du décès de leur camarade, les représentants étudiants ont demandé à être reçus en urgence par leur tutelle. Ils ont d’abord rencontré mardi les doyens et présidents de CHU. Le Pr Patrice Diot, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, a réaffirmé sa volonté d’ « éradiquer la maltraitance » et son souhait d’une « tolérance zéro » envers les responsables de stage hors des clous. Mercredi les représentants étudiants ont été reçus par leurs ministères de tutelle. Ils ont demandé des mesures concrètes, applicables par les internes sur le terrain. « Sans aller jusqu'à des cas de harcèlement, si par exemple lors d’un stage ambulatoire un interne est confronté à un défaut pédagogique fort, il n’a pas forcément de personne identifiée à qui il peut le signaler et il est compliqué de savoir qui contacter pour changer de maître de stage et comment faire », explique, Morgan Caillault, président de l’Isnar-IMG. Les internes souhaiteraient donc que des « protocoles » et des directives claires leur permettent de savoir concrètement comment agir en fonction des situations pour faire respecter la réglementation sur leurs conditions de travail.
« Notre objectif n’est plus de traiter la souffrance mais de la prévenir », souligne Morgan Caillault. De futures réunions sont prévues avec les ministères, sans compter les groupes de travail de suivi du Ségur de la santé déjà prévus au printemps sur la qualité de vie et les conditions de travail. Les internes espèrent que ces échanges ne seront pas de nouvelles heures perdues. « C’est bien de faire des groupes de travail, mais derrière, il faut que ça avance », conclut le président de l'Isnar-IMG.
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